mercredi 31 janvier 2018

Meliacor, le tombeau de glace, pages 281 à 300

Une fois la pilote à découvert, la chimère saisit son cou, tout doucement et fermement, comme un félin saisissant le cou de son petit. Il y avait presque de l'émotion dans ce geste, une marque d'affection.

Au contact de la paume, Sparrow put sentir la fermeté de la peau de cette créature et sa force inimaginable. Elle n'avait pas l'impression d'être portée par un être organique, mais une créature mécanique. Même l’élasticité de sa peau était pratiquement imperceptible...

Cependant son esprit du être temporairement sollicité par la douleur, alors qu'elle était arrachée aux câbles la connectant à l'armure. Ces derniers agissaient comme liaison et ceinture de sécurité, nécessitant une commande spéciale pour libérer la pilote. Sans cet ordre, ou cette sécurité le seul moyen de s'en séparer était avec des morceaux de peau et de viande comme en cet instant. 

Surprise par la douleur Sparrow se mit à hurler, la créature sembla même paniquer pendant un instant avant de sectionner les câbles sans effort, libérant ainsi son trophée durement acquis.

Une fois dévoilée, Sparrow apparaissait comme une femme robuste au corps "masculinisé". Les muscles de son torse, de ses bras et de son cou, parfaitement dessinés par sa combinaison de pilote moulante, étaient la preuve d'une rigueur d'entraînement à la limite de l'obsession. Ils étaient le fruit de milliers d'heures d’efforts aux frontières de la raison. 

Plus que n'importe quel soldat, Sparrow se maintenait en forme (à défaut d'autres termes) pour compenser ses jambes atrophiées. Elle était terrifiée de perdre ses compétences, de perdre le droit de piloter, alors elle arriva à se convaincre que c'était la solution, la réponse à ses doutes, ses craintes, sa peur. Mais tout ce dont elle avait besoin était de son esprit et un convertisseur de flux neuronique compatible avec sa machine, un cadeau de Morel lui même. 

Cet handicap, la pilote l'avait reçu lors de la mutinerie de Cheïkhan durant son service militaire. Une histoire banale d’éviction forcée pour le compte d'un gouvernement; ou plutôt un changement obligatoire de propriétaire avec l'option de liquider les habitants qui avaient eut le malheur de trouver un filon de nimbus. Mais cette mission était tombée à une étape de sa vie où elle désirait autre chose: une vie normale, une vie honnête, une vie de couple. Elle s'était surprise elle même à croire en l'amour et elle s'était surprise de voir dans les autres sa propre image.

La passion pour son homme était forte, mais et si les autres devaient la ressentir aussi, alors avait elle le droit de simplement l'ignorer ? Si on touchait à cette relation allait elle simplement l'accepter ? Alors de quel droit elle se donnait le droit de le faire pour autrui ? Même si Hélène avait grandi physiquement, ainsi qu'en terme d'expérience militaire, son âge mental n'avait pas connu le même développement. Pour la simple raison que son passé l'avait poussé à se renfermer sur elle même, sur sa douleur. Alors ce fut une surprise pour la jeune pilote elle même de se retrouver du côté des autochtones, d'avoir céder à la sensibilité, et puis ce fut la guerre.

Sparrow et ses fidèles contre une division entière des Roaring Pride qui les secondait sur cette opération,  une force paramilitaire de moyenne taille mais qui commençait à se faire un nom. Et il y avait également le reste de l'armée qui devait jouer les héros, et sécuriser le périmètre après la découverte du massacre... Durant cette mutinerie, elle du enterrer tous ceux qu'elle avait connu, au prix de ses jambes. Une blessure due à sa propre naïveté mais qu’elle refusa de guérir, même après s'être faite larguée. 

Il y a de ces personnes qui refusent tout simplement de se faire chromer, de remplacer leurs membres par des équivalents artificiels. Il ne s’agit pas uniquement de puristes ou de fanatiques religieux, mais simplement de ces gens que la perspective de perdre leur humanité terrifiait au plus haut point. Et la raison de cette décision était en générale purement sentimentale, car la mémoire est le vaisseau de souvenirs précieux, si précieux que l’idée de les perdre était simplement inconcevable; même si le risque de devenir un cyborg due à une dépression post opération était minime. 

Les souvenirs qui habitaient l'esprit de Sparrow, étaient son unique marque de richesse.
● Fait ton pire – lui dit-elle mais sans animosité. La pilote avait fait de son mieux et elle avait perdu. Le groznei n’était pas suffisant, avec son velican les choses auraient été différentes mais des univers entiers pouvaient être crées avec des si. Son seul regret était d’avoir laissé échapper son unique chance de se racheter. Le projet Fenrir était indispensable pour l’humanité et devait aboutir à bien, ce qui était dorénavant impossible. Le fait de faillir Morel qui lui avait permit d'échapper aux représailles et qui lui avait redonner des ailes, titillait également sa conscience, légèrement. C'était un salaud qui ne désirait que de se servir d'elle comme un pion, et Sparrow savait que sa propre mort n'allait être vue que comme un mauvais investissement. La seule once de positivité dans toute cette histoire était le fait qu'elle allait retrouver ses premiers camarades, des gars biens, des enfants qui ont été forcés à prendre les armes tout comme elle... Cependant la pilote ne comptait pas les revoir en enfer sans un beau présent. 

La chimère tenait la femme par le cou, à plusieurs centimètres au dessus du cockpit. Sparrow cru voir un soupçon de pitié dans le regard félin de la chimère mais c’était ses yeux noirs qui devaient refléter sa véritable émotion, celle de l’insensibilité. Cette créature était capable de tout mais certainement pas de pitié. 

La chimère inséra ses crocs dans son visage, prête à prendre une bouchée. La dendrotoxine commença à faire son effet mais la pilote avait déjà envoyé une impulsion neuronale, juste avant d'être séparée de force de sa machine, qui finissait son compte à rebours. L'instant dura quelques secondes à peine, puis le noyau de la pile ionique du Groznei se déstabilisa créant une terrifiante explosion de plusieurs kilotonnes, ne laissant rien de la personne du nom d’Hélène Ethrapoli. La chimère se retrouva au centre de la lumière et de la chaleur, repoussée par ses ténèbres grandissantes qui jaillirent de se omoplates, puis le hangar vola en éclat, enseveli par la pierre en fusion.
Bender était fou de rage. Malgré ses protestations Dalanda n’avait pas hésité à s’interposer pour essayer de sauver son ami mais ce fils de pute n’avait montré aucun signe d'indécision avant de lui bouffer le bras ! Et maintenant, Choki essayait désespérément de faire marcher les cuves de régénération alors que lui…

Le sergent ne pouvait rien faire d’autre que de stresser et exulter de colère, surtout contre lui-même. Quand il avait vu cette chose, ce monstre à la peau carbonisée sortant tout droit d’un cauchemar, son courage s’était fait la malle en cinquième vitesse. Quelque chose qui ne lui était pas arrivé depuis l’école d’officiers, au début de la grande guerre. 

Dire que c’était la main de l’Homme qui avait créé une telle horreur était juste impensable. Sa seule option, son seul espoir était d’attendre et de mettre sa confiance entre les mains des black owls. 
 Il vaut mieux eux que cette chose, peut être, je crois... - avait pensé alors Jonathan en tapant nerveusement du pied tout en essayant de se reprendre en mains. Mais les images hantaient son esprit et rongeaient sa santé mentale. Quant à la réponse à sa question, il n'était pas certain lui même. Ce qui faisait pencher la balance du côté des black owls étaient le fait qu'ils étaient humains, même si leurs actions n'étaient pas différentes en nature. 

L'apparence était le critère fondamentale dans son espérance, cette apparence donnait un espoir. Il était possible de les comprendre, voire même de discuter, ou de prévoir leurs actions. Face à des humains il y avait bien plus d'options que contre cette abomination qui ne cherchait qu'à dévorer tout ce qui se trouvait sur son chemin. Alors Bender espérait avec une certaine réticence que les mercenaires réussissent à tuer le monstre, et après…Après il improvisera comme depuis le début de cette histoire.  

A vrai dire, rien de tout ce qui s’est passé n’était dans le paramètre de ses prévisions. Qui aurait bien pu prévoir l’existence d’une horreur pareille ?

Bender, croisa les doigts en serrant les mains de frustration. Son sentiment d'impuissance l'énervait au plus haut point. 
● "Avant, j'aurai juste..." - mais il se rattrapa sur l'idée qu'avant c’était bien plus simple avant. Il n'existait qu'un seul ennemi commun à l'humanité, et puis il disposait d'un croiseur. Tout était beaucoup plus simple aux commande d’un croiseur et le «Helfnung» lui manquait terriblement. Le premier et seul croiseur qu'il commanda avait d'être promu au vaisseau mère Statosc. Le début d'un long calvaire... 

Prit dans ses souvenirs, Jonathan restait assit à observer un liquide remplir la cuve dans laquelle avait été placée Eiling. Choki avait réussi à déjouer la sécurité de l’ordinateur d’Andréï en trouvant son mot de passe et comprit quoi faire. Il ne restait plus qu’à croiser les doigts pour que ça marche.
● “Enfin une bonne nouvelle” - se dit-il en se frottant les cuisses, ses mains commençaient à sérieusement le démanger pour tenir une cigarette. 

Peut être était ce e raison de ce nervosité, cumulée à l'agacement, ainsi qu'à la colère, et la frustration, et la privations, et le sentiment d'impuissance, et... Il était apparent que l'état émotionnel instable du sergent eut un grand rôle dans l'idée qui lui traversa ensuite la tête:
● "Peut être que c'est le moment idéal pour rendre visite à Morel ?" - s'était il dit en s'imaginant déjà lui casser la gueule. Mais son plan, ou son ébauche, s'arrêtait à l'idée de profiter de ce chaos pour lui faire baisser la garde. Avec un peu de baratin et puis peut être un peu de maquillage, et puis…Et puis quoi ? Le baratin était loin d’être sa spécialité. Sean aurait pu le faire, ce gamin pouvait débiter un flot ahurissant de conneries à la minute sans être perturbé par ce qu’il disait au point où on pouvait être entraîné dans son délire - “Tenez bon les gars” - pensa-t-il aussitôt.

Le problème était qu’il n’avait aucune garantie de stopper Morel, il n’avait même aucune garantie qu’il ne se retrouve mélangé à l’acide qui allait jaillir des murs, ou prit dans un autre piège. Seigneur, il n’avait même aucune garantie de ne pas se retrouver nez à nez avec la créature. 
● Hmmm - exhala le sergent - "je veux une putain de cigarette" - gémit il intérieurement en posant la nuque contre le mur, drainé de toute motivation.
Jonathan était prit dans une apathie déplaisante car elle le faisait se sentir encore plus mal de se voir assit là à ne rien faire. Mais surtout, elle lui donnait le temps d'avoir le temps... Elle lui donnait l'opportunité de penser à des choses diverses. 

Il n'avait pas de but, pas de cadre, pas de motivation pur forcer son cerveau à se focaliser sur un problème. Alors que dans son état, ses idées pouvaient gambader en toute liberté dans son esprit, dans tous les recoins de sa mémoire. 

