Lorsque Cidolphas vit le comportement passif agressif des créatures
insectoïdes, il conclut qu'elles étaient là pour protéger leur nid, ou plutôt
pour faire peur à d'éventuels agresseurs. Une stratégie commune dans le règne
animal, même chez les insectes. L’agression est soit le résultat de la faim,
soit la réponse à une agression physique ou mentale comme la perturbation de
l’ordre établi. Et dans ce cas-ci, les perturbateurs en question n’étaient
autres qu’eux dans leur navette bruyante. Cependant la réalité était autre.
Jamais au plus grand jamais, Cid, ni aucun autre membre de l'équipe
d'ailleurs, ni personne d'autre, n'aurait pu imaginer qu'il existait des
prédateurs dans l'un des environnements les plus hostiles qui puisse exister :
le magma. Pourtant le félin avait visité les mondes perdus. Un endroit
abandonné par la logique et ayant rejeté les lois de l’univers. Mais même
là-bas, une chose pareille n’avait pas été rencontrée, ou du moins pas encore…
Comment une forme de vie pareille aurait pu se développer et pouvait
exister dans de la roche en fusion dont la température avoisinait les 1200°c
?
- "Impossible !" - fut la pensée des cinq. Mais alors que leur
esprit curieux désirait découvrir et contempler cette impossibilité, tels des
papillons de nuit attirés par la lumière, Cid refusa d'écouter son esprit.
Si cette chose était bien la raison du comportement défensif des créatures
insectoïdes, si cette chose avait fait sortir des milliers de ces êtres hors de
leur nid, alors elle était synonyme de grand danger.
Et comme pour justifier sa pensée, quinze appendices jaillirent du monstre,
perforant le granite. Les appendices n’étaient pas élastiques comme des
tentacules, mais ressemblaient plutôt à de très longues pattes d’araignée
terminées par trois griffes qui perforèrent le granite sans aucune difficulté.
La créature se hissa lourdement et maladroitement et sur le mur à une
centaine de mètres à peine du groupe, dévoilant son apparence hideuse de ver
fait de terre ou plutôt à la peau recouverte de pierre liquéfiée, si grande que
le reste de son corps baignait encore dans le magma à près de 25 mètres de
hauteur.
Le ver en terre colla ensuite sa gueule béante contre l'entrée d'un tunnel
et les cliquetis explosèrent, empreints de stress et de colère. Les créatures
insectoïdes jaillirent de tous les orifices possibles, convergeant vers leur
agresseur.
- Oh seigneur ! - laissa échapper Dalanda avec une voix tremblotante.
- Je crains d'être d'accord avec vous - dit Bender
- C'est pas bon ça, c'est pas du tout - paniqua Jess en s'imaginant être
submergé par cette marée.
- Il faut que tu fasses quelque chose mon minou ! - hurla Castillyone
- Qu'est ce qu'on fait ? - demanda Dalanda
- "Hihihi on va finir en viande hachée ! Laisse-moi faire !"
-" Ta gueule ! Jamais !" - Tout le monde serre les dents ! -
suggéra Cid en se préparant corps et âme à encaisser la vague tout en espérant
être frappé d'une épiphanie.
S'il était seul, Cid aurait pu se sortir de cette situation les doigts dans
le nez. Mais là il portait ses compagnons sur le dos et ses possibilités
étaient de ce fait limitées. Il ne pouvait pas se battre et défendre tout le
monde, un coup de faux pouvait toucher Bender ou Dalanda ou Jess. Se battre
pour protéger est très différent de se battre pour détruire, les enjeux ne sont
pas les mêmes.
Le désespoir le poussa même à imaginer de se jeter dans la lave, ou plutôt
de courir sur la lave. Il pouvait le faire sur l'eau, en réalité un tel exploit
ne demandait pas grand-chose. Une simple vitesse de 50 m/s pouvait suffire pour
un être de sa taille et de son poids. Une fraction de ce qu'il pouvait
réellement accomplir. Mais hélas, la température allait avoir raison de son
armure, puis de sa chaire, puis de ses muscles, et ce en moins de trois
secondes tout au plus.
"Prendre soin des autres est un fardeau, protéger les faibles est
comme porter une montagne à bout de bras, et c'est la raison pour laquelle
cette tâche effraye tant. Parce qu’elle met en avant notre propre incapacité.
Et de ce fait, porter le fardeau des autres est le privilège des forts, forts
de muscles, forts d'esprit et forts de cœur. Il n'y a aucune autre preuve en
cet univers de la force que celle-là".
Même si cette philosophie n'était pas celle de Cidolphas Marshall, en cet
instant, il était en train de la découvrir à sa manière.
Alors que le mur était envahi de ces horribles créatures à l'abdomen de
chenille et au torse déconcertant de ressemblance avec celui d'un humain. Plus
large, carré et recouvert d'un exosquelette, mais quand même, la ressemblance
était là. Alors que la paroi grouillait de ces horreurs, s'aidant de leurs
quatre pattes dorsales pour rester à la verticale, Cid accueillit ce challenge
avec un sourire nerveux.
- Je vais t'aider ! - hurla Dalanda en plongeant dans le maximum de nexus
émotionnel de créatures possibles dans le but de les pacifier, de créer une
bulle qui oblige les autres à les contourner.
- Attends ! - hurla Cid en retour, mais trop tard, son amie était déjà
passée à l'action.
- Laisse-la faire ce qu'elle veut ! - hurla Castillyone en essayant de se
débarrasser de ses liens.
- Elle sait ce qu'elle fait ! - appuya Bender
- "Fait chier !" - pensa Cid. Personne ne comprenait à quel point
c'était dangereux, qu'il y avait de sévères conséquences - "fait chier
!" - pensa-t-il à nouveau, en colère contre son hésitation.
Les insectes s’arrêtèrent, créant un carambolage qui fit tomber plusieurs
d'en eux, mais la bulle était là. Les autres étaient obligés de contourner pour
se jeter sur le ver en terre et être brûlés par sa peau en fusion. Mais malgré
cela, il n'y avait aucune hésitation, chaque coup de griffes ou d'appendices
était un prix que les créatures payaient sans même réfléchir.
- Ça marche ! Ça marche ! - s'exclama Jess qui n'en croyait pas ses yeux !
- Qu'est ce qu'elle a fait ? Qu'est-ce qui s'est passé ? - demanda
Castillyone.
- Dalanda, ça va ? - demanda Cid inquiet.
- ...
- Dalanda ?
- Il... il y a quelque chose. Il y a quelque chose qui leur parle. C'est...
C'est plus fort que moi ! AHHH ! - hurla la jeune femme en se prenant la tête,
rattrapée à temps par Jess pour ne pas tomber.
Les créatures poussèrent de furieux cliquetis en se jetant contre eux,
décidées à les réduire en charpie.
- ET FAIT CHIER ! - laissa échapper Cid complètement enragé, les yeux
injectés de sang.
- Jess, le flingue ! - hurla Bender avant que le z'hum n'entre en action et
le jeune chirurgien fut frappé de stupéfaction.
- "C'est vrai ! J'ai mon fusil !" - pensa-t-il, choqué par sa
passivité, se trouvant complètement inutile. À part Eiling, Jess était la seule
autre personne dotée d'une arme à feu. Celle de Bender était restée dans la
navette pratiquement fondue, Castillyone n'en avait jamais reçu, et Cid, son
corps était une arme blanche.
Paniqué et stressé, Jess commença à détacher son fusil pour le donner à son
sergent, mais dans son état émotionnel et avec une main libre, cette tâche
simple était devenue incroyablement compliquée. De plus, Marshall était entré
en action et O'Ryan eut l'impression d'être sur un buffle enragé durant un
rodéo. Les accélérations et les mouvements extraordinaires du z'hum rendaient
le seul fait de ne pas perdre connaissance, une lutte pour sa vie.
La première chose que Marshall fit fut de se propulser quelques mètres plus
bas, juste à temps pour éviter des coups de faux qui les auraient empalés comme
des brochettes. Mais dans l'instant d'après il se propulsa en avant comme un
boulet de canon et percuta le torse d'une créature de son épaule libre. Cette
dernière fut projetée en arrière poussant ses semblables comme une boule de
bowling, et les faisant tomber dans le magma dans des cris de douleur
déchirant.
Ensuite, il enfonça une main dans le granite, pliant le métal de son
armure, puis pivota sur lui-même dans un mouvement similaire au Relagio de la
capoeira. Le tourbillon de métal brisa les pattes et les protubérances osseuses
des créatures, leur faisant perdre l'équilibre et entraînant un plongeon fatal.
Le plus dur pour le z'hum était de prendre en compte sa nouvelle
silhouette. Il devait incorporer tout le monde, ce qui faisait que son
"corps" était bien plus large que d'habitude. C'était comme s’il
avait trois cœurs exposés sur son dos. Quant à Castillyone ? Elle était plutôt
un boulet qui servait à cogner.
Pendant que le z'hum défendait tout le monde du mieux qu'il pouvait, que
Jess essayait de donner son arme à Bender, et que castillyone jurait de se
venger, le ver en fusion poussa un bruit très difficile à décrire, mais il
était possible d'y percevoir beaucoup de plaisir.
- Glluoooolmmmmn ! - il dégagea sa gueule de la paroi rocheuse dévoilant
une langue gargantuesque en termes de longueur, sur laquelle était collée
plusieurs créatures insectoïdes.
Au même instant, Dalanda eut écho de quelque chose. Elle entendait un murmure
dans sa tête, un murmure empreint d'une profonde colère dans une langue qui lui
était complètement étrangère.
- Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous voulez ? - demanda Eiling, submergée
par des émotions étrangères et une présence dans son esprit : peur, colère,
outrage... une idée, des pleurs, du chagrin tournaient en boucle prenant de
plus en plus de sens, se nourrissant de sa propre expérience et de ses propres
ressentis pour se transcrire par des mots :
- ...Mes enfants !! ... Mes enfants !! ... - entendaient Eiling les pleurs
d'une mère, des pleurs qu'elle pouvait très bien comprendre.
Comme une naufragée au milieu de l'océan, Dalanda saisit ce lien, cette
voix, cette présence, de toutes ses forces.
- "Attendez ! Attendez !" - demanda-t-elle en espérant reprendre
son souffle, en essayant d'ordonner ses idées, en essayant de sortir la tête
pour prendre désespérément une bouffée de sanité - "Attendez ! Attendez
!"
- "Mes enfants !!" - continuait à hurler la présence, projetant
toujours plus de haine, de douleur et de colère.
- Attendez !! - hurla Dalanda à haute voix, stoppant Cid alors qu'il
étripait un énième agresseur.
- Quoi ça ?! - demanda-t-il surprit avant de penser - "oh merde"
- Le fait de s'être arrêté pendant cette seconde valut presque à Bender un trou
au sommet du crâne - Rêvasse pas tête de piaf ! - dit Cid.
- Il faut qu'on se barre de là !! - répondit Jonathan en retour en
récupérant tout juste le fusil de Jess, ouvrant le feu d'une main, aidé par son
armure, tout en essayant d'éviter de se faire décapiter.