Bener revoyait des moments de son passé, sa fille mais surtout, comme un écho, il revoyait ses gars: Sean, jess, Raby et Maki. Et ces images étaient associées à ce pincement au cœur douloureux qu'il ressentait depuis un bon moment déjà. Mais le plus étrange était le fait que cet espace de souvenirs privés voyaient l'apparition de nouveaux occupants: les Fenrir. 

Pourquoi est ce qu'il pensait également à ces pauvres êtres ? Le sergent ne saurait le dire, cependant il y avait quelque chose qui lui avait paru bizarre avec les prototypes, une vague sensation de familiarité. Surtout leur regard...
○ “Ce devait être mon imagination” - se dit il en essayant de faire taire ses craintes. Mais ces dernières avaient plantées leurs serres et ne voulaient plus lâché l'esprit épuisé de Bender. 

● Voilà, il ne reste plus qu’à attendre et espérer – lui dit Choki assit devant le bureau d’Andréï.
● Il ne reste plus qu'à faire ça... De ce que j’ai vu elle est sacrément coriace alors ça devrait aller – dit-il en se répétant cette phrase une fois de plus, histoire qu’elle soit plus crédible. Etre coriace n’avait rien à voir avec le fait qu’elle puisse survivre. Etre coriace n’allait pas stopper le sang de couler, ou stimuler le cœur… De plus Jonathan avait vu un nombre incalculable de gars coriaces tomber comme des mouches.

● Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? – demanda Choki qui croisa les bras d'une manière assez particulière, comme si il donnait un câlin, comme si il essayait de se rassurer par le contact. 
● Ça dépend…Non, je n’en sais rien fait – dit Bender en rigolant nerveusement – Ahhh ! Je donnerai n'importe quoi pour une cigarette - soupira t il.
● Ça peut s’arranger. Andreï m’avait dit qu’il avait arrêté de fumer mais je sais qu’il me mentait – dit Choki en fouillant dans les tiroirs – Ah voilà ! – exulta-t-il en levant le paquet et le jetant au sergent qui se lécha les lèvres d'exitation.
● Je n’y crois pas ! Haha ma femme peut aller se faire voir, je vais fumer tout ce paquet – rigola Bender en ouvrant délicatement le paquet de se doigts mécanisés. Un exploit des plus difficiles

● Vous êtes mariés ? – demanda le jeune Dimitriou.
● Qui moi ? - demanda le sergent confus avant de percuter ce qu'il venait de dire - Ah mauvaise habitude, je devrai dire mon ex-femme. Une vrai garce mais comme j’ai pu l’aimer – dit-il en sortant une cigarette du paquet. Ensuite il donna un ordre à l’armure, le traducteur neuronal l’interpréta et le casque s’écarta tout seul lui permettant de mettre la cigarette en bouche. Il frotta ensuite rapidement les doigts les uns contre les autres puis toucha le bout de la cigarette qui s’alluma, et là Jonathan prit une profonde inspiration et se senti partir loin de tous ses soucis.

● Qu’est ce qui s’est passé ? – demanda Choki.
Bender revint sur terre alors qu’il était aux portes du nirvana, et eut du mal à retenir le juron à l’adresse de Choki.
● Selon elle je n’étais pas souvent à la maison, ce qui n’était pas évident au vu de mon travail à l’époque – répondit-il avec une pointe de colère qui refusait de disparaître malgré le temps.
● Ah et vous faisiez quoi ?
● Tu étais proche d’Andreï ? – demanda Bender en retour. Il ne comptait pas parler et rouvrir ses blessures. Et puis, cette histoire ne regardait en rien Dimitriou.
Avant qu'il ne puisse répondre, Jonathan vit le visage de son interlocuteur se décomposer sous ses yeux. Dimitriou essayait également d'avancer, d'oublier même. Pour ne pas être un poids ? Ou parcequ'il n'avait pas envie de se sentir aussi mal ? Parcequ'il n'avait pas le temps de faire son deuil ? Pour plusieurs raisons, et même sans sa participation volontaire, l'image d'Andréï avait commencée à être refermée derrière un rideau par son subconscient. 

Le cerveau a horreur de la souffrance, et est prêt à trouver n'importe quel moyen pour s'en débarrasser. A moins d'avoir une constitution différente, ou même de l’appétence naturelle pour la douleur. C'est pourquoi, le cerveau de Choki avait commencé à dissocier Andréï de la réalité. Malgré le fait qu'il venait de manipuler son ordinateur, ou même qu'il évoquait lui même le nom de son ami, ce dernier son demeurait loin dans ses souvenirs. L'urgence également faisait qu'il n'avait pas le temps de réfléchir, de se remémorer des choses. Il devait trouver une solution pour sauver la vie de Dalanda qui perdait du sang, malgré l'amputation chirurgicale. 

Mais une fois qu'il eut fini, qu'il eut la satisfaction d'avoir réussi, la question de Bender força les souvenirs que son cerveau essayait d'enfouir à émerger clairement. Et avec ceux-ci, vint le choc issu de la compréhension du fait que son ami était à jamais parti. Vivre, voir, comprendre, accepter sont des choses différentes les unes des autres... 
● Oui… - répondit Choki en baissant les yeux au sol. 

● Désolé j’ai demandé sans réfléchir - s'excusa le sergent en voyant la peine qu'il venait de créer, juste pour échapper à la sienne. En voyant ce qu'il venait de faire, il se senti comme une merde. Le jeuno ne méritait pas ça - Je n'aime pas trop parler de ma femme alors je change souvent de sujet - expliqua-t-il en faisant tomber la cendre de sa cigarette

● Je comprends - répondit Choki, mais à la manière dont il avait répondu il était clair que son esprit était ailleurs. Là bas, dans les souvenirs qu'il commença à évoquer - Je connaissais Andréï depuis toujours. On s’était connu au primaire, on aimait les mêmes dessins animés, en parlait des heures de O-gate heroes
● Hmpf - sourit involontairement Bender en se rappelant sa petite, faisant des poses idiotes devant la télé.

● On aimait aussi la même musique, et malheureusement les mêmes femmes aussi - sourit Choki comme une machine. La chaleur de sa vision était contrebalancée par la froideur de sa perte, alors même la joie avait du mal à s'exprimer - On nous appelait les faux jumeaux. C’est peut être pour ça qu’on ne s’est jamais quitté depuis – dit-il en se tournant vers le bureau. Un signe qu'il voulait que cela en reste là, qu'il n'avait pas envie de plonger plus profond, cela faisait trop mal. Mais Bender, la cigarette en bouche fixait le plafond, c'est pourquoi ce indice lui échappa complètement.

● Vous m’avez l’air de bons gars. Qu’est-ce qui vous a pris de vous retrouver dans ce merdier ? – demanda-t-il en prenant une grosse bouffée comme s’il fumait la dernière cigarette de sa vie.
● ... - même si Choki ne voulait pas continuer à parler d'Andréï, cela ne voulait pas dire qu'il pouvait s'empêcher de le faire. Ce trait dénotait sa nature profonde apeurée de dire non, apeurée de déplaire ainsi que sa capacité à faire même ce qui ne lui plaisait pas pour contenter. Un aspect de lui qui restait caché tant qu'il était à proximité de Miliovski. C'est pourquoi il fini par répondre, parcequ'il n'avait pas envie d'être rejeté par Bender et de se retrouver seul dans ce cauchemar. Une peur injustifiée mais qui pour lui avait tout son sens. 

● On ne savait rien de ce qu’ils voulaient. Ils sont venus voir Andreï alors qu’il finissait sa thèse sur la régénération cellulaire. Il soutenait qu'il était possible de maintenir des tissus en vie sans avoir besoin de les remplacer. Plus besoin d'organes artificielles, plus besoin de traitement de "renouvellement" en cliniques et ce , théoriquement, pour l'éternité. Bien sur ses recherches n'étaient qu'à ses débuts et dans la pratique c'était complètement du charlatanisme. Alors il échoua sa thèse, et puis il a commencé à déprimer. Personne ne voulait l'écouter, surtout pas ceux qui profitaient de ce marché de pièces détachées. 
● Laisse moi deviner. Un jour, un représentant des Black owls est venu vous voir avec des promesses plein les poches ? - demanda Jonathan en expulsant fortement la fumée vers le plafond. 

● C'est ça - confirma Choki - Ils étaient intéressés par son travail. C’était la première fois que quelqu’un voulait bien l’écouter alors il était super content. Mais il n’avait pas envie de travailler pour des corporations. "La technologie aux mains des individus et non pour le pouvoir des sociétés", c’était son ambition. Andréï avait des réserves sur la réelle motivation des black owls, c’est moi qui l’ait poussé à le faire… - raconta Choki, la voix tremblante - J'avais regarder sur internet et le corps des Owls avait une excellente réputation. Je n'ai pas réfléchi plus loin que ça alors je lui avait dit que c’était la chance de sa vie, qu’il allait accomplir de grandes choses mais ce n’est pas ce que je pensais. STUPIDE ! - explosa Dimitriou en se levant et jetant la chaise du côté opposé de la pièce. 

Bender le regarda sans bouger, il comprenait ce que l'informaticien devait ressentir. Alors il attendit simplement qu'il se calme, tout en étant prêt à intervenir si jamais Choki essayait de toucher à l'ordinateur d'Andréï. Tant que Dalanda était dans cette cuve, il était plus prudent que rien n'arrive à la machine de commande. 

Il fallut plusieurs minutes pour que Dimitriou puisse se calmer un peu, il marchait de gauche à droite comme un tigre en cage. Cependant sa colère était dirigée contre lui même, alors à part s'en prendre à des meubles, l'autre solution était de se faire du mal à lui. Mais là...

Une fois le contrôle reprit sur ses nerfs, Choki alla chercher une autre chaise et s'assit de nouveau à moitié, pour ne pas la briser sous le poids de l'armure. Et puis il continua son histoire, il avait encore quelques mots à dire. Cette fois non pour contenter, mais pour exorciser ce qui lui pesait sur la conscience. 

● La chose la plus importante que j’avais faite de ma vie était d’obtenir mon diplôme. Mes parents étaient fous de joie: "diplômé d’Arhmbourg, le monde était à mes pieds" m’avaient ils dits. "Wouah, tu peux être embauché n’importe où"… Mais ce n’est pas ce que je voulais. Je voulais me sentir utile, participer à quelque chose de grand alors quand Andréï m’a raconté que ces gens avaient les mêmes ambitions, qu’ils avaient de grands projets pour aider l’humanité je n’ai pas réfléchi. Je voulais en être, je voulais me regarder dans la glace avec fierté alors j’ai réussi à convaincre Andreï. J’ai réussi à le convaincre comme ça - dit Choki le regard vide - Le monde est vraiment un endroit triste dans lequel Arhmbourg ne veut rien dire. J’avais une bourse, un bon diplôme, mais pas le plus important, je n’avais aucun piston. Alors la proposition de boulot d’Andréï était également ma seule chance d'avoir un bon boulot et voilà, il en est mort – dit-il en craquant, les larmes coulèrent le long de ses joues.
● Je vois… – murmura Bender.