- Sans déconner ! - répondit Cid en un souffle, trop vite pour que
quiconque puisse comprendre hormis Castillyone qui se débattait comme une
lionne du mieux qu'elle pouvait, ballottée dans tous les sens comme une boule
goupillon d'un fléau d'armes.
- Je vais te tuer !!! - hurlait-elle entre deux balancements.
- Laisse tomber ce sac et c'est moi qui te crève !! - rugit le z'hum en retour
- Laisse tomber ce sac et c'est moi qui te crève !! - rugit le z'hum en retour
- Cid ! Stop ! - demanda Eiling
- Non, mais ça ne va pas ? - répondit ce dernier un peu sèchement. Il ne
voyait pas du tout pourquoi et surtout comment arrêter. Là, ils étaient dans
une situation de vie ou mort, alors - "comment ça stop ?"
- "Hihihi, si elle est suicidaire, laisse-moi faire. Je promets que
tout se passera vite, allez ! Ne fait pas ton chieur hihihi".
- ...
- Wow ! Hey ! - réagit Jess alors que Dalanda revenait péniblement à elle,
poussant sa volonté dans ses extrêmes. Puis elle enveloppa le cou de Cid de ses
mains et essaya de tirer de toutes ses forces pour le faire s'arrêter, mais
c'était peine perdue. Le z'hum était bien trop préoccupé par ses adversaires
pour remarquer ce mouvement délicat.
- S'il te plait ! SSTTOOPPP ! - demanda Dalanda en essayant de tirer plus
fort pour arrêter le félin. Et, au bout de quelques instants, Marshall,
accroupi sur une des créatures insectoïdes, les poings serrés au-dessus de lui,
prêt à réduire le crâne de son adversaire en bouillie, s'arrêta net dans son
geste.
- Sans déconner... - murmura-t-il alors qu'un nouveau bruit se faisait
entendre
- Grrmmlllmmm...
La créature de lave avait sorti à nouveau sa gargantuesque langue et se
tournait dans leur direction pour balayer tout le mur et capturer sa précieuse
nourriture.
La présence qui s'était infiltrée à l'intérieur de l'esprit et de l'âme
d'Eiling commença à pleurer. La jeune femme ne sut trop quoi penser et eut du
mal à se protéger contre la peine qui l'envahissait. Pour la première fois de
sa vie, elle avait le retour de bâton, elle était émotionnellement parasitée,
forcée à ressentir des choses qu'elle n'avait pas envie de ressentir. Au final
il lui était impossible de dire si cette volonté était même la sienne, mais
elle ne put s'empêcher de l'exprimer.
- CID ! SAUVE-LES !
- "Non, mais t'es malade ?" - voulait rugir Cid, mais il n'avait
pas le temps de prononcer des mots à une fréquence que tout le monde pouvait
comprendre, car la mort arrivait, une mort rose et gluante.
La langue de la créature était anormalement longue et large. En longueur
elle pouvait facilement faire plus de quinze fois et demie la taille du ver en
terre, et en largeur elle devait faire quatre à cinq mètres.
Mais le principal problème pour le z'hum n'était pas les mesures, c'étaient
la densité et la viscosité de l'objet. Ces facteurs pouvaient absorber toute la
force qu’il pouvait générer et le coller comme une mouche dans le la
glue.
- "Je suis désolé fillette, mais je ne vais pas pouvoir sauver grand
monde" - pensa Cid avant d'entrer en action. Son plan était tout
simplement de fuir le plus vite et le plus loin possible en laissant la
créature se remplir la pense. Un plan très simple, et efficace cependant,
c'était sans compter sur l'influence de son amie. Cette dernière fit le lien
entre la présence dans son esprit et Cid, le submergeant d'émotions qui
n'étaient pas les siennes, et lui coupant toute envie de fuir. Après avoir
ressenti cette peine et cette détresse, il ne pouvait plus se permettre de
fuir. Il n'avait qu'une seule chose à faire.
Au lieu de prendre la poudre d'escampette par la droite, Marshall bondit en
avant à la rencontre de la langue. Il banda ses muscles au maximum, déformant
son armure de l'intérieur, encra ses jambes le plus profondément possible dans
le granite et embrassa le choc en espérant pouvoir résister.
Bam ! l'impact fut extraordinairement violent et le balaya presque. Malgré
la lenteur du mouvement, il y avait une force incroyable dans cet appendice
buccal, mais ce n'était pas étonnant. Vu le nombre de créatures insectoïdes
qu'elle pouvait capturer, elle devait avoir la force suffisante pour les tirer
dans la gueule du ver. Cette langue à elle seule devait avoir mille fois la
force des insectes et c'était contre cette puissance colossale que Cid devait
lutter sans même savoir pourquoi.
- Qu'est-ce que tu fous ? - demanda Castillyone confuse.
- J'aimerais bien le savoir ! - répondit péniblement Cid avant de crier -
Putain, tu fais chier fillette ! - son armure était dégoulinante de bave
gluante. Crac, crac, il sentait le métal et ses os craquer à mesure qu'il était
poussé toujours plus bas, centimètre par centimètre. Tout ce qu'il pouvait
gagner était une minute ou deux, mais pourquoi ?
- Je suis désolée, fais moi confiance s'il te plaît - demanda Eiling ! -
Tiens bon.
- "Arghhh !!!" – hurla intérieurement le z’hum en essayant de
faire taire sa douleur et les voix qui rageaient dans son esprit.
- "Hihihi Ss sss DONNE MOI LE CONTRÔLE !! DONNE-MOI LE CONTRÔLE ET JE
RÉDUIRAI CETTE SALOPERIE EN CHARPIE !!!… Mes enfants… !!!"
La confusion fut générale. Toutes les créatures présentes et non présentes
furent effectivement surprises on seulement par l’action, mais surtout par la
réussite, temporaire, de cette action. Le ver en terre ne comprenait pas du
tout par quoi sa langue pouvait être coincée. Cid était si petit, qu’il ne
pouvait même pas le voir, si insignifiant que ses cellules cérébrales ne
pouvaient concevoir cette possibilité.
Les créatures insectoïdes étaient également surprises par la mort qui ne
venait pas. Elles étaient prêtes à se battre jusqu’au dernier souffle, prêtes à
griffer et couper. Au lieu de cela, elles restèrent figées, pataudes et
incertaines, comme si elles se posaient toutes la même question :
« Qu’est ce qu’on fait maintenant ? »
Et plus important encore, la présence qui les tenait en laisse était
également surprise, ce qui permit à Eiling de prendre la main et de commencer
les négociations en essayant de passer outre la barrière de la langue, ou
plutôt la barrière des espèces. Il était difficile de dire si ces choses
avaient une civilisation et donc un langage complexe et intelligent ou une
forme de communication grossière à l’image de chiens ou de fourmis. Mais tant
qu’ils étaient capables de ressentis, alors cette barrière n’était en rien un
problème insurmontable.
À tâtons, Dalanda commença à transférer une quantité raisonnable de bonté
en essayant de dire
- Nous ne vous voulons aucun mal ! Nous voulons vous aider.
Et ce en essayant d'être la plus franche possible. Il ne fallait surtout
pas mentir, c'était leur seule chance pour plus tard.
- Hmpf ! Je refuse ... de crever... comme apéritif ! - hurla Marshall en
faisant de son mieux pour contenir l’appendice buccal, tout en espérant que le
ver en terre ne le ramène pas maintenant dans la bouche. Si les muscles
rétractiles de l'animal rentraient en action, c'était foutu. Et quelle ne fut
sa surprise en voyant les créatures insectoïdes planter leur faux dans la langue
sans essayer de faire de même avec eux. Dans cette position de faiblesse le
z’hum et ses compagnons étaient complètement sans défense, raison pour laquelle
Cid voulait éviter cette situation.
Toutes attaquèrent l'appendice buccal avec un acharnement frénétique, le
tranchant, le perçant, et crachant leur morve glacée.
- RAHHH ! - rugit Marshall en essayant de déchirer la chair, la
séparant difficilement, mais surement de part en part, participant
volontiers à l'effort collectif.
- MMMMGGLLMMM !!! - fit le ver alors que sa langue fut détachée de son
corps. Le monstre hurla encore et encore avant de plonger dans le magma et
disparaître dans la roche en fusion.
- Kriikikiki !!! - firent les insectes en levant leurs pattes aiguisées en
l'air dans une célébration de victoire.
- Et maintenant ? - demanda Bender qui ne savait pas trop s'il devait
ouvrir le feu en réponse aux cliquetis incessants le mettaient très mal à
l'aise, ou reposer la gâchette, ou sauter dans la lave pour nettoyer tout
le sang qui venait de lui couler dessus.
- Je suis aussi perdu que toi tête de piaf - répondit Cid sans lâcher sa
tension musculaire. Il devait être prêt à réagir au moindre geste louche. Mais
les créatures restaient en stand-by, elles aussi prêtent à entrer en action -
Tout dépend d'elle.
La discussion qui avait lieu était bien étrange. Déjà, elle se passait
au-delà de la notion d'espace, il s'agissait d'une conversation à distance à
l'intérieur de chacun des deux participants, distante et interne à la fois. Et
cette conversation était démunie de toute forme de mots, mais non de langage.
Un exercice que même Dalanda trouva particulièrement délicat malgré ses années
de pratique. C'était comme si elle passait d'une littérature pour enfant à une
œuvre de Tolstoy.
La jeune femme ressentait des subtilités émotionnelles qui lui étaient
complètement inconnues ouvrant un nouveau spectre de possibilité en termes de
ressenti. Cet être à l'autre bout de la communication était doué d'une
intelligence émotionnelle hors du commun, et Eiling se sentait vraiment mal de
lui proposer en échange, son baragouinage. Elle se sentait comme une arriérée
qui essayait de tenir une conversation avec un érudit. Mais elle devait se
faire comprendre, il ne pouvait en être autrement pour le bien de tous.
Dalanda commença à lier certaines émotions primaires entre elles en
ajustant le dosage pour manipuler le sens de cette information qu'elle voulait
transmettre.
- "Nous ne sommes pas vos ennemis !" - dit-elle en usant d'une
bonne dose de franchise, d'une poignée de bonté, et d'une chiffonnade d'autres
sentiments.
Et en retour elle reçut rage, douleur, rancune, peur... Un cocktail que la
jeune femme comprit comme
- "Vous nous avez attaqués" ou "vous avez tué les
miens" ou "vous êtes les agresseurs"...
Une accusation qui pouvait difficilement être contredite, car elle n'était
pas liée aux faits, mais était issue du ressenti, et il était difficile de
faire bouger un individu d'une position basée sur le ressenti.
Dalanda décida d'essayer de faire comprendre à l'autre qu'il s'agissait
d'un malentendu. Que tous les deux se sont sentis en danger, mais que
maintenant ils pouvaient se comprendre, qu'ils pouvaient éviter un bain de
sang, qu'elle voulait juste traverser cette région avec ses compagnons et
qu'ils ne cherchaient pas de problèmes. Transcrire tout cela, le coder dans ce
langage particulier était un travail d’orfèvre, mais malgré ses efforts quelque
chose bloquait.