Le phénomène que Choki vivait n'était pas une première. Bender l'avait vu à maintes et maintes reprises: la culpabilité du survivant. Un trouble mental souvent accompagné du stress post traumatique. Mais comment lui en vouloir ? Après tout ce qu'ils venaient de voir, après la perte de son meilleur ami, et surtout cette culpabilité qu'il gardait enfermé dans une boîte à trésor. Ce secret banal, était désormais le poison qui pourrissait son esprit.

Jonathan prit une deuxième cigarette qu’il alluma de la même manière, en frottant rapidement les bouts des doigts métalliques pour les chauffer (une astuce possible à cause de la qualité passable des armures). Puis exhala de la fumée en repensant à tout ce qu’il avait perdu. Aux mots qui auraient du être dits, mais qui restèrent coincés dans la gorge parce que... parce que orgueil, parce que peur, parce que compliqué, parce que peur, parce que incertitude, parce que peur et encore peur... Il aurait pu empêcher que sa famille ne le quitte, si seulement il les avait vraiment considéré comme une famille. La culpabilité, Bender connaissait ce sentiment trop bien. C'est pourquoi il n'essayait même pas de réconforter Demitriou, quoi qu'il dise l'autre était enfermé dans son monde de regrets. Un colocataire de plus dans l'enfer du doute... 

Que pouvait il dire sans paraître hypocrite ? Comment comptait il aider alors que lui même était dans le même trou ? C'était triste à admettre mais en cet instant, Bender pensait:
 ● "Chacun sa merde"
Le sergent était convaincu que pour aider, guider autrui il fallait d'abord connaitre le chemin, sinon ce ne serait que deux aveugles tâtonnant dans le noir. 

A nouveau c’est la voix de Choki qui le ramena sur terre, il devait être à sa cinquième cigarette quand le jeune homme l'appela
● Vous devriez peut être voir ça
● Quoi ça ? – demanda Bender en émergeant de sa bulle de négativité. 
● Il y a des vidéos que vous devriez peut être regarder – dit Choki en se levant de la chaise pour céder la place.
● Des vidéos ? Quel genre ? – questionna Bender en s’approchant.

Le fichier était composé d’une vingtaine de vidéos s’étendaient sur plusieurs jours, alors Choki ouvrit celle du 16/03/2754 et la fit avancer jusqu’à ce qu’ils voient Cid dans un état qui ne pouvait être qualifié que critique.
● Qu’est-ce qu’ils ont foutu – s’inquiéta involontairement Bender.
● Je ne veux même pas l’imaginer - répondit Choki - mais ça se poursuit sur 5 jours.
Le 17/03 le corps de Cid était criblé de balles
Le 18/03 son corps était recouvert de cloques.

● Ça suffit – réagit Bender, il n’avait pas besoin d’en voir plus. C’était de la barbarie, purement et simplement.
Après ces quelques images, il ne savait plus vraiment quoi penser. Andreï était un mec bien, mais la plupart des chercheurs ici avaient visiblement plusieurs boulons en moins dans le crâne et peut être que ce qui leur était arrivé pouvait être appelé « justice » ? Pouvait ? Ou était ?
● “Non, non, on parle de vies humaines” - se dit-il et ce fait ne facilitait en rien le dilemme moral auquel il faisait face.

La vie humaine était quelque chose pour laquelle il s’est battu la majeure partie de sa vie. Sauver le plus de vies possibles, sauver l’espèce humaine sans ce soucier des problèmes d’idéologies, de politiques, et de toutes ces conneries superflues et complètement stupides. 

Remettre en question cette valeur de la vie, cautionner le massacre dont la chimère avait été responsable était cracher sur toutes ses croyances, ses accomplissements et les sacrifices qu’il avait du faire. C’est pourquoi malgré les images difficiles de l’état de Cid, il décida de ne pas s’autoriser à ressentir de la sympathie pour ce monstre. 

Cependant son antipathie pour Morel avait atteint des sommets, parce que c’était lui qui avait autorisé tout ça. C’était à cause de lui et de sa stupidité que les choses avaient tournée aussi mal. Alors à la seule idée de ce qu’il aurait pu autoriser, à la seule idée de ce que ces savants fous pouvaient faire à ses compagnons, le sergent eut des sueurs froides. 

Il fallait qu’il agisse, qu’il fasse quelque chose pour arrêter Morel, peut être même Akiro qui avait également de quoi répondre, possiblement... Mais Morel avant tout. Le casque se referma pliant la cigarette qu’il continua à fumer, puis Bender prit son fusil encore vierge de toute utilisation et s’avança vers la porte.
● Où est ce que vous allez ? – demanda Choki paniqué.
● Terminer tout çà – répondit-il – “d’une manière ou d’une autre”
Le sergent savait que les probabilités n’étaient pas en sa faveur. Même l'arbre de probabilité qu'il imaginait ne donnait que des résultats désastreux. Le seul encore présent dans le jardin mental de Bender. 

Autrefois il pouvait imaginer des centaines de ces créations dans son esprit, il s pouvaient croiser des possibilités comme si il voyait le fil du destin de ses yeux. Les docteurs disaient que son esprit était capable de percevoir les univers parallèles et en tirer des informations. Alors que là, l'avenir était un flou, un trou sans fin et sans lueur d'espoir. Toutes les branches finissaient de la même manière: il allait se faire méchamment botter le cul, dans le meilleur des cas. Dans le pire des cas, il allait finir avec un couteau planté au sommet du crâne avant même de cligner des yeux. 

● Faites attention... - entendit il la mise en garde de Choki, mais Bender était déjà parti alors le reste des mises en garde resta derrière la porte.

Il avait besoin de réponses, “maintenant !”, et c’était l’occasion ou jamais de les obtenir. Akiro l’avait assuré que Sean et les autres n’étaient pas en zone de détention, mais n’arrivait pas à les localiser. Et s’il avait menti ? Comment se faisait-il que la personne responsable de toute la division scientifique ne dispose pas de cette information ? Il y a avait quelque chose de louche derrière tout ça. Nokuza ne semblait pas être un incompétent ou un irresponsable, alors comment diable cette lui est inconnue ? 

Maintenant qu’il avait pu se poser quelques instants, maintenant qu'il avait pu décompresser un peu et calmer ses nerfs. Maintenant qu'il avait pu réfléchir, son instinct lui disait que quelque chose ne tournait pas rond dans toute son histoire… 

Quoique, Jonathan essaya de ne pas sombrer dans la paranoïa si attirante pour le cerveau. Après tout Akiro les avait aidé jusque là, sans lui il était clair qu'ils seraient sans doute... Sans doute quoi ? Jonathan serait resté enfermé dans sa cellule, loin de tout ce merdier. Peut être même qu'il aurait pu s'échapper ? 

●  "Non"- pensa-t-il ensuite. Il n'aurait pas put le faire, du moins pas avec ses gars. Pour les retrouver il avait besoin de Morel, ou non ? A vrai dire il aurait pu trouver une autre source d'information. Alors pourquoi cette obsession avec le préférum ? S'était il laissé aveuglé car c'était la seul option qu'il pouvait voir ? 

Trop de questions se bousculaient dans sa tête, trop de critiques et d’incohérences dans son propre raisonnement. Ou étaient ce même des incohérences ? Avait il eut raison dans ses décisions, ou avait il eut tort ? Face à cette confusion, Bender s'arrêta deux secondes pour ordonner ses pensées et aussi parce que ses pieds commençaient à devenir lourds. Son cœur battait dans la poitrine comme s'il essayait d'en sortir, la faiblesse s'était emparée de ses membres, et le brouillard s'était installé dans son esprit. Le sergent était au bord de la panique. 

Entouré de cadavres, tout seul dans le silence mortuaire, il perdit sa résolution face à la peur et au doute, créant l'indécision. Avait il eut raison ou avait eut il tort jusque là ? Cette question grossit dans sa tête pour prendre une importance disproportionnée alors il lui fallut un effort considérable pour se focaliser sur un seul objectif: Morel. C'était lui le but à atteindre, c'était lui le moteur de sa résolution, c'était lui le problème, la cause de tout ce merdier. Une résolution quelque part égoïste qui utilisait son antipathie inflatée comme source de motivation, comme outil pour combattre sa volonté vacillante. 

● “Saboter le système de sécurité ?” - commença t il à réfléchir en essayant par la même de couvrir les bruits de fond dans son esprits. 
● “Pourquoi pas, mais comment ?” - critiqua-t-il son idée en se rappelant q'il n’était pas ingénieur alors il risquait de mettre les survivants en danger en détruisant un système vital pour la structure par maladresse.
● “Attendre qu’il sorte ?” - proposa-t-il une autre idée.
● “Dans l’idéal pourquoi pas, mais avec le lézard qui rode il ne sortira pas. Et puis je n’ai pas le temps d’attendre. Sean et les autres sont peut-être en danger en ce moment même alors non”.
● “Contacter Akiro ?”
● “Risqué. Vu que je n’ai aucune idée de sa situation ni de quel côté il se tient en réalité. Il veut mieux douté que d’être naïf”.
● “Alors quoi génie !” - s’énerva-t-il contre lui-même.
● “Je vais la jouer simple, mais cela devra avoir l’air authentique” - dit-il en attachant son fusil fermement dans son dos, de telle sorte qu’elle protège sa colonne vertébrale.
A l’étage d’en dessous Akiro était à demi-assit sur une petite table pour ne pas la brisée sous le poids de son exosquelette. L'ingénieur avait les bras croisés, et fixait les moniteurs holographiques à l'autre bout de la pièce. Tous noircis, tous ayant perdu le signal de leurs hôtes. 
● "Un gâchis" - il n' avait pas d'autres mots pour décrire le massacre qui venait de se produire sous leurs yeux. 

A côté de lui se tenait une jeune femme aux cheveux longs et bruns, agréable au regard. Et ce malgré la marque de la peur gravée dans chaque traits de son visage ainsi que dans sa gestuelle. La pauvre femme n'arrêtait pas de regarder partout autour d'elle, scrutant les ombres déformées par son imagination, se collant contre Akiro à chaque fois qu'elle pensait détecter quelque chose d'anormal. 
● Qu’est-ce qu’il y a Emily ? - fini par demander Nokuza qui n'appréciait pas particulièrement son espace personnel ainsi assailli. 
● Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? – murmura-t-elle sur un ton irrégulier – Cette chose à tuer tout le monde ! Et elle va venir nous chercher ! – elle essaya de garder sa voix basse mais les notes d’hystérie rendaient cette tâche difficile.

● On est en sécurité pour l’instant – répondit simplement Akiro. Il tourna la tête vers Morel qui à cet instant détourna le regard en direction des moniteurs qui cerclaient de caméras en caméras pur trouver une image potable fournie par les insectes espions. Il devait y en avoir quelques uns qui avaient survécu au carnage et effectivement l'un des écran afficha une scène surréaliste de pure destruction. Un chaos d’une rare beauté…

Cependant les détecteurs de proximité émirent de bips faisant sursauter Emily ainsi que les deux opérateurs. Morel quant à lui se prépara à vendre chèrement sa vie, mais il fut surpris de constater que la source de ce bip n'était pas la chimère mais un rescapé ?