La présence écoutait, comprenait même peut-être, mais intelligence
émotionnelle n'est pas forcément synonyme d'intelligence pragmatique. Faire
bouger un point de vue basé sur le ressenti était extrêmement compliqué,
surtout si ce ressenti était basé sur la peur et sur la volonté d'auto
préservation de la colonie. Il fallait du temps pour changer cela, mais du
temps ils en manquaient.
- « Que
faire ? » - se demanda Dalanda alors qu’à l’extérieur de cette
conversation les créatures insectoïdes se préparaient à attaquer.
- Je ne pense pas que ça
marche – commenta Jess inquiet.
- Kruu rru rru ! De
toute façon, les bons insectes sont des insectes morts – répondit Cid sur un
ton détaché et froid en comprenant que la négociation commençait à mal tourner.
Il était d’accord pour laisser la priorité aux mots, mais il était aussi d’avis
que ce que les mots ne pouvaient régler, les poings pouvaient le faire. C’était
un échec mutuel en tant qu’espèce douée de raison, mais c’était comme ça et pas
autrement.
Cependant ses crocs et ses griffes durent rester temporairement au repos,
car Eiling décida de faire quelque chose qu’elle n’appréciait pas du tout, qui
la fit se sentir sale... Mais la jeune femme était persuadée de ne pas avoir de
choix. Elle rassembla ses souvenirs les plus sauvages de Cid et de la chimère
en les associant à l’idée de nids et à toutes les émotions négatives qu’elle pouvait
trouver en elle, promettant ainsi que son compagnon mettra fin à tout ce à quoi
l'autre tenait si jamais ils n’obtenaient pas ce qu’ils voulaient.
La peur était également un outil à l’efficacité variable dans la gestion
d’êtres doués de sensibilité. Mais était-ce le bon ?...
- Regardez ! ils reculent ! Ils s'en vont ! - s'écria Jess extrêmement
soulagé par le comportement de ces créatures. Il était épuisé physiquement et
mentalement, s'accrocher à Cid était comme s'accrocher à un cheval sauvage sous
LSD...
- Je n'en crois pas mes yeux - murmura Jonathan également soulagé,
sous soulagé qu'il ne pût s'empêcher de lâcher un petit soupir.
- Qu'est-ce que tu as fait ? - demanda Cid, la poitrine serrée
d'inquiétude.
- Une bêtise - répondit Eiling exténuée - j'ai bien peur d'avoir fait une
bêtise.
- Hmm ... - fit Marshall en regardant les créatures insectoïdes s'en
aller comme si elles avaient le diable aux trousses.
- Je leur ai dit que si ces choses ne nous laissaient pas tranquilles, tu
détruirais tous leurs nids - dit-elle après quelques minutes de repos, histoire
de reprendre son souffle et de remettre ses idées en place.
- "Elle a parlé à ses choses ?" - pensa Bender mais il rata
l'occasion de poser la question lorsque Marshall éclata de rire.
- KRUUU RRU RRRU RRRRU !!! Kruu rru rru !!...
- Arrête de rire, ce n'est pas drôle !
- Kruu rru rru !!!
- "Hihihi elle est vraiment mignonne à croquer"
- ....
- Si ce n'est que ça, je pense que tu n'as fait que dire la vérité ou je me
trompe - demanda Castillyone
- Pas faux - répondit Cid - tu n'as fait que les prévenir de ce qu'ils
risquaient. Tu n'as pas à te sentir mal pour ça - dit-il ensuite.
- "Peut-être" - pensa Dalanda. Mais la ligne n'était pas aussi
simple, n'était plus aussi simple à tracer une fois que les émotions de l'autre
étaient touchées, étaient ressenties ; une fois que les motivations de l'autre
étaient comprises ... comment se fermer à tout ça ? Elle leur avait fait si
peur qu'elle-même eut peur. Elle se sentait comme une personne sortie d'un
épisode délirant pour se rendre compte qu'elle avait poignardé quelqu'un. La
culpabilité, sensée ou non, était lourde à porter.
Le z'hum recommença à grimper sans faire de bonds, pour ménager sa
passagère, mais suffisamment vite pour donner l'impression qu'il était une
sorte de lézard courant sur la paroi verticale. Et au bout de quelques
instants, il trouva l'entrée d'une grotte qui lui convenait.
- Allez les piafs, tout le monde descend avant qu'on me chie dessus,
kruu rru rru !! - se moqua Cid
Recevant un
- Connard !
De la part de Jonathan qui ne se fit pas prier.
- Allez fait pas ta tête, elle était pas mal je trouve.
- Je suis trop crevé pour écouter tes conneries - dit Bender en s'asseyant
au sol suivi par Jess.
- Voyez-vous ça ! Monsieur est fatigué ? Kruu ruu ruu. Si tu...
- Cid, j'ai aussi besoin d'une pause - demande Dalanda en se laissant
tomber au sol. La jeune femme avait une idée de la remarque que son amie allait
sortir. Et cela n'allait rien changer à leur situation, au contraire. Le voyage
ne faisait que commencer et il était préférable que le climat social de leur
groupe ne devienne pas toxique.
- Peut-être que le z’hum comprenait également cela, ou peut être que ce
genre de détail n’avait pas traversé son esprit. Plus important que des
blagues, il avait quelque chose à dire. C’est pourquoi il s’approcha d’Eiling,
avant de lui murmurer à l’oreille.
- Ne recommence plus jamais ce que tu viens de faire.
- "Quoi ? Qu'est ce j'ai fais ?" - paniqua la jeune fille mais le
z'hum s'éloigna du groupe, suivi par Castillyone.
- Dur de travailler avec des amateurs, n’est-ce pas ? - demanda Castillyone
sur un ton sarcastique.
- Qu'est-ce que tu veux ? SI c'est pour te plaindre de la manière dont tu
es traitée parle à quelqu'un que cela que ça intéresse - répondit sèchement Cid
énervé.
- J'ai connu bien pire - répondit Castillyone en s'avançant - ce
n'était pas aussi original, mais c'était bien pire - dit-elle à nouveau en
faisant quelques pas de plus obligeant Cid à lui faire face de toute sa taille
pour la dissuader de tenter une agression quelconque.
- Qu'est-ce que tu veux ?!
- Te dire que j'ai été impressionnée par toi
- Kruu rru rru ! Merci, j'imagine si c'est tout tu peux repartir.
- Tu en es sur ? - demanda la spécialiste en essayant d'écarter les mains
malgré ses liens alimentés. Et lentement, elle arriva à les écarter avant de
les fracasser les uns contre les autres.
- J'imagine que le moustique est fichu - commenta Cid.
- À force de me balancer dans tous les sens, c'est normal. Tu aurais dû
saboter les circuits de mon armure.
- Hmpf, ça ne change rien à ta situation.
- Peut-être bien, peut-être que si. T'imagines ce que j'aurai pu leur faire
pendant que tu boudais ici ?
- ... !!
- Tout doux, mon grand, tu vois bien que je ne cherche pas de problèmes. Au
contraire - dit-elle en s'approchant davantage.
- QU'EST CE QUE TU VEUX ?!
- Soit mon partenaire ! Ensemble, les choses qu'on pourrait
accomplir ! Aucune contrainte morale t'imagine ? On pourra céder à toutes
tes pulsions ensemble ! - dit Castillyone enjouée par cette idée et elle
n'était pas la seule. Dans l'esprit de Cid un rire serpentin prenait de plus en
plus d'ampleur couvrant presque complètement sa pensée.
- "HIHIHIHI SSSSSS je l'aime bien ! Je veux la mordre ! Je veux la
croquer !!!"
- Qu'est-ce que t'en penses ? 30/70 pour toi ! C'est raisonnable je trouve.
Et p…
- KRUU RRU RRU RRU !!! - explosa Cid de rire en se tenant le visage d'une
main, plié en deux. Ce rire était un véritable fou rire qu'il n'avait pas connu
depuis bien longtemps.
- ...
- Kruu rru rru ! 30/70... Je ne suis peut-être pas aussi vieux que ton
boss, mais j'ai pu entendre un paquet de conneries au cours de ma vie.
- Tu crois que je te raconte des conneries ? Tu veux plus ? - demanda la
spécialiste confuse.
- Si tu n'as rien d'autre à me dire, tu peux te casser - répondit Cid - ta
proposition ne m'intéresse pas.
- Je vois ... Je ne m'attendais pas à cette réaction, mais ce n'est pas
plus mal, la chasse à du bon pas vrai ?
- La chasse ? Tu comptes chasser qui ? Moi ?!
- Je compte te mettre à mes pieds - proclama la spécialiste ce qui valut un
nouveau fou rire de la part de Marshall poussant les autres à se demander ce
qui était de train de se passer.
- Pour l'instant met toi en marche petite sauvageonne - dit Cid avant de
crier - la pause est finie, on se remet en route !
À plusieurs kilomètres de là Cornelis était confortablement assis dans le
bureau de Philippe Morel, parcourant chaque fichier, chaque détail de son
journal de bord.
- Mais qu'est-ce que tu voulais faire ? - se demanda-t-il, captivé par les
fichiers enregistrés sur l’ordinateur personnel de l’ancien préférum.
- Qu'est ce qu'on fait des survivants ? - demanda Anderson.
- Hmm ? Oh, oui, rien. On pourra tout mettre sur le dos de Morel. Ce n'est
pas un problème. Ils iront dans un centre de traitement pour SPT à nos frais et
on leur nettoiera la cervelle de souvenirs inutiles.
- Et pour le message envoyé à Dragnoff ?
- Tu crois qu'il aura le temps de lire le message d'une inconnue ? Ce
message n’arrivera jamais de toute façon. Par contre, je pensais vraiment qu'il
était mort Soumaré. Autant faire que ce soit vrai, tu ne penses pas ? Il est
hors de question qu'il quitte Meliacor vivant. Un mail ça se bloque, mais si
jamais il se déplace de lui-même pour voir Dragnoff, cela risque de nous poser
quelques problèmes - dit Cornelis et Anderson hocha de la tête de manière
approbatrice ce qui fi sourire le préférum. C'était délicat de discuter avec
une personne qui pouvait prévoir comment allait se dérouler une conversation.
Toc toc !
- Voilà encore d'autres gêneurs... - commenta Cornelis avec un sourire
amer, avant de sentir quelque de particulier, de très particulier, de l'autre
côté de la porte.
Haysh Niko entra dans le bureau accompagné de ses enfants. Il était calme
et réfléchit, mais c'était un front qui masquait une colère bouillonnante
contre une profonde injustice. Cependant, il n'était pas préparé à ce qui
allait suivre. Personne ne l'était d’ailleurs, même pas Anderson, même pas
Cornelis lui-même alors qu'il bondit par-dessus son bureau, la rage au
ventre.
Quelque chose à l'intérieur de lui le poussa à perdre le contrôle, à se
jeter sur Haysh, cependant il fut arrêté juste à temps par Guy Anderson. Le
jeune homme, les mains dans le dos dans une posture militaire, attrapa le bras
tatoué de son maître. Il fut surpris par la force démente de ce dernier et la
vitesse, et pour la première fois depuis longtemps, il dut puiser dans ses
ressources.
- Cornelis ! - haussa le ton pour la première fois Guy comme seul un frère
pouvait le faire, mais même cette voix était perdue dans les méandres d'une
colère noire, d’une colère aveuglante qui atrophiait tout sens commun.
- JE VAIS TE TUER DE MES PROPRES MAINS, CHIMÈRE !! - hurla Morel avec
toute la force de sa rancune. Mais cet élan d'émotion l'épuisa considérablement
donnant la main à Cornelis. Parcouru de sueurs froides et les jambes
tremblantes, ce dernier tomba à genoux, envahi par des images terrifiantes
d'une créature qui ne devait pas exister, et pourtant...
- Hey ! C’est quoi cette embrouille ? - protesta Alésha qui avait du
mal à garder son calme à la base, prête à dégainer son pistolet (Alfa
Aracmia Strike 400 = AAS 4 : poids = 2.7 kg; longueur = 33 cm; calibre = .33;
chargeur = 10 balles), mais stoppée par un geste de son père.
- J'espère pour vous que vous avez une explication satisfaisante préferum
Van Alphen - demanda Haysh en essayant de garder son calme et de maîtriser sa
voix qui ne demandait qu’à descendre dans les aigus. La surprise était totale,
et la peur associée l’était également, mais tant qu’il se rappelait qu’il avait
une protection, limitée, due à son poste, il pouvait gérer. Certes, les golden
owls font partie d'une organisation rattachée à la SMP OWl (société militaire
privée : OWL) sans en faire réellement partie, mais en principe le grade de
Niko n'était en rien inférieur à celui du chef des opérations à genoux devant
lui.
- Une explication ? J'aimerais bien en avoir aussi - répondit Cornelis
avant de se lever, secouant la tête comme pour remettre ses idées en place.
- ?
- Mettez-le sur le compte du stress - dit Van Alphen.
- Espec...
- Alésha, du calme - murmura Monroe en prenant le bras de sa sœur.
- Je vois - répondit Haysh –, mais vous comprendrez que je suis dans
l'obligation de l'inclure dans mon rapport.
- Je sais et j'en assumerai la responsabilité. Je m'excuse pour cet élan
d'agressivité - répondit Cornelis en toute franchise. Cela ne lui coûtait rien
d'apaiser une tension inutile, mais... - Par contre - dit-il en s'asseyant sur
la table de Morel - vous êtes bien au courant des droits sur la propriété
intellectuelle n'est-ce pas ?
- Bien sûr - répondit Niko - et il n'est pas de notre intention d'influer
d'une quelconque manière sur vos activités. Nous cherchons juste à faire notre
travail.
- Bien, bien, bien. Dans ce cas, où est ce qu'elle est ? - demanda
Cornelis, prenant tout le monde par surprise y compris Guy.
- Où est quoi ? - demanda Haysh en retour.
- "Calme-toi Morel, calme-toi et retourne mourir !" - pensa
Cornelis, mais son nouveau colocataire ne l'entendit pas de cette oreille.
Quelque chose l'empêchait de trouver le repos, une senteur, une présence, qui
l'agitait d'outre-tombe, lui donnant la rage d'agir - Hey ! monsieur
l'enquêteur, tu commences à me casser les couilles ! - dit Morel en se grattant
férocement le crâne, tout en tournant la tête dans le sens des aiguilles d'une
montre - ma bonne volonté à des limites. Tu pues cette hideuse monstruosité !!
Alors où est ce qu’est la chimère !! Que je la tue de mes mains !! -
demanda-t-il alors que ses yeux bougeaient dans tous les sens comme un dément.
- "Qu'est-ce que...".
- Le préférum à clairement besoin de repos, je vous saurais gré de
repousser votre entretien à plus tard - demanda Anderson sur un ton qui n’avait
rien d’une requête et ne laissait aucune place à la négociation.
- Très bien ! Mais j'attends des explications en bonne et due forme -
répondit Haysh avant de sortir du bureau de Philippe Morel en compagnie de ses
enfants.
- Je n'y crois pas. Qu'est-ce qui vient de se passer exactement ? - demanda
Alésha en refermant le fourreau de son arme.
- Je dois avouer que je suis aussi perdu que ... - Haysh s'arrêta dans son
discours au son d'ouverture de la porte. Joe, Sam, et Eva, les trois gardes du
corps de Cornelis sortirent pour monter la garde, laissant Anderson seul avec
son supérieur - Venez ! - commanda l'enquêteur. Il était évident pour lui que
poser des questions à ces personnes était complètement inutile, au contraire,
cela risquait de les fermer comme des huîtres coupant toute chance de tirer des
informations dans un éventuel futur.
- Où est-ce qu'on va ? - demanda Alesha, grognonne.
- Et à ton avis ? Que devons-nous faire dans cette situation ? - répondit
Niko sur un ton éducateur.
- ...
- Le temps que tu trouves, je suggère de faire un tour à la cafette. Je
commence à avoir faim - suggéra Monroe avant d'ajouter - papa. C'est seulement
moi où j'ai eu l'impression qu'il visait ta main droite ?
- Qui ça ? Cornelis ? Tu en es sur ? - demanda Haysh en s'arrêtant net.
- Le geste était très hésitant, c'est pourquoi je n'en suis pas
certain.
- Tssk, j'ai besoin de sucre ! - dit Haysh et ses enfants comprirent que
leur père était dans une impasse intellectuelle et pour s'en sortir, il avait
d'un besoin d'un boost fourni par le glucose.
À l'intérieur du bureau de Morel, Guy Anderson s'approcha à 10 pas de son
boss. Le jeune homme était profondément troublé. Après tout, il avait beau être
doué d'une intelligence particulièrement rare, son cerveau ne pouvait traiter
d'informations dont il ne disposait pas. Il ne pouvait sortir une réponse du
chapeau sans avoir au préalable des notions ou l’expérience appropriée.
Il était certain que ce comportement n'était pas dû à un trouble
psychologique, c'était trop soudain, trop violent pour cela. Alors quoi ? Une
forme d'empoisonnement ? Où était-ce dû au développement d'une tumeur ? Mais le
check up de Van Alphen ne montrait aucun signe de tuméfaction nulle part, et
tant qu'il était en poste aucun empoisonnement n’était possible. Il contrôlait
tout, les cuisines, les cuisiniers, les produits... Alors quoi ? ... Qu'est-ce
qui s'était passé dans son bureau sur le Galaté ?
- J'aimerais suggérer une aide médicale - demanda Anderson
- Une aide médicale ? Pour qui me prends-tu ?
- J'ignore comment, mais je pense que vous avez été empoisonné.
- HAHAHAHA ! Oui, on peut dire ça, oui ! J'ai été empoisonné... j'ai
été empoisonné par un siècle d'injustice, un siècle de rage et de mensonges !
-
- "Quoi ?" - s'étonna Guy en se sentant étrange et nerveux. Deux
choses dont il n'avait plus l'habitude.
- NGHH !! Retourne à ta place, spectre ! - gémit Cornelis en se tapant la
tête des deuxièmes phalanges de ses mains.
- MA PLACE M'A ÉTÉ VOLÉE ! TRICHÉ, par la chimère ! ET JE NE
CONNAÎTRAIS PAS LE REPOS AVANT QU'ELLE NE DISPARAISSE DE CE MONDE ! ET Toi ! -
hurla Cornelis en pointant soudainement du doigt sur Anderson - tu les as
laissé partir.
- Et vous m'avez laissé faire, vous dont je ne connais pas le nom -
répondit lentement le jeune homme en essayant de garder son calme tout en
pensant "pourquoi ?", pourquoi il n'a rien fait ou dit ? Dans son
esprit, tous les arbres de possibilités se terminaient par des "?" :
quelle chimère ? Quel siècle ? Quels mensonges ?
- Nghh !! Aide-moi – demanda soudain Cornelis, en se tordant de douleur
jusqu’à en perdre l'équilibre, avec une telle voix suppliante que Guy eut un
saut d'instinct. Instinctivement, une personne est programmée pour aider. Le
premier réflexe depuis bébé, quand on voit un objet tomber est de le ramasser
pour le redonner. Le premier réflexe inné quand une personne demande de l'aide
c'est d'obliger à la requête. Ainsi est la nature et puis les humains
choisissent. La voix de Van Alphen fut si faible, si pathétique, que cet
instinct se réveilla chez Guy comme tirée des abysses par une main invisible.
Il se précipita sur le préférum en armure, pour l'empêcher de tomber au sol. Le
préférum posa sa main tatouée sur la poitrine du jeune homme et commença à
tirer quelque chose hors de son corps, quelque chose de difficilement
descriptible, solide, liquide, gaz et plasma à la fois et puis…
- Oh !! - s'exclama Morel, surpris par la qualité de ce qu’il venait de
trouver.
Anderson fut comme paralysé par une soudaine fatigue. C'était comme si ses
os étaient devenus de verres et ses muscles de coton. Il ne pouvait tirer
aucune force de son corps surhumain et la peur le saisit de ses mains
visqueuses et corrosives.
- "Mourrir ? Je vais mourir ? Je vais mourir ?!" - cette
réalisation lui chopa les boyaux essayant d'extirper toute trace de courage
hors de cet être. Mais c'était mal connaître Guy Anderson.
C'est dans la difficulté qu'une personne montre ses vraies couleurs, et
plus la situation est dramatique et plus la nature de l'être apparaît. Comme de
l'or caché par la boue et dévoilé dans la batée d'orpaillage, mais cet or
n'était souvent qu'une pierre portant simplement quelques paillettes.
Ce que Morel venait de toucher n'était ni pierre, ni or, mais du diamant.
Une qualité d'âme extrêmement rare et considérée presque comme en voie
d'extinction.
- Tu es l'un des nôtres ? - s'étonna Philippe et dans son excitation il
faillit perdre le contrôle. L'amalgamation des âmes était une lutte de volonté
qui demandait une concentration constante surtout pour lui qui empruntait un
corps qui n'était pas le sien - à quel... à quelle itération es-tu ? -
demanda-t-il en lâchant le torse de l'armure d'Anderson. Et dès que ce dernier
sentit l’afflux de force, il bondit en arrière, à 10 pas, prenant une position
passive agressive. Il était prêt à se battre, mais essayait de ne pas le
montrer.
- ... - Guy essayait de reprendre son souffle, et de comprendre ce qui
venait de se passer. Ce qu'il venait de subir n'était aucunement possible. Le
jeune homme maîtrisait 10 types d'art martial différents et connaissait
théoriquement tous les autres. Et aucune technique de maîtrise corporelle ne
permettait une prise de ce genre. Alors est-ce que c'était une forme de
technologie ? Mais sur quoi est-ce qu'elle avait agi ? Est-ce qu'elle
brouillait la connexion neuronale entre le cerveau et les muscles ?