● D’où il sort celui-là ? – s’étonna Morel en doutant de ce qu’il voyait. Un black owl se tenait à l’entrée du couloir menant à leur position. Le torse montrait de profondes marques de griffures et il gesticulait pour faire signe à la caméra – Qu’est-ce qu’il fou ce con ? – demanda Morel mais les opérateurs haussèrent juste les épaules, rassurés d'avoir un sursit.
● Il essaye d’attirer l’attention ?! - se hasarda l’un d’entre eux.
● Sans déconner ? Je n’y aurai pas pensé. C’est brillant ! tu en as dans le crâne, abruti ! Ça je le sais qu’il essaye d’attirer l’attention, c’est pourquoi il reste planté l…Ah j’y crois pas, un des portes bonheurs Hahahaha ! – rigola-t-il de manière presque incontrôlable. 

● Qu’est-ce que tu vas faire du coup ? – demanda Akiro toujours aussi impassible.
● L’accueillir comme il se doit, comme un héros – répondit le préférum en déboutonnant les fourreaux de ses couteaux. Il les prix par les anneaux aux bouts des manches, les fit tournoyer avec une dextérité hallucinante. Les lames étaient invisibles et le seul signe de tournoiement était le son des lames fendant l'air.

Depuis l’incident de la grenade de Dalanda il savait exactement ce qui se passait, lui confirmant qu’Akiro avait perdu les pédales. Quelque part il se sentait triste pour son ami, mais il allait devoir prendre la responsabilité de ce fiasco…
● Si tu lui ouvre cette porte ça finira mal pour toi, autant utiliser les pièges – proposa Akiro ce qui lui valut un regard confus d’Emily.
Bender lança un regard assassin à son collègue, bien sur masqué par son casque de hibou. La visière faisait défiler un nombre incalculable d'images fournies par Juvianne, des images qui suivaient Akiro à la trace. Quelque chose avait changé, et le préférum sentait, savait que c'était important, qu'il lui manquait cette pièce du puzzle pour confirmer un doute qui faisait tout son être tressaillir d'inquiétude.  

● J’ai besoin d’un punching bag et il fera l’affaire - répondit-il en choisissant une voie plus diplomatique. Tant que ses doutes n'étaient pas confirmés, il était impératif de ne pas créer plus de tentions. 
● Tu as toujours été si émotif – répliqua Akiro.
● Emotif ? Moi ? HAHAHAH ! - ria Philippe sans rire. Il n'y avait aucune raison de rire, mais toutes les raison d'être inquiet. Cet homme flegmatique était dangereux, l'atmosphère de bizarrerie qu l'enveloppait était très perturbant - Ouvrez la porte et désactivez les pièges – ordonna Morel. Il jeta un rapide coup d’œil au professeur en repensant aux mots d'Akiro, puis retourna son attention sur la porte. Il ne voyait absolument pas par quel miracle, lui, Morel, pourrait perdre. 

● Très bien - répondit un des opérateur
● Vous avez 30 secondes avant réactivation des mesures de sécurité – s’adressa Philippe à la personne dans le couloir en enclenchant les haut parleurs. Cependant dès que cette dernière vit la barrière disparaître, elle se mit à courir de toutes ses forces. Morel était très tenté de réactiver les pièges mais il avait vraiment besoin de cogner sur quelqu’un. Des décennies, non toute une vie d’efforts réduite à néant et par quoi ?
● “Je refuse de tout perdre à cause d’une putain d’improbabilité !!” - rugit il intérieurement

Le préférum avait l’impression de vivre la plus grande injustice de son existence et sa frustration n’avait jamais été aussi grande. Du moins, pas depuis de très longues années. Après tout ce qu’il avait vécu, tout ce qu’il avait essayé, et tout ce qu’il voulait accomplir…Non !! Il était hors de question que ce projet échoue et ce n'était pas l'ex-archmarshall qui allait lui poser problème.  

Morel observa amusé comment Bender lui courait dessus sans s’arrêter, sans doute en ayant l’illusion de pouvoir le tacler au sol. C’était triste à dire mais même les yeux bandés et un bras dans le dos, il se voyait vainqueur. Cependant le fait que les runes tatouées sur son bras restaient silencieuses étaient des plus inquiétant. Pourquoi est ce qu’il n’avait pas accès à l’umbra ? Ou plutôt depuis quand ? Alors que Bender courait encore, le préfet ferma les yeux pour se focaliser, non sur les images des caméras mais plutôt sur ses souvenirs. 

Il passa toute sa journée au crible, et la sensation subtile de trans dimensionnalité était présente jusqu’à ce que…Il fouilla encore visualisant ses souvenirs. Le léger picotement dans les doigts était présent jusqu’à ce que…Jusqu’à ce qu’Il entre dans la pièce: Akiro ! Tout revenait à lui et les doutes de Morel commençaient à dangereusement se concrétiser. Toute la question était de savoir Qui !

Il ouvrit les yeux juste à temps pour voir Bender se baisser et se préparer à lui sauter dessus. 
● "Sigh..." - soupira le préférum en voyant cette pathétique excuse de soldat tenter une approche aussi crétine. Il évita l’assaut au tout dernier instant, au tout dernier quart de seconde, disparaissant devant le champ de vision de Bender qui ressentit une curieuse douleur à l’intérieur de son corps et dans le bas du dos.
Le mouvement, ou plutôt, la série de mouvements réalisée par le préférum était une marque de maîtrise, bien évidemment, hors du commun. 

Il fit un pas de côté laissant le sergent passer comme un taureau enragé, ensuite il pressa un peu en dessous du bassin pour redresser le torse de son adversaire. Les réflexes arthrokinétiques  de ce dernier obéirent et ses muscles tendirent la colonne vertébrale. 

Ensuite, Philippe fit un pas en avant plaçant sa jambe d'appui entre les pieds de son adversaire. Puis, pour finir, d'un geste sec et énergique, percuta la zone trapézoïdale en usant des deltoïdes cumulés à la puissance des dentelés antérieurs, amplifié par son exosquelette Symphony. On peut plus facilement l'imaginer comme un coup d'épaule même si la réalité était différente (c'est une technique issue du Bajiquan, appelée Tie shan kao)

Alors même que le cerveau de Jonathan commençait à peine recevoir l'information issue de la contraction musculaire de son dos, il dut gérer un torrent de signaux fournis par les nocicepteurs du système nerveux.

La sensation de percussion était unique et extraordinairement douloureuse et la brutalité était suffisante pour envoyer Bender embrasser le mur opposé. Si on lui demandait ce qui venait de le percuter il aurait répondu sans réfléchir: un camion. D'ailleurs il cru même sentir un truc éclater à l'intérieur de lui. 

Le sergent ôta sa tête du mur, légèrement étourdi. Il avait tellement mal qu'il ne put s'empêcher de se tordre un petit peu, mais pas plus. Il ne voulait pas fournir à Morel le plaisir de le voir se tortiller de douleur, même si, en toute honnêteté, il commençait à avoir les yeux mouillés. 

Cependant Bender serra les dents en essayant d'oublier qu'il avait mal, autant que possible, ainsi que l'éventualité de lésions intérieurs, ou d’explosion d'un organe. Il n'avait pas le luxe de se faire peur. 

Alors il rassembla son courage à deux mais et fonça à nouveau sur Morel. Le but était de le coller pour limiter ses mouvements. Malheureusement, le préférum n'avait aucun mal à prédire les intentions de son adversaire. La tâche était aussi simple que de respirer. C'est pourquoi, aux premiers signes de mouvement de Jonathan, Philippe bondit dans les airs et le frappa d’un magistral coup de pied circulaire qui envoya le sergent s’encastrer dans le mur la tête la première (référence JCVD) . Là il commençait à voir des étoiles et regretter amèrement son idée.

● AH QUE CA FAIT DU BIEN ! – hurla Morel en lui tournant le dos. La bagarre était l’un des moyens les plus efficace pour libérer du stress, et en ce moment dans cette pièce il y avait un immense facteur de stress qui se tenait assit les bras croisés. 

Bender voyait flou, il avait un mal de chien à la tête et dans les côtes, heureusement son côté mécanique arrivait à garder une vision plutôt claire. Cependant la netteté d'un œil sur deux était fortement désagréable (un peu comme regarder un de ces films 3d sans les lunettes). Cela étant dit ce n’était pas la migraine qui le gênait mais la sensation de faiblesse qui s’insinuait dans son corps, et la chaleur humide... 

Le sergent eut un coup de tension et toucha son flanc droit, au niveau du deuxième muscle abdominal et constata qu’il y avait une très fine lésion. Il avait été poignardé, toute la question était quand ? Il n’avait rien vu, ni rien senti sur le coup, et les lames de Morel étaient dans leurs fourreaux, fumantes. 
● "Fumantes ?" - se demanda Bender en remarquant quelques légères vapeurs de chaleurs s'élever des armes. Mais en raison de ses troubles visuels il doutait un peu de ce qu'il voyait: à quel point il faut être rapide pour que le frottement de l'air face chauffer le métal ? - " Ce type est un monstre !" - pensa le sergent horrifié. 

En toute logique il n’avait aucune chance, et encore moins si ce fils de pute passait en mode invisible. Bender le savait, Morel le savait, même Hanck l’un des opérateurs qui était une ceinture noire en grignotage le savait. Mais alors que le sergent était envahi par le négativisme c’est une seule image qui chassa ses noires pensées.

Celle de la chimère debout après avoir prise plusieurs charges explosives. C’était une bête abominable qui ne méritait que la mort dans la pire des souffrances. Cependant, sa résolution à poursuivre, à survivre malgré les atroces brûlures et blessures, était quelque chose digne de respect. Si cette créature, si Cid pouvait encaisser alors il était hors de question que lui, Soumaré, ne puisse en faire de même (je vous rappelle le vrai nom de Bender: Idriss Soumaré)

Bender, sonné et à court d'idées pour combler le vaste fossé technique et physique qui le séparait de son adversaire, décida d'y aller au cran. Il se jeta à nouveau sur Morel qui éclata d'un rire moqueur en se pliant en dieux. Jamais il n’aurai cru voir un tel amateurisme de la part de celui qui était considéré un héros de guerre (pour information, Bender a une formation de pilote et non de fantassin).  

Puis, encore une fois, au dernier quart de seconde avant l'impact; le préférum recula rapidement avec un jeu de jambes impressionnant et accueilli l’assaut de Bender avec un coup de genoux à la mâchoire.
Le sergent entendit un crac à hauteur du menton ainsi qu'une douleur aiguë qui court-circuita temporairement sa conscience. Son armure, n'étant presque qu'une coquille vide, ne pouvait lui offrir de support. Les servomoteurs n'avaient pas les programmes nécessaires pour le maintenir en équilibre malgré la perte de conscience du pilote. Alors les jambes en coton de Bender flanchèrent et il tomba au sol, pouffant du sang.  

Il revint à lui une ou deux secondes plus tard, le corps endolori dans des endroits qu'il ne pensait pas avoir été touchés. Ce qui signifia qu'il avait de nouveau été poignardé, et ce constat poussa Jonathan au dela de la colère et aux frontières de la rage. 
● “Cet enfoiré s’amuse avec moi ?” - ragea-t-il intérieurement.

Là, il n'avait envie que d'une seule chose: mettre un pain monumental dans la gueule de l'enflure qui le narguait de haut, le défigurer et lui péter toutes les dents. Préférum ou pas, comment osait il le ridiculiser comme ça ? Alors qu'il était à l'origine de tout ses problèmes ! Cependant, malgré son état, le sergent avait quand même gardé une certaine clarté d'esprit. Alors il comprenait qu'il y avait une différence entre le fait d'avoir envie et le "comment" faire pour transformer cette envie en réalité.   

Il devait trouver un moyen de saper la vitesse de son adversaire, de saper son endurance. Et selon son expérience, il n'y avait rien de mieux pour cela qu'un bon coup de poing de sa main mécanique dans l’abdomen, idéalement dans le plexus solaire. Juste un bon coup de poing dans l’abdomen et l'affaire était pliée.

Facile en théorie, mais en pratique Morel était comme un singe, d’une agilité à défier le sens commun. Le préférum continuait à tourner autour du sergent en enchaînant ses attaques avant que ce dernier ne puisse riposter ou même les percevoir 
● "Endure ! Endure !" - se murmurait il en focalisant toute son attention sur une ouverture. 

Les pieds tremblant et pouvant à peine le supporter, les bras si affaiblis qu’il pouvait à peine les lever, l’esprit embrumé, la vision brouillée, la respiration lourde, et hallucinant auditivement. Il n'avait d'autres choix que de jouer à la tortue, les bras protégeant ses flancs et cachant son visage

Jonathan n'avait qu'une envie: que ce calvaire s'arrête. Il en avait assez et l'idée même de tomber à genoux et demander à Morel le pardon commençait à se cristalliser dans son esprit mais sa volonté rejetait cette possibilité avec toute la violence de sa frustration. Plutôt crever que de plier ! S’il arrivait à l’attraper avec sa main mécanique l’affaire serait dans la poche.
● “Juste l’attraper, juste l’attraper…” - se murmurait-il

Morel quant à lui avait également ses propres soucis, il se battait en auto pilote, 80% de ses capacités cognitives étaient tournées sur le mystère d’Akiro. L'ingénieur était un trouillard, il l’a toujours été et il n’y avait aucune raison que ce fait change, et pourtant le miracle s’était produit. Malgré qu’il soit un membre de la prestigieuse famille Nokuza il n’avait pas leur dominance, le "charisme" de ceux qui étaient au sommet du monde. Cette illusion qui les différencie du reste. 

Akiro était malin, et doué dans son domaine mais son talent était contraster par une absence de personnalité. Pourtant, là, il arrivait à tenir tête à Morel. Pourquoi ? Comment ? Les couilles ne poussent pas en une nuit, à moins que cela ait été un processus dans le temps ? Qui, exactement, était assit sur la table ?

Le préfet ferma les yeux et recomposa ses souvenirs sur un mois, alors que son corps continuait à tabasser Bender. En un mois il ne l'avait vu qu'une fois: lors de la réunion mensuelle de tous les départements.
● Pourquoi est ce que le projet n’avance pas ? - avait demandé Morel en tapotant des doigts sur la table.

Le préférum s'adressait aux huit membres de l’assemblée et posait la même question depuis sept mois, après la “fuite des fenrir”. Cet incident avait obligé l'élimination de 99% de leur stock suite à la rébellion des créatures. La cause était inconnue et les conséquences pour le projet étaient catastrophiques. 

Tout ce qui ressorti positivement de cette catastrophe était la perfection du G0t0n7. Du moins la prétendue perfection, car il n'était pas supposé fonctionner sur les humain car il attaquait un organe spécifique inexistant chez le commun du mortel. Cependant cette énigme était dépendante de celle qu'il essayait de résoudre. 

Morel était persuadé que tous les événements en cours étaient liés d'une certaines manière, ce qui lui donnait un élément de réponse au puzzle. Mais il devait impérativement trouver le Qui ! Ou du moins s'assurer que ce Qui, ne soit pas Lui. C'est pourquoi il essaya de trouver des indices qui pourraient le mettre sur la piste, des indices qui avaient du être placés là volontairement pour rendre le test difficile mais pas impossible. Alors il s'imagina la scène de la réunion avec le plus de fidélité possible.
  
● On a malheureusement besoin de plus de temps et de plus de patients - répondit gasparof en se touchant sa moustache.
● Et vous suggérez quoi ? Qu’on passe outre le volontariat ? - inquiéra Morel.
● Possible - répondit Gasparof en baissant les yeux. Il n’aimait pas non plus cette possibilité mais il ne voyait pas d’autres solution.
● Je vais devoir en référer aux commanditaires et au quernum, mais j’espère que vous savez que ce retard amenera de lourdes conséquences pour chacun d’entre nous.
● Pourquoi en référer ? Je pense que Gasparof à raison, on peut trouver des cobayes ici même. Pas besoin d’attendre une livraison - suggéra Joshua, le responsable du maping génétique.

● Vous savez quelle est la probabilité d’occurrence de l’organe morphique chez un être humain ? On en trouvera peut être un seul dans toute l’installation - refuta la suggestion Gasparof - Sans parler du climat de paranoïa qui risquerait de ralentir d’avantage les recherches. Deja que les rumeurs de disparation sapent la concentration de nos collègues alors une chasse aux sorcières serait juste…Ce n’est pas ce que j’avais suggéré je veux juste être clair la dessus.
● Et votre hypothèse ? - demanda Joshua
● J’ai besoin de plus de temps. Pour l’instant l’organe morphique est indispensable chez le sujet - répondit Akiro
● Peut être que le professeur Nokuza peut se montrer utile pour une fois - dit Francis, assit en face d’Akiro.
● …
● Développe - suggéra Akiro avant que Morel ait eut le temps d’intervenir.
● “Étrange” - avait alors penser Philippe mais sans plus. Ce qui était étrange était que Nokuza tenait sa tête entre ses doigts, le bras accoudé sur la table, soutenant le regard de Francis, avec un léger sourir masqué par l’annulaire devant la bouche. Ça ce n’était pas son comportement normal. Mais cet indice ne lui donnait aucune information utile alors le préférum ordonna à son esprit - "Plus loin !" 
Les souvenirs coulèrent comme un torrent compressant le temps dans son esprit. En une fraction de seconde il avait passé un autre mois pour s'arrêter sur un échange de mail entre lui et Akiro.
● Akiro, je viens de recevoir un rapport inquiétant. Le système de camouflage a des ratés, le champs de dissonance n’est pas fonctionnel. On ne peut pas présenter un produit défectueux au conseil d’administration et tu le sais. Règle ce foutu problème au plus vite !
● Je m’en occupe. P.S : j’aurai besoin de quelques gars à toi, j’aimerai réaliser des tests progressifs.
Il s’attendait à recevoir un: fou moi la paix, tu n’as aucune idée de la quantité de travail que cela représente, etc… D’ailleurs il reçu ce message le lendemain. C’était le seul échange qui l’avait fait tiquer. Mais ce n'était plus les signes de bizarreries qui l'intéressaient mais les indices qui y étaient associées: mots, gestes, comportement involontaire qui devait lui donner l'indice nécessaire. 

Ne trouvant rien d'intéressant, Philippe remonta dans sa barque mémorielle et continua à remonter le cours de sa rivière de souvenir. Néanmoins au delà de deux mois, Akiro se comportait normalement, comme le peureux qu'il était. Ce qui signifiait que quelque chose avait du se produire durant cette période, quelque chose de particulier, quelque chose... 
● "Mais quoi ?" - se demanda le préférum en se mordant les lèvres de nervosité. 

En ce moment Bender essayait de lui saisir le bras mais le corps de Morel, par automatisme, non seulement évita la prise mais contre attaqua en plaçant un coup de jambe dans la nuque de son adversaire. Ce dernier, tomba à genoux, sonné et désespéré... Mais le préférum n'y prêtait aucune attention. 
● “Deux mois, deux mois, deux mois..." - se répétait il en essayant de passer cette période au crible en se focalisant sur les petits détails et puis - "Deux mois ?!” - Il tiqua enfin. Il y a deux mois, il y avait un événement anodin qui était désormais le fait le plus important de toute son existence. Il y a deux mois, il reçu un rapport de Gasparoff qui se plaignait d'une musique agaçante venant de la chambre de Nokuza. Un rapport qu'il avait ignoré car ce n'était pas son problème. Mais le suivi psychologique des personnes de cette zone montraiet une augmentation du taux de cauchemars. On pouvait dire que c'étai du au stress du projet, d'ailleurs c'était ce que Morel s'était dit. Mais la réalité était différente - "Quel débile !" - pensa t il en ayant la réponse: "La serenata del diavolo" ou comme son maître l'appelait: "Cerenada Diavala".

Philippe se retourna brusquement vers Akiro, transpirant à grosse goutte et la gorge sèche. Mais ce n'est pas la raison pour laquelle les mots restèrent coincés dans sa tracée. 
● Pal… - essaya-t-il de prononcer mais en réponse il n'eut qu'un message mental lui disant
● "Trop tard !"

 A cet instant Morel fut pris de convulsions, comme s’il avait mis le doigt dans une prise électrique, et poussa une sorte de cri bizarre avant de s’écrouler fumant de l’intérieur. Bender ne comprit absolument rien à ce qui venait de se passer, il parcouru la pièce de sa vision trouble et vu Akiro qui refermait la console sur le poignet de son armure.
● Je l’avais prévenu que cela finirait mal pour lui – dit-il simplement en croisant les bras.
● C’est vous qui avez fait ça ? – essaya de dire Bender le plus audiblement possible mais ses lèvres gonflées ainsi que sa mâchoire fracturée, sans parler des lésions dans la bouche, rendaient la chose compliquée.
● C’est exact. J’ai personnellement procédé à la révision de son armure il y a deux mois de cela, et comme il n’avait aucune raison de se méfier de moi j’en ai profité pour y installé une mini “anguille” (bombe électrique).
● Et vous ne pouviez pas le faire plus tôt ? – meugla Bender mais la douleur lui fit comprendre qu'élever le ton était une très mauvaise idée. 
C'était la première fois que le servent vit un sourire sur le visage d'Akiro, un véritable sourire néanmoins empreint d'une distante chaleur. C'était le même qu'il donnait à des galas de célébrations de victoires. Bender souriait pour faire plaisir, mais il pensait à ceux qui étaient morts...

● Je ne voulais pas ruiner votre moment de bravoure – répondit Nokuza en toute sincérité – Et je pensais que vous aviez une sorte de plan.
● J’avais un plan, lui coller une droite – balbutia Jonathan en résistant à la tentation de se laisser tomber au sol. Il savait que s’il s’asseyait là, il n’allait plus avoir la force de se relever.