- Tu as l'air plutôt confus jeune pouce. Cet imbécile a trouvé quelque
chose... quelque chose dont il ne comprend même pas la valeur... Haha, oui !
Oui !! On se reverra bientôt ! – promis Morel soudainement égayé - Nghh
!!
- Huff...Huff...
Cornelis perdit l'équilibre, mais cette fois Anderson resta sur place,
respirant à grosse bouffée, observant, apprenant, cogitant, s'imprégnant de la
réalité qu'il venait de vivre.
- Je crois que je ne me sens pas très bien - murmura Van Alphen comme s'il
sortait d'une cuite qui avait duré une semaine non-stop.
- Il faut que tu te fasses soigner. Je ne sais pas ce que tu as, mais ce
n'est pas normal.
- Hahahaha, très bonne observation, digne de toi, très impressionnant.
C'est très sympathique de ta part de proposer, mais personne ne peut m'aider.
Et ceux qui peuvent m'arracheront la tête et probablement la tienne, et je ne
sais combien d'autres. Ils sont assez caractériels, haha...
- Qu'est-ce que tu racontes ?
- Rien... rien d'important - répondit Cornelis en se levant
péniblement.
- Cornelis ! Ne manque pas de respect à mon rôle, parle-moi !
- Tu ne peux pas me demander la seule chose que je ne peux pas te
dire.
- Tu sais que je vais trouver n'est-ce pas ? – prévint Guy
- J'espère que non – répondit sérieusement Cornelis.
- Je vois... – soupira le garde du corps déçu avant de demander - tu te
rappelles encore ?
- Bien sûr ...
- Cornelis ! Est-ce que tu te rappelles ! – demanda Anderson en prenant en
laisse sa colère montante.
- Oui je m'en rappelle – répondit Cornelis. C’était la seule chose qui
motivait ses actions après tout. Une promesse d'indignation, une parmi tant
d'autres mais qui, fâcheusement, refusa de le laisser filer.
- Très bien - dit Anderson en reprenant son poste, créant un silence plutôt
gênant.
Assis autour d'une table vide, les Niko déjeunaient en silence. La
cafétéria avait été rafistolée à la va-vite et les seuls produits disponibles
n'étaient que ceux des distributeurs automatiques. Mais pour Haysh c'était
largement suffisant, vu qu'il avait besoin de sucre, les snackings tombaient à
pique.
Il était étrange de se trouver à trois dans une salle capable d'accueillir
des milliers de personnes, il était facile d'être saisi d'une impression de
vide et de solitude face à tout cet espace vide. Et si on rajoutait le travail
de l'imaginaire en voyant mentalement l'horreur des événements ayant eu lieu
ici, racontée par des traces de sang imprégnées dans le sol... Le gaz G0t0n
était un gaz terrible dont le développement avait été strictement interdit par
de nombreuses commissions gouvernementales et militaires. L'arme ne ciblait que
les zoohumains, un atout stratégique, mais elle provoquait des douleurs
inhumaines. Une seule bouffée était mortelle pour un adulte, provoquant de
sévères lésions internes et une liquéfaction des organes entre autres maux. Et
là, non seulement ce gaz était développé en secret par Philippe Morel, mais
apparemment il avait créé une variante utilisable sur des humains. De la
folie !
- "Qu'est-ce qui t'es passé par la tête ?" - se demanda
Haysh.
Morel et lui ne se connaissaient pas vraiment, l'individu était difficile à
lire et à prévoir. C'était la raison pour laquelle il avait fallu plusieurs
années pour établir une relation de confiance et que Haysh veuille bien prendre
le risque de venir sur Meliacor pour exfiltrer le préférum ainsi que son
précieux témoignage. Mais plus il en apprenait sur l'individu et plus il se
disait que c'était une erreur. Peut-être qu’il avait saisi la bouée tendue trop
vite sans penser au fait qu'elle pouvait être trouée.
- "Mais à quoi bon ? Ses actions n'ont aucun sens !" - pensa
Haysh.
- Je n'avais jamais imaginé que ma première mission sur le terrain soit si
compliquée - avoua Alésha en posant une barre de céréale sur la table.
Carnivore de nature, elle préférait les protéines animales à celles-là. Et le
sucre lui faisait mal aux amygdales plus qu’autre chose.
- J'ai l'impression d'être un acteur n'ayant jamais lu son script, perdu
sur la scène - commenta Monroe - Je ne sais même pas par quoi commencer ou
même ce que je fais là.
- Ha ! - rigola Haysh - c'est souvent le sentiment que j'ai sur une
enquête. Mais il est vrai que celle-là est...
- Bizarre ? - le coupa Alésha en croisant les bras sur la table.
- En effet, bizarre - répondit Haysh en croquant dans une barre chocolatée
- et le plus bizarre c'est quoi à votre avis ?
- La scène de tout à l'heure - répondit Alésha sans hésitation
- Le fait que toutes les informations qu'on nous donne pointent dans la
même direction - répondit Monroe de son ton monotone et Haysh sourit dévoilant
ses dents noircies par le chocolat. Même le développement du G0t0n n’avait
pas été caché au contraire elle était même mise en avant vu qu’un bouc
émissaire était clairement pointé du doigt comme agent dissident. Il suffisait
de demander aux black owls présents dans la cafette pour apprendre
cette cruelle vérité, en échange de l'information concernant la fausse commune
dans le hangar, découverte par Monroe.
- Fascinant n'est-ce pas ? - dit Haysh.
- Hmm.
- Vous avez tous les deux touché de très bons points, même si le premier
était d'une évidence évidente.
- Et alors ? - demanda Alésha sur un ton défensif.
- Tu devrais travailler ton attitude envers la critique - dit Monroe
- Excuse-moi de ne pas être démunie d'humanité, mais ...
- ALESHA ! - s'énerva Haysh en se levant de table, le regard transit par la
colère.
- ... je suis désolée - s'excusa la jeune fille en baissant la tête
- Il n'y a pas de mal, ce n'est pas comme si c'était faux - répondit
Monroe.
- Si c'est très faux. Ce qui définit un humain ce sont ses actions ! – dit
Haysh.
- hmpf !
- Sigh, revenons au boulot - soupira le père en s'asseyant épuisé. Les
excès d'humeur n'étaient pas son fort et s'énerver ainsi n'était pas non plus
dans sa nature. Il avait la colère silencieuse, mais là, son esprit avait
bzité, sans doute à cause de tout le stress accumulé - Comme je disais, vous
avez tous les deux touché de très bons points - dit-il en finissant sa barre
chocolatée - Le comportement de Cornelis est une énigme, mais si les dires de
Monroe sont exacts, son comportement n'a pu être incité que par une seule
chose. La pièce de kératine trouvée dans le hangar.
- Comment ça ? - demanda Alésha.
- Je l'ignore mais il a dut sentir que je l'ai tenue en main, et
cela à eut cet effet pour le moins extrême - conclut Haysh sur un ton
incertain.
- Étrange, je l'ai tenue aussi. Alors pourquoi sa réaction a été dirigée
uniquement contre toi ? - demanda Monroe.
- C'est évident fils, j'ai tenu ce truc le plus longtemps.
- C'est vrai.
- Et en la tenant, j'ai senti quelque chose de malsain s'immiscer en moi -
avoua Haysh
- Comment ça ? - demandèrent simultanément ses enfants.
- Je ne sais pas comment l'expliquer... C'est comme si ce truc était
empreint d'émotion résiduelle. Je sais, c'est complètement illogique. Mais
c'est comme quand tu prends le vieil album de Gustav Brown - dit Haysh en
regardant sa fille - sans même l'écouter, tu es envahi par cette envie de
danser et de remuer.
- Quoi ? - s'étonna Alésha en se demandant comment son père était au
courant - déjà c'est faux, et en plus ce n'est pas pareil !
- Je sais, mais c'est le meilleur parallèle que j'ai pu trouver. Concernant
ce morceau de kératine, on va devoir attendre que les analyses soient
terminées. On aura plus d'information sur le sujet.
- Mais, papa, est-ce qu'on doit aller dans cette direction ? - demanda
Monroe - est-ce que c'est lié à notre enquête ?
- Je ne sais pas si c'est lié à l'enquête, mais je ne sais pas non plus si
ce n'est pas lié à notre enquête. Pour l'instant tous les indices pointent dans
une seule direction : Morel a perdu l'esprit et a gazé tout le monde. Mais...
- Ça n'a aucun sens ?
- Ça n'a que peu de sens - rectifia Haysh en prenant une nouvelle barre de
chocolat – récapitulons déjà ce qu’on a trouvé : des signes de lutte dans
le hangar et partout ailleurs dans le laboratoire, et par lutte j'entends
guerre; la présence de cette kératine appartenant à une espèce inconnue et de
composition inconnue, un nom de code Fenrir pour le développement d’armes
biologiques, la présence d’une fosse commune creusée sans outils, Philippe
Morel... Je n’oublie rien ?
- Je ne pense pas – répondit Alésha
- Ok. Nous avons les grandes lignes, mais le diable est dans les détails.
Comme l'a dit Monroe, pour l'instant nous sommes paumés sur une scène qui nous
dépasse. Mais ce n'est que temporaire, par contre n’oubliez pas :
prudence. Cornelis est instable, alors si nous voulons rentrer à la maison
sains et saufs nous allons devoir laisser certaines portes fermées - dit-il,
plus à lui même qu'à ses enfants.
- Je n'aime pas ça, je n'aime pas ça, je n'aime pas ça du tout serg ! Je
n'aime...
- Ta gueule Jess ! - répondit sèchement Bender tout en murmure pour ne pas
briser le silence monolithique qui régnait dans cet endroit. Silence rompu par
le bruit du métal contre la pierre.
- Je ne peux pas ! Ça fait des heures que j'ai la pétoche alors il faut que
je parle ! Et pourquoi ces semelles ne sont pas en caoutchouc ! - dit
O'Ryan, transpirant à grosses gouttes à l'intérieur de son armure qui avait
l'avantage de soutenir ses jambes en coton, paniqué par le bruit de sa propre
respiration qu’il trouvait trop forte.
Les couloirs souterrains étaient vides et pourtant, partout, il y avait des
traces de présence, et, tout autour, il y avait des bruits de cliquetis
rajoutant à la tension du jeune homme qui avait été enfermé par Morel dans une
cage à proximité de ces insectes dans le but de leur servir de dîner. Vu qu’il
avait une anomalie génétique l’empêchant d’être utilisé pour le projet Fenrir,
il était préférable de l’utiliser comme nourriture – Je déteste ce bruit !
- Cid ? – appela Eiling
- Quoi ?! – répondit ce dernier un peu trop sèchement, mais il n’était pas
encore suffisamment calme pour tenir une conversation normale. Et l’ayant
perçu, la jeune femme décida de laisser tomber. C’était pénible pour elle, car
elle ne comprenait pas pourquoi une telle distance était apparue, blessant
d’ailleurs, mais que faire ?
- ... Non, rien... – dit-elle
- ... Je suis chargé de ta sécurité et je suis ton ami... je me considère
être ton ami – commença à expliquer Marshal en prenant une profonde inspiration
et luttant contre son instinct qui lui demandait de se fermer comme une huitre
et intérioriser sa frustration la concernant - ce que tu as fait est un manque
de respect envers moi, mon métier et mes sentiments. Tu m’as forcé à agir
contre mon gré et de plus tu as risqué ta vie, nos vies malgré mes mises en
garde.
- Je suis désolée de t'avoir forcé la main, mais c'était la meilleure
solution ! – explosa Eiling en gesticulant pour appuyer son point de vue.
- Tu crois ? Tu crois que ça, c'est la meilleure solution ?! – s’arrêta Cid
d’étonnement. Et sa voix faillit donner une crise cardiaque à Jess. « Mais vous
êtes malades ? Fermez là ! » voulu-t-il dire, mais il
préféra se mordre la langue et se concentrer sur les indicateurs de proximité
de son armure.
- Mais oui ! – répondit Eiling comme si elle confirmait quelque chose
d’évident et d’une logique apparente - on n'est pas obligé à se frayer un
chemin par la force ! Alors oui, c'est la meilleure solution !
- Kruu rru rru ! Hey, la porteuse ! – appela Cid en tournant la tête vers
l’intéressée.
- C'est à moi que tu parles ? – s’étonna Castillyone
- À qui d'autres ? -s’étonna Cid - si on continue sur notre lancée et
suivre le chemin qui nous est offert, qu'est-ce qui va se passer ?
- On va tomber dans un piège – répondit la spécialiste sans hésitation.
- Les personnes réagissent à la peur soit en prenant la fuite, soit en
essayant d'éliminer la source de leur peur parce qu'elles détestent simplement
avoir peur, ou parce qu’elles ont des choses à protéger, du coup elles n’ont
pas le luxe d’avoir peur. Tu nous as offert du répit, c'est bien, mais on va
quand même devoir se salir les mains, et on risque plus gros car l’autre en
face va être sacrément plus prudent et vicieux – expliqua Cid.
- "Hihihi, elle a merdé"
- ...
- Sigh ! – fit le z’hum en se grattant le sommet du casque en se
disant que peut être, il n’avait pas choisi la manière la plus subtile pour
amener la chose, mais c’était la manière la plus évidente pour lui. Et puis, il
n’était même pas certain que les actions de son amie étaient complètement
mauvaises. Elles partaient d’un bon sentiment, mais il craignait simplement que
ses bonnes intentions pavent la route vers un enfer qu’il était possible
d’éviter - on fait une pause ! - déclara il ensuite - 3 heures ! Profitez pour
vous remplir la pense et dormir, parce que demain vous allez courir !
- Dormir ? Comment tu veux qu'on dorme ici ? – proteste O‘Ryan
- Tu veux que je t’assomme pour t'aider ? – proposa Marshall.
- Euh non, non, merci, je vais me débrouiller tout seul, merci – répondit
le chirurgien en faisant un pas en arrière pour plus de sécurité.
- Bien, kruu rru rru. Tête de piaf, tu peux prendre le premier quart de
garde ou t'as besoin de ta sieste de senior ? kruu rru rru !
- Je vais la prendre – accepta Bender en jouant des mâchoires.
- Je n'en attendais pas moins. Je prendrai le deuxième quart, Jess le
troisième et Dalanda le dernier. Bien, maintenant au repos, et toi va falloir
qu'on parle !
- "Hihihi, qu'est-ce que tu as en tête ?"
- "Rien de désagréable pour toi"
Jess se laissa tomber à côté de Bender, perdu dans ses pensées.
- Vous tenez le coup serg ? - demanda-t-il
- Comment ça ? - s'étonna Bender un petit peu agacé, pensant que c'était
une énième référence à son âge.
- Bah, je ne sais pas si... enfin, je me disais juste que... je me
demandais si vous alliez bien - balbutia Jess en se disant que ce n'était
peut-être pas une si bonne idée d'évoquer la fille de son leader maintenant. Il
voulait lui demander s'il arriverait à se détendre et à dormir dans ses
conditions, ne sachant pas où ils étaient et comment allait sa fille. Mais cela
ne ferait qu'ajouter du stress supplémentaire sans raison. Ils avaient tous
besoin de repos, et en tant que docteur il devait penser à la santé physique et
mentale de ses compagnons. Le côté mental n'était pas son domaine d'expertise,
mais, qui d'autre pouvait le faire ? Les indicateurs de Dalanda étaient
tellement dans le rouge qu'O'Ryan.
- Ouais, je vais bien Jess et ça ira mieux avec la soupe - répondit Jonathan
Bender en ordonnant à son armure de le nourrir. Cette dernière injecta un
cocktail revitalisant dans les veines, il ne calmait pas réellement la
sensation de faim, mais fournissait toutes les vitamines et tous éléments
minéraux nécessaires au bon fonctionnement d'un soldat. La nutrition par
intraveineuse : parentérale totale, était la moins stressante pour le corps, la
moins calorifère et la moins coûteuse aussi dans le développement des
exosquelettes.
Le sergent regarda tout autour de lui pour remarquer Cid et Castillyone,
bien à l'écart dans le tunnel, en train de discuter de quelque chose. Dalanda
quant à elle était assise, la tête posée sur les genoux, soit endormie, soit
pensive. Et pensive elle était.
"Injuste" était le mot qui lui venait le plus à l'esprit. Elle
n'avait rien fait de mal, au contraire. Elle avait même pris des risques pour
aider tout le monde, alors pourquoi est-ce que Cid se comportait comme ça ?
C'était injuste. Et maintenant il discutait avec cette... cette "connasse",
cette psychopathe ? Et en plus elle est libre de ses mouvements ? Pourquoi ?
Qu'est ce qu'elle avait fait de mal ? Il avait parlé de piège, mais même si.
Même s’il y a un piège, là, ils pouvaient se reposer, reprendre des forces pour
une altercation future. S'ils avaient continué sans entrer en contact, si elle
n'avait pas fait ce qu'elle avait fait, ils seraient encore en train de se
battre et c'était un rythme que seul Cid aurait pu supporter...
Une fois la conversation terminée, le z'hum vint s'asseoir à côté de son
amie et s'étira en baillant comme seul un félin pouvait le faire.
- T'as pas l'air dans ton assiette. Ça va fillette ?
- Hein ? Tu es sérieux ?
- Bah ouais. Quoi, tu boudes par rapport à ce qui s'est passé ? Kruu rru
rru c'est du passé ça oubli - rigola Marshall en lui tapotant le dos aussi
délicatement que possible.
- ...
- Kruu rru rru, allez je m'excuse. Je voyais un peu rouge.
- Hein ? - fit Eiling en levant la tête pour regarder son ami - toi ? Tu
t'excuses ?!!! - s'étonna-t-elle comme si elle voyait le père Noël descendre de
son traîneau.
- Bah quoi ?
- Seigneur, t'es vraiment incroyable ! - fulmina Dalanda en se demandant ce
qui avait bien pu pousser ce changement de comportement - Ok, mais pourquoi
elle n'est pas menottée elle ? - demanda Eiling en hochant de la tête en
direction de Castillyone, assise toute seule de son côté.
- Kruu rru rru, elle n’a aucun intérêt à faire la folle. Toute seule, elle
ne survivrait pas et vous aurez besoin d'un coup de main.
- Comment ça ?
- RRRAAAAHHH ! - bailla le z'hum en s'étirant à nouveau - ouh, j'ai sommeil
moi dit donc. Bonne nuit fillette !
- Hey ! Ne me prend pas pour une conne, Cid, qu'est-ce que tu voulais dire
! Cid ! - insista Eiling en essayant de le secouer, mais le z'hum persista dans
son comportement en lâchant quelques ronflements pour preuve de son
sommeil.
- Seigneur...
Malgré la fatigue intense qu'il ressentait, Bender luttait pour garder les
yeux ouverts. L’adrénaline pompée à bloc durant ses heures commençait à se
dissiper dans son organisme, et les limitations du corps humain reprenaient le
dessus, demandant à ce que le vieil homme se repose et récupère de son
épuisement. Ses os, ses muscles, et même des parties dont il ignorait
l'existence lui faisait un mal de chien, mais Jonathan était un soldat et il
avait un job qu'il devait accomplir : monter la garde. Ou plutôt montrer à Cid
qu'il était con et stupide, et faire disparaître son ton condescendant.
- "Non mais, pour qui est-ce qu'il se prend ?!" - pensa le
sergent en sentant l'énervement monter - "Je t'en foutrai moi du vieux
!".
Cependant, la colère n'était pas suffisante pour lutter pleinement contre
le sommeil. Ce dernier, cavalier, revenait sans cesse à la charge, chipant
petit à petit sa conscience. Fermant les yeux pour un instant, puis une
seconde, puis un peu plus, le sergent perdit pied avec la réalité pour se
retrouver sur le pont de son vaisseau : le statosc. Merveille de technologie et
phare dans la lutte contre les kissadzés.
- "Non !" - pensa Bender en regardant les moniteurs
holographiques cerclant son siège, au centre de la salle de commande -
"Non, non non non non ...
- Arshmarshall ! Les kiss ont perforé la coque du Dalomon, nous venons de
perdre le siège de commande 225 !
- "Suzy ?" - s'étonna le sergent pris d'angoisse au son de la
voie de son bras droit.
- Arshmarshall ! Quels sont les ordres ?
- "Non ! Pourquoi ?" - gémit intérieurement Soumaré en voyant à
travers les moniteurs les vaisseaux, ses amis, ses compagnons, ses subordonnés,
être détruits les uns après les autres par des nuages cosmiques de parasites de
la taille de bus, canardés sans relâche par des lasers et des obus éclairant
l'espace comme un sapin de noël.
- Arshmarshal ! Les ordres !! C'est maintenant ou jamais !
- "Non, non, ne fait pas ça ; ne fait pas ça !" - supplia
Jonathan mais un souvenir ne pouvait être modifié.
- Déclenchez la bombe - ordonna l'Arshmarshall d'une voix froide et
solennelle, résolue, et puis il y eut cette maudite lumière, cette fichue
chaleur et ce chant...
Le sergent se réveilla en sursaut, effrayé par son souvenir, et effrayé par
la perspective d'avoir hurlé dans son sommeil, réveillant les autres de leur du
sommeil. Mais rien n'avait changé, tout le monde dormait et le satané matou
continuait à ronfler.
- "Je n'avais pas le choix ! Je n'avais pas le choix" - se
répétât Jonathan en s’enlaçant lui-même pour se soulager de la responsabilité
de tous ses morts en vain. Tous ces braves...
- Du mal à rester éveillé ?
- Nom de... - sursauta Bender en voyant le colosse accroupi au-dessus de
lui.
- Kruu rru rru, besoin d'un câlin ?
- Qu'est-ce que tu fiches là ? Ce n'est pas encore l'heure - fulmina Bender
en adoptant une position plus...noble.
- j'ai cru entendre quelqu'un chialer...
- "Hihihi comme une madeleine"
- Alors je me suis dit que je pouvais lui tenir compagnie - dit Cid.
- Sans façon !