● Et cela c’est admirablement bien passé. Si la situation n’était pas aussi dramatique je pourrai vous trouver amusant – rétorqua Akiro.
● Merci, enfin je crois – répondit Bender, qui tourna ensuite son attention sur les opérateurs qui avaient les yeux grands ouverts – les gars ça n’a rien de personnel mais je vais devoir vous demander de vous déshabiller – leur dit-il.
● Quoi pourquoi ? Écoutez, on faisait juste notre boulot.
● Fermez là et faite ce que je dis, je n’hésiterai pas à vous assommer – leur dit-il – Voilà c’est bien.

● Qu’est-ce qu’il veut faire ? – demanda Emily en tournant la tête alors que les deux hommes se déshabillaient.
● Se servir de leurs vêtements comme entraves, il aime bien faire ça – répondit Akiro – On a des câbles non ? Dans la salle des serveurs ?
● Euh oui vous voulez que j’aille en chercher ?
● Et gâcher son plaisir, regardez comment il est content - énonça Akiro - Non laissez le faire, par contre cachez bien votre soutien-gorge ma chère, cela risquerait de lui donner des idées – dit il avec un sourire sec, observant Bender déchiré les vêtements des deux hommes pour en faire des liens et leur attacher les bras et les jambes. Au retour le sergent passa devant Morel encore inconscient et lui donna un coup de pied dans le casque.

● Je ne savais pas que vous étiez du genre à frapper quelqu’un à terre – commenta Akiro de manière neutre, sans désapprouver mais sans condamner non plus.
● Non ce n’est pas mon genre mais cette fois ça soulage vraiment – répondit Jonathan. Ce n’était absolument pas dans sa nature de frapper un homme à terre, mais cela faisait un bon moment qu’il n’arrêtait pas de s’en prendre plein la gueule et il fallait que ça sorte. En plus face à une telle ordure sa conscience n’était même pas titillée – il Faut qu’on parle – dit-il à Akiro en usant de tout le sérieux que sa condition permettait. 

Alors qu le sergent était sur le point d'avoir sa conversation d'homme à homme, il senti un regard le vriller de part à part. Un phénomène appelé "Weiskrantz blindsight", qui expliquait la capacité humaine à réagir à des stimulis extérieurs au champ visuel. 

● Emily ? je présume ? - supposa Bender en tournant la tête vers la jeune femme.
● Oui et vous êtes ? - demanda cette dernière de manière défiante, mais pas tout à fait assurée. Peut être comptait elle sur la défense d'Akiro, ce qui était particulièrement brave en soi. 

● Jonathan Bender - répondit ce dernier en essayant d'être le plus intelligible possible, malgré ses blessures buccales - vous pouvez nous laisser une seconde ?
● Euh oui – dit-elle en lançant un regard inquiet à Akiro, mais ce dernier hocha de la tête en lui faisant signe qu'il n'y avait aucun problème. Alors la jeune femme s'éloigna en lançant des regards fréquents pour voir que tout allait effectivement bien. Cependant l'absence de proximité humaine l'angoissait après tout ce qu'elle avait vu sur les moniteurs, c'est pourquoi elle alla s'asseoir à côté des deux opérateurs ligotés. 

● Et donc ? – demanda Akiro intrigué par la futur conversation.
● En toute franchise ! Je veux savoir si vous savez où sont mes camarades - insista Jonathan en se voulant le plus sévère possible.

L'ingénieur resta silencieux pendant quelques secondes, le regard fixant le sol et de temps en temps montant au plafond, comme s'il cherchait à trouver quelque chose à dire, ou peut être même à imaginer une réponse. En détectant ce comportement Bender commença à perdre patience. Même si l’hémorragie jouait un rôle de taille dans la fébrilité de ses nerfs. Vu qu'il se sentait perdre connaissance, il n'avait pas le temps d'attendre  
● Akiro ! - menaça Jonathan avec un ton sec, et pour montrer qu'il n'avait pas le de temps à perdre il leva sa main bionique pour attraper l'épaule de Nokuza, mais ce dernier l'arrêta net avec des mots. 

● Vous êtes sur de vouloir savoir ? - demanda l'ingénieur - Vous devriez vous soigner avant.
● N’essaye pas de changer de sujet. Où sont-ils ? - siffla Bender
● J’ai bien peur qu’ils soient morts – répondit Akiro d'un ton neutre. l'information fut comme un coup de genoux dans les côtes, d'ailleurs le sergent failli perdre l'équilibre. Il n'y avait que le faible support de son armure qui lui permettait encore de tenir debout malgré les jambes tremblantes et faiblissantes.

● Fils de pute !! – cria Bender en visant Akiro au visage de sa main droite mais ce dernier l’intercepta sans même sourciller.
● Vous voyez ? Vous avez à peine la force de tenir debout, vous n’aviez pas besoin de ce stress en plus – constata le professeur en abaissant le bras métallique de son interlocuteur.

● Comment ? - demanda Jonathan. Il avait plus ou moins ce doute déjà, les battements irréguliers, les picotements de son cœur dans sa poitrine depuis ce temps, prenaient tout leur sens. Il le savait, ou plutôt il le sentait depuis le début. Il y avait beaucoup de questions à poser, beaucoup d'émotions à ressentir, mais tout n'était que chaos. Son esprit était comme une attraction d’auto-tamponneuse où les pensées se cognaient les unes aux autres dans un non sens général. La seule chose qui émergea de cette anarchie mentale était la question - Comment ? - répétât il. 

● Je ne comprends pas - avoua Akiro qui ne voyait pas l'intérêt de la chose. Qu'est ce que cela changeait de savoir comment ? Ils étaient morts et aucune réponse n'allait changer ce fait. 
● Comment ils sont morts ?! – cria Bender en s'accrochant à sa question comme à une bouée au milieu de l'océan. 

● Très bien – répondit l'ingénieur en se massant les sourcils - Sous l’ordre de Morel ils ont été utilisés comme prototypes pour le projet Fenrir, ils étaient compatibles pour l’hybridation. Vos trois amis ont ensuite engagé le combat contre la chimère et ont perdu la vie, même si techniquement ils l’avaient perdu au moment de leur transformation.
● Vous le saviez ! Vous le saviez et vous ne m’aviez rien dit ?! - explosa le sergent en oubliant que son corps était fortement traumatisé et à la limite de ce qu'il pouvait supporter. Les émotions fortes faisaient pomper le sang plus vite, pour une personne blessée s'énerver était synonyme de suicide. 

● Oui je le savais. Cependant qu’est ce qui me garantissait que vous ne finiriez pas obnubilée comme Dalanda, voyez où cela l’a menée…
● Ce n’était pas votre décision à prendre ! - l'interrompit Bender
● Bien sûr que si. C’était la liberté de mes collègues et leur survie qui était en jeu. Détrompez-vous, il n’y a jamais eu de relation de confiance et je crois avoir été clair sur ce point. Nous avons été alliés par les circonstances mais avec des objectifs différents. Cependant votre stupidité m’est devenue sympathique, rien ne m’obligeait à vous aider tout à l’heure non plus – lui dit Akiro – Mais c’est ce que j’ai fait, encore une fois.
Le sergent avait du mal à contenir sa colère. Cette vérité il la connaissait déjà, mais il avait espoir que les choses avaient évolué. Après tout ce qu'ils avaient vécu au cours de ces quelques heures. 

● Moi je vous faisais confiance - répondit Bender en se sentant stupide et naïf. C’était la seule chose qu’il trouva à répliquer.
● Et vous m’en voyez navré, mais je ne pouvais pas risquer la vie de mes collègues et vous m’étiez utile pour cette raison… mmm ! – l'ingénieur se prit les sourcils, prit d’une migraine désagréable.
● Akiro ça va ? – demanda Emily, inquiète, à l'autre bout de la pièce. 
● Ça ira mieux, bien... – voulu-t-il rassurer mais il fut couper par une épiphanier.
● Attendez une seconde, vous avez dit trois ?! – demanda Bender qui venait de percuter.
● Oui c’est bien ce que j’ai dit, vos trois amis.
● Ils étaient quatre, Sean, Raby, Maki et Jess. Ils étaient quatre ! - explosa Jonathan en regrettant tout de suite derrière son élan émotif - "Houla !" - se dit il en titubant, cherchant un appui, luttant chaque seconde pour ne pas perdre connaissance. Heureusement qu'il avait de la pratique dans l'art de combattre la fatigue. Il avait entamer sa longue carrière de fatigué chronique depuis l'école d'officiers avec les nuits blanches de révision; puis après, avec ses promotions et responsabilités le repos était devenu presqu'un luxe.
● Sean, Raby, Maki…Oui ce sont bien ces trois-là quant à Jess, je regrette mais je n’ai aucune information là-dessus.
● Vous mentez ! - rétorqua le sergent qui avait peur d'avoir cet espoir lui être retiré - Vous mentez encore !
● Non, c'est la stricte vérité.
● Et pourquoi je devrais vous croire ?
● C'est à vous de voir si vous voulez me croire ou non. Morel est hors d'état de nuire après tout, quel intérêt j’aurai à le faire ? - demanda Akiro
● Donc, vous ne me mentez pas ? - interrogea Jonathan, l'esprit embrumé et le cœur presque réjouit.
● Non c’est la stricte vérité, malheureusement.
● Ok, ok – Jess était peut-être encore en vie, et c’était déjà un rayon d’espoir – Une dernière question, vous savez où se trouve ma fille ? Jasmine Sangaré ou peut être que vous connaissez sous le nom de Shana.
● Euh non, ça ne me dit rien - répondit l'ingénieur après quelques secondes de réflexion. 
● Et l’artefact, vous savez où il est ? L’Ulwazi c’est bien ça ? - demanda t il en se rappelant de la suggestion de Dalanda. Il se pouvait que l'endroit où se trouvait cet artefact était le même que celui de sa fille. Le mail qu'il avait reçu de sa part il y a prêt d'un mois de ça allait dans ce sens. 
● Un artefact ? Euh non, non plus. J’ignorai qu’il y avait des fouilles archéologiques sur cette planète.
● Vous l’ignoriez ? - s'étonna Bender - Ok – dit-il – Je ne vous crois pas mais j’aurai besoin de vous ici. C’est l’endroit le plus sécurisé pour nous, et pour garder cette enflure enfermée. Tenez - dit-il en lui donnant son fusil.
● Vous ne me faîtes pas confiance mais vous me donnez votre fusil - commenta Nokuza, stupéfait.
● Eh bien, vous êtes peut être un menteur mais vous n'êtes pas quelqu'un de dangereux. Après tout, je vous dois la vie. C'est pourquoi je me retiens de ne pas vous casser la gueule - expliqua Bender