- Kruu rru rru ! Ça tombe bien, les félins ne sont pas connus pour écouter
- ricana doucement le z'hum avant de s'asseoir à côté du sergent - SPT
(syndrome post-traumatique) ?
- ... Je ne ferai pas de mon expérience passée un divertissement pour
meubler ton ennui.
- Kruu rru rru, que de mots pour juste dire fiche moi la paix. Je
comprends, on n'a pas été sur de bons termes depuis le début...
- Sans déconner ! - le coupa Bender, amer.
- Pour ma défense, tu nous as tirés dessus - expliqua Cid
- tu as tué un de mes gars ! - rétorqua immédiatement le sergent en
essayant de garder sa voix au plus bas.
- C'était un accident, je pensais qu'on était d'accord là-dessus - répondit
froidement le z'hum, détaché de toute forme d'émotion. C'était un ton que
Bender avait déjà croisé, un ton qui montrait qu'une personne était dépourvue
d'humanité et de morale, qu'elle avait été brisée et qu'elle pouvait faire
n'importe quoi...
- Tssk !
- Tu as déjà perdu pas mal de soldats, pas vrais ? Durant la guerre -
demanda Cid en reprenant son ton de conversation.
- ...
- Si tu m'ignores je vais être encore plus chiant tu sais, kruu rru rru !
- Qu'est-ce que tu veux ! Pourquoi tu viens me faire chier ?
- J'ai perdu pas mal de personnes aussi. Des personnes vraiment proches,
des personnes à qui je me suis pleinement ouvert, des personnes que j'ai dû
tuer pour survivre. On n'oublie jamais leurs visages, pas vrai ? - demanda Cid
et Bender ne put qu’acquiescer en silence - les vrais fantômes sont ceux de
notre esprit.
- "Les vrais fantômes sont dans notre esprit" - pensa Bender aux
mots du z'hum, puis acquiesçât ses propos.
- Comme tu peux l'imaginer, les miens sont nombreux, mais il y en a un plus
vocal que les autres : Thamos Leezarbeard…
- "Hihihi, qui ?"
- …Je crois qu'il avait vingt eux ans lorsqu'il est mort, enfin, lorsque je
l'ai massacré. Nous étions tous au stade préliminaire de recherches concernant
l'hybridation. La douleur était notre lot quotidien, le corps humain n'apprécie
pas beaucoup de si drastiques changements : notre squelette a été modifié, la
structure musculaire et nerveuse aussi, kruu rru rru, j'aurai été en meilleur
état après avoir été percuté par un bus. Et au lieu de nous laisser dans un lit
d'hôpital, on était bourré de drogues pour tenir debout, ou plutôt assis dans
nos cages.
- Pourquoi me racontes-tu ça ? – demanda Bender qui n’était pas disposé à
écouter ce genre d’horreur.
- Kruu rru rru, pourquoi en effet…
- "Hihihi, pourquoi en effet"
- …peut être pour passer simplement le temps en attendant mon tour de
garde, où est ce que tu as une meilleure proposition pour passer le temps ?
Tour de magie ? Jeu de cartes ? Bières ? – demanda Cid en fixant le sergent du
regard, et n’obtenant aucune réponse au bout de trois secondes de patience
continua - non ? Alors, ferme là et écoute.
- Si gentiment demandé... – murmura Jonathan en se demanda comment se tirer
de là. Si seulement il avait une pelote à jeter pour s’en débarrasser…
- Kruu rru rru, normal vu que je suis un véritable diplomate
- Tskk, à d'autres - répondit Bender en laissant échapper un petit rire qui
le surpris lui même
- Kruu rru rru, c'est vrai, c'est la fillette la diplomate.
- Qu'est-ce qui s'est passé avec elle ? À mon sens elle a fait de
l'excellent boulot, même si je ne sais pas vraiment ce qu'elle a fait.
- Sigh ! – soupira le colosse en cherchant la force de volonté pour
expliquer ce qui était évident - comme je l'ai dit, la peur est un outil qui
peut marcher ou se retourner contre son utilisateur. Après tout tu n'utilises
pas la pioche pour tout et n'importe quoi, pas vrai ?
- Tu n'as pas l'impression d'être hypocrite en disant ça ? – demanda
Jonathan. C’était un peu… Beaucoup, la forme d’interaction préférée du z’hum.
Et qu’il soit conscient de cet aspect de la chose était pour le moins
déroutant. La seule conclusion qui venait à l’esprit était qu’il faisait
exprès.
- Kruu rru rru, et toi tête de piaf ? – demanda Cid amusé
- Quoi moi ? – s’étonna Bender.
- Tu n'as pas l'impression d'avoir la mémoire courte ? Qu'est-ce qui s'est
passé quand tu t'es jeté sur moi ? Tu te rappelles ? Tu as essayé de ne pas
succomber à la peur en te plongeant dans l'action et en m'obligeant à vous
botter le cul. Mais là, on n'a pas affaire à une équipe de bras cassés…
- Hey !
- Quoi ? J'ai tort ? Kruu rru rru
- Tssk...
- Là, on a affaire à une ruche, de milliers, voire de millions d'individus.
S'ils n'ont rien tenté jusque-là c'est parce qu’ils doutent, mais ce genre de
doute fictif, basé sur une image, même si impressionnante n'est que temporaire.
Elle nous a gagné du temps, et comme je l’ai dit c’est une bonne chose. Mais ce
n’était pas la meilleure chose à faire. Ce doute, il va falloir changer
ça.
- Et comment ?
- J'ai ma petite idée, mais avant d'en discuter j'aimerais finir l'histoire
que j'ai commencée si tu veux bien. Alors, tais-toi et écoute !
- ... Bon, j'écoute – se redit Bender
- Kruu rru rru ! Bien ! Où est-ce que j'en étais ?
- ...
- Alors ? – insista le félin.
- Quoi, ce n'était pas une question rhétorique ? – s’étonna Jonathan.
- Pourquoi poserais-je une question rhétorique à haute voix ? –
s’étonna à son tour Cid.
- ... Je n’en sais rien. Tu parlais d'un type que t'avais massacré –
répondit Bender juste pour qu’il lui fiche la paix.
- Kruu ruu rru, quoi t'as une mémoire de piaf aussi ? – se moqua le
z’hum.
- T'es plutôt mal placé pour parler – commenta sèchement le sergent.
- Moi, j'assume et toi tête de piaf ? Ou plutôt cervelle de moineau, kruu
rru ruu – se moqua à nouveau Cid.
- ... Comment elle fait pour te supporter ? – demanda Jonathan,
incrédule. La patience nécessaire pour interagir avec cet individu était juste
inhumaine.
- Question très pertinente à laquelle je n'ai pas la réponse. Mais ce n'est
pas le sujet. Alors ? – insista à nouveau le z’hum.
- Tu tiens à ce que je réponde hein ? – soupira Bender
- Oui, très beaucoup, kruu rru rru.
- Sigh. Tu parlais de ce type : Thamos Leezarbeard -
répondit Bender en se rendant compte qu'il jouait le jeu. Sa réticence à
répondre était en elle-même un sujet de divertissement pour le z'hum. Une
situation délicate qui apparaissait n'offrir qu'une solution : se soumettre.
Mais, une légère gymnastique d'esprit pouvait offrir une perspective différente
à cette, problématique psychologique et dans ce contexte particulier. Après
tout, il ne s'agissait que d'une histoire, alors une transaction pouvait être
faite : un peu d'égo, contre beaucoup de paix.
- Bien !...
- "Hihihihihi !! Qui ça ?"
- ... Je disais donc que nos capacités cognitives avaient été sacrément
diminuées. On était plus des bêtes que des z'hums, une différence que peu de
personnes comprennent, pas vrai ?
- Hey, je n'ai rien contre les z'hums. Je connais même des généraux qui
auraient tué pour vous avoir dans leurs bataillons. Surtout t'avoir toi - admis
Cid. Les troupes au sol étaient celles qui en avaient le plus bavé durant la
guerre. Il fallait être complètement fou pour affronter les kiss dans leurs
nids.
- Kruu rru rru, oh ils l'ont fait.
- ?
- J'avais connu le petit sur le vaisseau qui nus avais amené : l'Evangelik,
notre billet pour une nouvelle vie, plus noble, plus conforme, plus juste. Je
crois que tu connais ça pas vrai ? La volonté de démarrer une nouvelle
vie.
- C'est vrai - admis Bender
- Je ne te demanderais pas pourquoi, parce que je m'en fiche royalement...
- Sympa...
- Quoi, tu me répondrais si je demandais ?
- Aucune chance.
- Kruu rru rru, où est le problème alors.
- Tssk, t'es juste.... Continue.
- Bien ! - dit Cid sur un ton satisfait - Le petit n'avait connu que la
guerre et les temps troubles qui suivirent la reconstruction, surtout sur une
planète comme Kyran. Pourrie avant la guerre et juste à jeter après, les
mauvaises habitudes restreintes durant la guerre ont juste explosé après la
libération de la victoire…
- "… "
- … De ce que Thamos m’avait raconté, sa famille n’avait pas de quoi payer
ses dettes prises chez un prêteur sur gages du coin. Et il a envoyé ses sbires
prendre son dû en nature : les organes du père et la mère… Je crois que la
mort aurait été préférable. Ce qui arrive dans ces cas n’est jamais très
plaisant. Quant au petit Thamos, il avait eu la lâcheté de fuir. N’ayant
personne d’autre au monde, et terrorisé, il devint un invisible, vivant dans la
rue aux yeux de tous sans jamais être vu. L’Evangelik était son retour à
la civilisation après six ans de fuite, de peur et de solitude. Tu aurais du
voir ce petit... Je crois que c'était le plus heureux d'entre nous, débordant
d'espoir et de rêves. Une vraie boule d'énergie et positivisme. Mais…
- Tu l'as tué.
- Ouais. Il était lion, moi j'étais tigre, tous les deux apeurés, rendus
fous par la drogue, la pression et l’instinct ; ne sachant pas quoi faire si ce
n'est survivre. Je n'avais jamais tué personne avant, et je n'ai pu offrir à
Thamos une mort rapide. Tu as déjà entendu une personne respirer et gémir alors
que sa gorge était ouverte, et que le sang bullait à cause de l'air ?
Et le regard... Le regard d'une personne se sentant partir et luttant encore,
incrédule, souffrante, tu l'as déjà vu aussi pas vrai ?
- Oui, j'ai déjà vu - admis le sergent.
- Je lui ai brisé les os, je l'ai griffé, je lui ouvert le ventre, j'ai
tout essayé pour qu'il arrête de gigoter et se débattre. Mais je n'avais ni
l'art ni la manière à l'époque, j'étais un puceau du meurtre, et ça m'a pris
quinze bonnes minutes pour qu'il parte. Les quinze minutes les plus longues et
les plus étranges de mon existence, enfin, parmi les plus longues et les plus
étranges de mon existence. Ce genre de fantôme te hante toute la vie, petite
voix remplie de haine.
- "HIHHIHIHIHI !!! HIHIHIHI !! Toi alors !!"