● Je vois - répondit Akiro en affichant un large sourire tout en prenant le fusil des mains du sergent. Et pendant un très court instant ce dernier eut une impression désagréable, une mise en garde de danger. Tout était dans le regard, dans cette sensation de presque hostilité. Hostilité issue de la distanciation qu'une personne met en entendant un commentaire déplaisant. Cette froideur qui apparu l'espace d'une fraction de seconde, si vite qu'il douta même de ne pas avoir halluciné, lui laissa néanmoins une impression pesante qui s'accrocha à ses entrailles  - Ecoutez-vous feriez mieux de vous asseoir, et j’irai chercher des trousses d’urgence - dit en suite l'ingénieur comme si de rien n'était. 
● Non ça ira - refusa Jonathan malgré son état. Jess était quelque part, peut être que la créature ne l'avait pas dévoré. Alors il devait le trouver immédiatement, s'excuser et lui dire que les autres n'étaient plus. Il devait aussi trouver leur cadavre et les enterrer comme si il doit. Il avait beaucoup de choses à faire, et si jamais il s'asseyait il n'aurait plus la force de se lever. 
● Dans ce cas permettez-moi de vous accompagner, vous n’êtes pas en état de marcher tout seul, vous avez dû perdre beaucoup de sang.
● Du sang ? - s'étonna Bender avant de se rappeler - Ah oui c’est vrai j’ai été poignardé – dit il la tête bourdonnante – je n’ai même pas vu comment, haha.
● Attention, mettez votre main autour de mon cou,
● Non, je n'ai pas besoin d'aide. Je dois trouver Jess - dit il et dans son esprit il était en train de se diriger vers la porte pour partir en quête de son subordonné. Mais dans les faits, il était immobile, démuni de la force pour faire un pas de plus. 
● Oui, bien sur. Mettez juste votre main autour de mon cou et on vera ce qu'on peut faire, voilà. Emily, je vous confie cette salle – dit-il en lui donnant le fusil de sa main libre
● Quoi ? Mais je ne sais même pas m’en servir. Oumph - rétorqua la jeune femme, paniquée et surprise par le poids de l'arme qui faillit la clouer au sol.   
● Je ne serai pas long, allez monsieur Bender, tenez-vous bien.
● Non, non  - protesta mollement Bender - la bête est encore dehors …essaya-t-il de s'expliquer.
● Ne vous inquiétez pas pour ça. A nous deux on trouvera bien une solution, pas vrai ? - essaya de le rassurer Akiro en le portant gaillardement vers la sortie. 
● Ouais… - répondit le sergent éreinté, ses paupières se fermaient toutes seules. Même ses pensées commençait à devenir paresseuse. Tout était devenu difficile à comprendre, tout était devenu pénible même respirer. 
● Ah oui ! Emily, désactivez les pièges et ouvrez la porte s’il vous plait.
● Très bien patron – dit-elle avant de réaliser les manipulations nécessaires.

La barrière d'énergie disparu et les porte s'ouvrirent laissant entrer un air macabre, un air d'isolation. Tout était bien trop silencieux, trop tranquille...
Bender soutenu par Akiro sortirent pour affronter cet environnement déroutant. Les portes se refermèrent derrière eux les laissant livrés à eux même dans les couloirs vides de toute vie. 

Jonathan n’avait jamais été croyant, même si les événements qu'il avait vécu avaient de quoi lui marteler la foi dans l'âme. Cependant, consciemment, il avait toujours refusé de plier genoux en se confiant à une force supérieur. Selon lui, ce salaud là haut ne méritait pas toute l'attention qu'il générait. Toutefois, en cet instant,  il était prêt à reconsidérer sa relation avec le divin si jamais leur chemin évitait celui de la chimère. Il devait survivre pour sa fille, pour enterrer les vieux problèmes à jamais. Il devait survivre pour Jess, qu'il ne soit pas seul, qu'il n'ait pas à enterré toute l'équipe...

● Hey Akiro... Vous y comprenez quelque chose... vous ? – balbutia Bender traîné comme un tronc d'arbre. 
● A quoi ? - interrogea calmement l'ingénieur
● Chimère, Génocide... Je n’y comprends rien. Qu’est ce qui peut... Qu'est ce qui peut pousser des gens à... créer une chose pareille ?
● Difficile à dire. Vous savez, se demander pourquoi une chose ou une autre arrive est un instinct issu de notre nécessité à rationaliser. C’est ce que la majorité des gens font pour trouver leurs réponses, pour trouver une place, pour formaliser le fonctionnement de ce monde. Pourquoi le ciel est bleu ? pourquoi la lumière ne voyage qu’à un million de kilomètres par secondes ? Pourquoi la gravité est multidimensionnelle…

● Ouais, je me pose souvent... ces questions – dit Bender moqueur, en finissant difficilement la phrase. Il regretta tout de suite après d'être aussi bavard car son rictus réveilla la douleur dans sa mâchoire, sa tête lui donna l’impression qu’elle allait exploser, es poumons voulurent se faire la malle.
● Je n’en doute pas un instant – répliqua Akiro en s’arrêtant un instant pour laisser le sergent reprendre son souffle – Mais vous savez d’autres personnes, elles, sont dans une logique différente. Ce monde ne leur convient pas tel quel et c'est pourquoi elles sont moins intéressées par le pourquoi et plus par le pourquoi pas.
● Je ne comprends pas.
● Le ciel est bleu, pourquoi pas gris ? On a un problème ? Pourquoi ne pas l’effacer ? On a besoin d’une arme alors pourquoi pas une chimère ?

● Vous faites paraître ça... si simple.
● Non, bien que que non. Je pense que dès le jour où l’espèce humaine est née, la simplicité est morte.
● Ha ha ha … Ne me faites pas rire, je sens que je vais crever. Argh ! - se plaignit Jonathan en gémissant tout de suite après. il pensa à quel point cela serait stupide de mourir de rire et rigola un peu plus face à cette absurdité. Ce qui bien évidemment lui valu une nouvelle vague de douleur. 
● Mais non, voyons. Nous sommes presque arrivé.
● Je ne suis pas désolé... pour tout à l’heure - avoua Bender -  j’aurai bien aimé... avoir la force... de vous cogner.
● J’imagine bien que c'est le cas. Et vous avez des raisons que je comprends. - répondit simplement Akiro en continuant à le porter toujours plus loin. 
● Ouais… - répondit simplement le sergent à son tour. 
Le vieux soldat avait écouté, mais... Peut être que le sens des mots avait été perdu dans le brouillard de son esprit. Ou peut être que le concept même de cette notion lui échappait. Le fait était que Jonathan ne comprit pas la subtilité du "pourquoi pas" évoquée par l'ingénieur. Ce n'était qu'un tas de conneries.

Quels "pourquoi pas" ? A quel point un individu devait renoncer à son humanité pour pouvoir concevoir le génocide comme une possibilité ? Quelle différence y avait-il entre ces personnes, non, entre ces monstres et les kissadzés qu’il n’a eu de cesse de combattre ? 
● "C’était tellement plus simple avant" - pensa-t-il en se rappelant l'époque où il n’y avait qu’un seul ennemi vers qui tous les doigts étaient pointés.

L’humanité ! Soudée pour combattre, pour survivre, pour prospérer. Nations, systèmes, différences, politique... Tout cela n'avait alors aucune importance. Mais peut-être que les choses n’avaient jamais été aussi simples qu’il le croyait. Peut être que tout le monde ne partageait pas sa vision. Peut être que le trauma issu de la guerre était une blessure encore grande ouverte dans l'âme et l'esprit des humains ? 

Perdu dans ses pensées flottantes paresseusement, Bender ne remarqua même pas qu’il était arrivé à destination.
● Choki ! J’ai besoin d’un coup de main – demanda Akiro en voyant son collègue.
● Monsieur No…Nokuza ?? Bender ? Mais qu’est ce qui s’est passé ? – demanda Dimitriou en se précipitant vers le blessé, la marque de la panique empreinte sur son visage.
● Je me suis fait... botter le cul – répondit Bender – Ça ne m’était pas arrivé depuis... le collège haha, hmm ! - rigola-t-il faiblement en sentant la douleur se rependre dans les recoins de son corps dont il ignorait l'existence. Et ses greffes mécaniques commençaient à picoter, ce qui n'était pas un très bon signe. 

● Ok, je vais vous mettre dans une cuve et tout ira bien – annonça Choki inquiet.
● Comment elle va ? – demanda Bender en jetant un coup d'œil à la jeune femme flottante dans la solution régénératrice. 
● Qui ça ? Dalanda ? Ça va, mais la reconstruction des os et des nerfs prendront beaucoup de temps, enfin je pense, je ne sais toujours pas si elle retrouvera son bras. Il y a de fortes chances que non malheureusement. Mais il faut vous inquiéter pour vous pour l’instant.

● Ah ce n’est rien ça, vous auriez dû voir la fête des officiers qu’on avait eu. Ha, ça c’était une fête - murmura le sergent 
● Bender ? Bender ? – l’appela Choki en le sentant partir.
● Hmm ? J’ai dû perdre ...connaissance... quelques instants. Ok une seconde – il essaya de donner l’ordre à son armure de le laisser sortir mais rien se fit, le neurotransmetteur avait du être endommagé par tous les coups sur la tête, un défaut de l’armure assemblée à la va vite - L’armure... enlevez l’armure ! – supplia-t-il en se sentant suffoquer. Son esprit lui projeta une image qui le terrifia. Bender se voyait prisonnier à jamais de ce bout de métal incapable de filtrer convenablement l'oxygène. Il se voyait suffoquer lentement et péniblement, avant de mourir là. Cependant, avant que sa raison ne puisse analyser convenablement l'information, et lui dire qu'il n'y avait pas besoin de filtrer l'oxygène vu que l'air extérieur était respirable. Le fait d'avoir des difficultés respiratoires, issues des blessures, légitima sa crainte. Et sa crainte explosa en une panique claustrophobique. 

● Attendez, calmez vous deux secondes je m’en charge – essaya Choki de le ramener à la raison et Jonathan s'immobilisa en levant les bras, aveuglé par sa peur qu'il essayait de rationaliser mais sans effet. L’informaticien navigua expertement sur la console intégrée au poignet, entra les codes d'identifications et bientôt le dos de l’armure se rétracta donnant des ailes au hibou. Bender tomba en arrière, et retira les plaques de métal qui lui protégeant le torse des deux côtés, puis commença à respirer à grosses bouffées.
●  "Libre ! Libre ! Enfin !" - pensa-t-il en se laissant tomber sur le dos, savourant l'oxygène comme une délicatesse pulmonaire. 
Le premier à réagir fut Akiro qui émit un petit sifflement en voyant les vêtements de Bender complètement imprégnés de sang. 
● Il ne vous a pas loupé – commenta-t-il ensuite.

Le sergent, pris de curiosité se releva péniblement pour voir l'étendue des dégâts. Puis constata, horrifié, qu’il n’y avait pas deux blessures comme il le pensait mais cinq. Il poussa un juron et se relaissa tomber vidé, énervé et ravi en même temps. La source de sa colère n'était pas vraiment son état actuel mais plutôt son estime de lui même qui avait été piétinée par Morel. Cette enflure avait joué avec lui comme un chat avec une souris
● "Quelle fils de pute !"
Quant à son ravissement ? Eh bien, malgré la douleur il était toujours en vie et sur le point de se refaire une santé. 

Bender ne se faisait aucun doute que si Morel était décidé le combat n'aurait pas duré une seconde, qu'est ce qui lui était passé par la tête ? Un affrontement direct était la pire idée imaginable...  Il faut croire qu’il avait eut un tel rush d’adrénaline qu’il ne pu contenir ses pulsions.

● Vous êtes vraiment dans un sale état – commenta Choki.
● Tu devrais voir la tête de l’autre – gémit Bender.
● C’est qui l’autre ?
● Morel – répondit Akiro
● Il a battu Morel ? – demanda Dimitriou étonné, presque choqué. 
● Dans ma tête oui... Sigh, je ne l’ai pas touché une seule fois – répondit Bender en riant nerveusement ce qu’il regretta tout de suite après.

● Oook ! je vois. Allez, je vais vous aider. Mettez votre bras autour de mon épaule. Voilà comme ça. Ouf vous êtes lourd dites donc, vous êtes sûr d’avoir assez saigné ? - demanda Choki
● Haha … mmm ! Ta gueule Choki... je ne peux pas rigoler - gémit le sergent
● C’est vous qui avez commencé - rétorqua l'informaticien ravi intérieurement d'avoir été drôle. 
● Arrête de me ...vouvoyer... tu veux ? - réclama Bender en tapotant le jeune homme à l'épaule - "C'est un bon petit gars" - pensa-t-il en regrettant d'avoir été aussi distancié et méprisant avec lui. 
● Ça marche. Allez doucement ! 

Choki porta Bender jusqu’à la deuxième cuve et son regard se porta sur la troisième. Au rythme où vont les choses, elles avaient tendance à être occupées trop vite à son goût. Et celle-là pouvait très bien avoir son nom gravé dessus. 

La cuve en elle-même était composée d’un piédestal qui rappelait du plastique par sa composition et assez large, mesurant un peu plus de deux mètres de diamètres. Au-dessus du piédestal, pendant du plafond, se trouvait un appareil de forme cubique, assez grossier duquel sortaient des protubérances en forme d’aiguilles ainsi qu’un masque de respiration. Un prototype qui n'avait pas encore les finitions nécessaires à la production de masse.

● J’ai besoin de me faire injecter quelque chose ? – demanda Jonathan avec une grimace. Il détestait tout ce qui rappelait l'hopital, même l'odeur lui donnait des remontées acides. C'était un endroit qu'il n'avait que trop souvent visité, et il n'en avait aucun bon souvenir.
● Eh bien le journal d’Andreï spécifiait que c’était uniquement dans les cas graves alors je ne sais pas trop. Vous pensez que votre état est grave ? – demanda Choki innocemment.

En entendant la question posée Bender fit les gros yeux en se demandant si effectivement ses blessures étaient graves. Pour se faire un avis sur son état, il commença à énumérer ses bobos
● Euh, j'ai cinq liaisons ... dues à des coups de couteau mais elles ... euh, elles n'ont pas touchés d'organes vitaux... par contre je perd mon sang... comme un goret. J'ai le nez... explosé... Je pense que toutes mes côtes...aussi. J'ai la mâchoire... foutue je crois... regarde ! - dit il en relâchant les muscles du visage et le menton tomba dangereusement. Et toute la rangée des dents de devant avaient éclaté au niveau de l'émail et montraient des signes de fissuration -  une parfaite fin de soirée du samedi – ricana Bender en se sentant terriblement mal. Le shoot d'adrénaline prenait fin, il avait été conscient plus que nécessaire et on corps commençait à le lui faire bien sentir.

● Eh bien vous êtes plus marrant au seuil de la mort. On se passera des injections - affirma Choki un peu dégoutté par la nouvelle dentition du sergent, puis il demanda - Vous voulez que je fasse sortir la table ?
● Non ça ira – répondit Jonathan en jetant un coup d’œil à sa voisine, fixée sur une sorte de chaise de dentiste et connectée à huit tuyaux pompant toute sorte de médecine – laisse-moi m’asseoir... et fait marcher ce truc - gémit Bender combattant l'envie de vomir. 

● Ok. Voila. N’oubliez pas de respirer dans le liquide.
● Je sais, je sais. Et choki... c’est tu, pas vous – le corrigea Jonathan en essayant de prendre une position confortable sur le socle de la cuve. 
Choki hocha de la tête, touché par la requête du sergent. Cette forme de reconnaissance, de camaraderie, voir d'amitié l'avait vraiment ému. Même ses yeux furent mouillés d'émotion, du moins jusqu'à ce qu'il sente Akiro dans son dos. Là, il se crispa comme un enfant apeuré. 

●  Continue, ne prête pas attention à moi - lui dit Akiro et Dimitriou obéit. L'informaticien appuya sur une pédale en dessous du socle de la cuve et les parois de verre s’élevèrent aussitôt. Puis, il se déplaça vers le bureau d’Andreï pour lancer le programme. Il cliqua sur la cuve n°2 et sélectionna, parmi une longue liste, le protocole qu’il trouva adéquat : blessures profondes. Tout de suite après, il y eut un bruit de pompe et un liquide incolore commença à remplir la cuve par le bas.
● C’est écrit que ça prendra deux heures – dit Choki.
● Super, merci - répondit Bender

Le liquide atteint l’une des blessures et commença à prendre une teinte orange au contact du sang. La solution était définitivement différente de celle dans laquelle baignait Dalanda, qui elle avait viré au vert. La douleur commença à partir alors le sergent commença à se relaxer et sur cette dernière pensée ferma les yeux
● “N’oublie pas de respirer”

Le liquide entra dans sa bouche et dans ses poumons par le nez, la sensation était loin d’être agréable mais on s’y habituait assez vite. Une fois ceci fait il se laissa emporter par la fatigue, et sombra dans un profond sommeil. Son rêve, ou plutôt ses souvenirs ou plutôt son cauchemar joua en plein écran dans son inconscient. Il s’y était plus ou moins habitué autant qu’on pouvait s’habituer à revivre les moments les plus pénibles de sa vie. 

Il revoyait encore et toujours des scènes où l’espace s’illuminait tout à coup comme si des centaines de feux d’artifices illuminaient le ciel. Mais il n’y avait pas de feux d’artifices dans l’espace, uniquement des vaisseaux rempli de gens, explosant par dizaines. Des milliers de vies perdues en un instant, et des familles détruites en un instant, et l’espoir détruit en un instant.

Ainsi, en ce qui paru être un claquement de doigts, des heures passèrent. Un temps crucial dérobé à la conscience, dérobé à l'action, dérobé du choix. Mais personne ne pouvait imaginer ce qui allait arriver...

C’est une voix qui réveilla le sergent en sursaut. Une voix un peu différente et démunie des roulements de R, mais malgré ces détails il était impossible de ne pas la reconnaître. 

Il ouvrit grand les yeux sans même prêter attention à la solution médicale qui lui piquait la sclérotique. Et sans chercher bien loin il vit un homme de grande taille, bâti comme un culturiste, à la peau noire, et aux cheveux blancs. Il était assis en tailleur devant la cuve de Dalanda, vêtu d'une chemise en lambeau pratiquement inutile et d'un pantalon dans le même état, imbibé de sang au point où il était impossible de reconnaître la couleur d'origine.

● “….core le goût dans la bouche” - dit-il de sa voix grave avant de tirer la langue et la pincer du pouce et de l'indexe. 
L'homme fut interrompu par un bruit de vacuum. Le liquide de la cuve de Bender commença à être siphonné indiquant que son traitement venait de se terminer. Le verre s’abaissa et Jonathan se retrouva à quelques pas du danger; et si jamais il avait un doute jusque là, il suffit de croiser son regard pour immédiatement mettre un nom sur cet individu.

● Cid je présume ? – demanda Bender. Il n’avait jamais vu de zoohumain retrouver une apparence humaine, ou même entendu qu'un tel phénomène était possible. Il n’était pas un expert mais ce fait était logiquement impossible, sinon ils ne seraient pas victimes de ségrégation vu qu'ils pouvaient choisir de vivre comme des humains. Cependant ces yeux…Il ne pouvait pas se tromper

Le regard de Jonathan glissa involontairement sur le corps sculpté de Marshall, attiré par les multiples cicatrices présentes.  Ces vieilles blessures étaient cachées en temps normal par sa fourrure: brûlures dans le dos et remontant sur l’abdomen. Entailles ainsi que griffures sur la joue gauche, les épaules, le long des bras, sur les pectoraux, abdominaux descendant sur les cuisses . Il y avait également des traces de morsures, des impact de balles... 

Ce corps était une véritable peinture exprimant la souffrance humaine, une sorte de plaie géante. En toute logique, il ne pouvait appartenir à une personne vivante et pourtant...  Bender se détourna de cette vision perturbante et remonta vers les yeux de Cid. 

Ce dernier avait remarqué les détails de l'expression du visage de son interlocuteur, il avait remarqué comment la colère fut affoler par du dégoût, comme une flammèche soufflée par le vent. Ce n'était pas la première fois qu'il avait droit à un tel traitement, cependant il avait apprit à prendre cette pitié en ridicule. Car, chacune de ses cicatrices étaient un badge qu'il portait avec fierté et ce n'est pas un imbécile qui lui donnerait l'impression inverse. C'est pourquoi il ignora l'expression du sergent et demanda 
● Comment c’est arrivé ? 

Jonathan chercha Choki du regard et le trouva assit dans un coin, blanc comme un linge et tremblant comme un nudiste sous la neige. L'informaticien croisa le regard du sergent avec une pointe d'espoir, ses yeux brillaient comme s’il était sur le point de pleurer mais il ne pouvait pas lui en vouloir. C’était assez compréhensible en sachant que la chimère était dans la même pièce qu’eux.

● Comment c’est arrivé ? – redemanda à nouveau Cidolphas
● Je ne comprends pas ? - répondit Bender
● Sigh - soupira Marshall en secouant la tête tout en surjouant sa déception - comment c'est arrivé ? - demanda-t-il en montrant la cuve dans laquelle se tenait Eiling. 
● Tu veux me faire croire que tu l’ignore ? Où les black owls se ressemblaient tous à tes yeux ? – répondit Bender en cherchant subtilement quelque chose qu’il pouvait utiliser pour se défendre et pour l’instant l’armure était sa meilleure option.





Blabla de l'auteur

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Hello à vous chers lecteurs ! J'espère que vous avez la pêche ;)

Euh, oui quelques mots. Déjà merci de me lire, ça me fait un bien fou vous ne pouvez pas imaginer. Ensuite, euh le bouquin est presque terminé, enfin presque... peut être deux mois encore ? Je partagerai mes projets une fois que j'aurai tout mis en ligne. 

Je sais il y a des fautes, je vais me chercher un logiciel de correction si ça existe lol. Mais bon n'hésitez pas, s'il vous plait, à me les faire remonter. Je suis quelqu’un d'assez distrait, laissez moi avec un papillon dans une pièce et c'est fini XD. Bref, donc si vous en voyez laissez un commentaire et je corrigerai tout ça pour votre plus grand plaisir ;)

Voilà, je pense que ce sera tout pour aujourd'hui. 

Merci de me lir ! Vous êtes formidables !! Tchuss et à demain !!! Prenez soin de vous ;) !!!!