- Et toi ? C'est quoi le tient ? - demanda Cid
- De fantôme ? Pourquoi ça t'intéresserait ? - répondit Bender,
prudent.
- Je ne me suis pas fait chier à raconter cette histoire juste pour le
plaisir de m'entendre parler, kruu rru rru. Mais si tu préfères te taire, ça me
va aussi.
- Mais bien sûr - répondit Bender sur un ton sarcastique. Il avait déjà
entendu ça auparavant - Sigh... Suzy. Suzanne Béranger, mon bras droit -
répondit le sergent en essayant de ne pas être complètement submergé de
tristesse.
- Kruu rru rru, c'était ta maîtresse ? - demanda Cid sans une once de
- QUOI ?! - Répondit Bender en se levant d'énervement, le poing serré, prêt
à cogner le colosse.
- Oh ??! Kruu rru rru, touché on dirait !
- TU NE SAIS ...
- Shuuutt - fit Cid en plaçant le doigt devant sa bouche, ou plutôt devant
sa bouche cachée derrière le casque - Comme je le vois, tu as plusieurs choix.
Tu peux prendre ce petit poing ridicule et me taper avec, je n'éviterai pas, je
ne te briserai pas le cou non plus. Je te laisserai me taper autant de fois que
tu veux, kruu rru rru. Ou tu peux continuer à te sentir outré et te mentir à
toi même occultant la réalité pour toujours comme un hypocrite - dit Cid et
Bender se crispa davantage - Ou tu peux simplement dire la vérité. Je ne suis
pas là pour te juger. Pour me moquer, oui, mais te juger serait une perte de
temps...
- "Hihihi c'est sûr !"
- ...Allez, vient, pose tes fesses et raconte-moi ce qui s'est passé, je
sais que tu as envie de sortir ce poison, raconter ta version des faits, ou je
me trompe ?
Bender se tenait tremblant de rage, rage redirigée vers le z'hum pour avoir
osé parler de quelque chose dont il ne connaissait absolument rien, moqueur,
hautain, méprisant ! Qu'est ce qu'il savait ? Qu'est-ce qui lui donnait le
droit... Mais alors que ses émotions étaient en train de rager, balles de ping
pong rebondissant d'une paroi à l'autre de son esprit étriqué, sans s'arrêter.
Mais quelqu'un devait les arrêter.
S'il cédait à son instinct, s'il se jetait sur Cid et le tabassait sans
autre raison que pour calmer son sentiment de culpabilité, rien ne garantissait
que le z'hum ne lui brise quelque chose. Il était après tout, schizophrène et
colérique.
- Sérieusement, te voir comme ça me donne envie de pousser encore plus. Ça
ne se voir peut-être pas, mais je lutte très fort à ne pas essayer à te faire
péter un câble, kruu rru rru ! - avoua Marshall alors que sa queue commençait à
remuer d’excitation - assieds-toi.
- Sigh... - soupira Bender en se rasseyant. Il n'avait, certes, plus les
mêmes capacités mentales que dans sa jeunesse, mais il ne fallait pas être un
génie pour comprendre que ce qu'il voulait faire n'était pas là chose à faire.
Si seulement il avait eu le même frein tantôt... - oui, c'était ma maîtresse -
avoua le sergent.
- Mais ?!
- Quoi, mais ?!
- Tu ne vas pas essayer de te défendre ? J'étais pris par la guerre, etc,
etc...
- ... Tssk, on dirait que tu connais toute l'histoire - répondit le sergent
agacé par une telle simplification de la réalité, et agacé qu'il ait trouvé si
facilement.
- Kruu rru rru, l'histoire est remplie de récits de ce genre. Tu n'es pas
l'unique homme de pouvoir, oups, ex-homme de pouvoir, ayant jeté sa vie de
famille par la fenêtre.
- Je n'étais pas rentré chez moi depuis... Depuis près de cinq ans. À vrai
dire, j'avais presque oublié que j'avais une famille. Vas-y rigole, dis que je
suis pathétique !
- Tu l'es, mais je n'ai pas envie de rigoler
- "Hihihi, moi si ! Pathétique, pathétique, pathétique..."
- Hmpf, c'est bien la première fois.
- Kruu rru rru, tu trouves que je rigole trop.
- Trop ? Tu es plus une hyène qu'un tigre.
- KRUU RRU RRU ! Une hyène ? Kruu rru rru, va savoir, j'en ai peut-être en
moi... Les mauvaises habitudes sont dures à perdre.
- À qui le dis-tu ! Je meurs d'envie de fumer une clope, tu n'as pas
idée.
- Si t'enlèves ton casque...
- Je sais, je sais, je ne suis pas stupide à ce point - répondit Bender. Sa
visière lui indiquait que l'habitat de ce tunnel n'était pas idéal : entre la
chaleur, le souffre, le manque d'oxygène... Retirer son casque serait un long
suicide - ... Tu sais, elle me comprenait vraiment.
- J'imagine que oui. C'est toujours comme ça que ça commence.
- Tu parles d'expérience ?
- Non, mais j'ai beaucoup observé quand j'étais plus jeune. J'ai observé
les gens faire pire qu'hier en justifiant leur faiblesse par l'ère à laquelle
ils vivaient. J'ai entendu plein de : "c'est comme ça", tellement
d'ailleurs que j'ai fini par le croire. J'ai fini par croire que la seule
direction à prendre pour la société était vers le bas et tant pis pour nous,
jusqu'à ce que je la rencontre - dit Cid en regardant dans la direction de
Dalanda.
- C'est quelqu'un de bien - avoua Jonathan en faisant de bien.
- Encore naïve, mais il en faut des comme ça. Si tout le monde nous
ressemblait, j'ai peur de ce que cela pourrait donner comme résultat.
- Parle pour toi.
- Kruu rru rru, ouais, peut-être... Alors, elle était bonne au moins
?
- ... pfft ! - réagit Bender en lâchant un petit rire e secouant la tête -
elle était bien - répondit-il ensuite.
- Et j'imagine qu'elle est morte.
- Ouais... Je lui ai tiré une balle dans la tête - répondit Bender en
fixant le sol, les mains serrées, fermement.
- Oh ? Tu voulais cacher ta connerie à ce point ? – demanda le z’hum
sur un ton moqueur.
- Bien sûr que non, ne sois pas ridicule – répondit Bender en se surprenant
de prendre la remarque si calmement. Quelque part, au fond de lui, il arriva à
la conclusion que tant qu’il montrait des traits d’humeur, son interlocuteur
s’y accrocherait comme une sangsue. Pour quelle raison ? Probablement que
cela l’amusait tous simplement, d’énerver les autres - quoique, ce serait
peut-être trop te demander – répondit Bender en usant le même ton moqueur.
- Hoo ! Pas mal, pas mal, kruu rru rru – admis Cid avant de demander -
alors, qu'est-ce qui s'est passé ?
- ... C'était pour la sauver de la corruption - répondit Bender en revoyant
le visage supplicatif de Suzanne. Les kiss avaient pénétré la coque après
l’échec du plan et c’était le début du chaos. Le Statosc était gigantesque, et
unique en son genre en termes de taille : aussi grand que la lune. Les
shiptroopers (unité spéciale de combat à l’intérieur de vaisseaux servant de
troupes de défense ou d’abordage) faisaient de leur mieux pour stopper la
prolifération des aliens, mais c’était peine perdue… - Une histoire parmi un
million d'autres durant la guerre contre les Kiss.
- Hmm... Ok, si tu ne veux pas en parler je ne vais pas creuser plus –
accepta le z’hum.
- Hmpf
- Quoi, déçu ? Kruu rru rru
- Tu rêves... Hey, Cid – appela Bender après plusieurs minutes de silence.
- Hmm ?
- Tu crois qu'elle voudra me parler ? -
- Qui ça ta, ta fille ? – demanda Cid et en voyant le sergent acquiescer,
il rigola - Kruu rru rru ! Je ne pense pas non.
- ...
- Mais je pense que tu fais aussi ce qu'il faut pour vous donner une chance
– dit-il ensuite en se voulant le plus franc possible.
- J'espère ! Elle est tout ce qui compte le plus pour moi. Rien que de
penser à ce qu’elle doit traverser en ce moment, l’incertitude de si elle est
en vie ou non... C'est la chose la plus terrifiante que j'ai jamais vécue
– avoua Jonathan.
- Je veux bien te croire sur parole. Personnellement je n'ai pas d'enfants,
j'ai toujours voulu un fils, mais... Erf, compliqué. Ah, c'est déjà l'heure ?
- Déjà ? - s'étonna Bender
- Yep, allez fait dodo tête de piaf, je prends la relève. Il y aura une
longue marche de prévue pour vous.
- Qu'est ce que tu veux dire ? – demanda le sergent perturbé par le
« vous ».
- Hein ? Que la journée va être difficile pour vous, vu que vous êtes
fragiles et tout. Je veux que vous bouffiez le maximum de kilomètres
humainement possibles, plus idéalement. Mais bon...
- Ouais, je comprends – répondit Bender en se disant que c’était logique,
mais quelque chose le perturbait un peu.
- Allez, à tout à l'heure ! - dit Cid en se levant, laissant Bender
s'installer un petit peu plus confortablement pour dormir. Mine de rien, il
était complètement exténué, et il ne fallut que quelques minutes avant de
plonger dans le premier stade de sommeil.
Le z'hum regarda le sergent, puis écouta le souffle de tous ses compagnons.
Une fois qu’il fut sûr que tout le monde, ou presque, était endormi, il se
dirigea vers Castillyone, allongée à l'écart de tous.
- La petite discussion est terminée ? - demanda la spécialiste alors que
Cid s'accroupissait à proximité.
- Je vais te le redemander encore une fois. Peux-tu le faire ? –
demanda le félin en allant droit au but.
- Et toi ? Tiendras-tu parole ? - demanda Castillyone en posant la main sur
la joue métallique du casque de Cid.
- Tu es responsable de leur vie. S'il arrive quoi que ce soit !...
- Oh, que c’est mignon. Mais tu n’as pas à me mentir. Il n'arrivera rien à
ta princesse. Je n'y trouverai aucun intérêt, pour l'instant. Quant aux autres,
eh bien, si je devais les abandonner pour nous sauver toutes les deux tu ne
m’en voudrais pas n’est-ce pas.
- Grr ! Très bien ! - répondit Cid en ôtant la main de la jeune femme,
avant de partir.
- Hey ! Montre-leur l'enfer.
- J'y compte bien - répondit Marshall sur un ton glacial avant de
disparaître sans un bruit malgré sa corpulence massive, comme une ombre dans la
nuit.
Blabla de l'auteur
Hello à vous chers lecteurs.Je vous souhaite un superbe week-end !
Texte time !
Erf, je ne sais même pas quoi dire. Pardonnez ma fatigue. Par contre, si vous avez des questions, des suggestions, etc... N'hésitez pas à laisser un commentaire ou à m'écrire ici : unepageparjour@hotmail.com
Merci de me lire ! Vous êtes formidables !! Tchuss et à bientôt !!! Portez vous bien !!!!
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