dimanche 2 septembre 2018

Meliacor, Stargorad, pages 1 à 20


MELIACOR : STARGORAD



Meliacor était une de ces planètes géantes qui émerveillaient par ses dimensions. Certes elle n'était pas la plus grande de tout l'univers connu, ni même du système Cygnus, mais elle était l'une des plus impressionnantes à regarder depuis son orbite. 


Les mains posées contre le hublot de la baie d'observation du vaisseau de guerre des hiboux, Alésha se laissait envoûtée par le spectacle de l'hydre clairement visible malgré la distance, malgré les milliers de kilomètres qui les séparaient de la troposphère où l'anomalie climatique faisait rage. Elle pouvait voir les nuages avaler la moitié de la planète comme un parasite cosmique affamé. Elle pouvait voir les cyclones clairement dessinés dans les cumulo-nimbus, massifs, innombrables, déchirer et tordre l'atmosphère, projetant des quantités phénoménales de glace et de neige dans les couches supérieures de la mésosphère. Et il y avait également l'orage électrique se baladant parmi les nuages comme un être vivant, comme une créature vivante, effrayante...


Alésha avait du mal à imaginer qu'une telle chose soit possible, et surtout à quoi cela devait bien ressembler depuis le sol...

- Vous regardez encore l'hydre ? - entendit la jeune femme dans son dos. Elle se retourna pour voir le préférum du vaisseau : Cornelis Van Alphen. Un homme dans la quarantaine habillé d'un képi-veste-pantalon-bottes aux couleurs noires et argentées des black owls, sec comme un bout de bois, mais qui malgré sa complexion physique à réussi à se hisser à cette position d'autorité par ses capacités intellectuelles.


Cornelis s'avança jusqu'à la baie en enlevant son képi qu'il plaça sous son aisselle gauche et croisa les bras derrière son dos, observant à son tour la manifestation météorologique. 

 - Je peux comprendre votre incrédulité vous savez - dit-il sans quitter l'hydre du regard - rien que d'imaginer l'énergie nécessaire pour maintenir une telle chose me donne le tournis. Et je tressaille à l'idée d'imaginer une telle possibilité entre les mains des hommes. Ce serait formidable n'est-ce pas ? - demanda Van Alphen en se tournant vers la jeune femme avec un sourire qui n'attendait que la confirmation de ses dires comme réponse. 

- Je ne partage pas votre optimisme pour notre espèce - répondit Alésha écœurée par la perspective évoquée. La militarisation du climat n'évoquait en elle que du stress à la perspective de comment cette technologie allait être utilisée. 

- Oh ? Vous avez un problème avec le pouvoir, inspectrice ? - demanda Cornelis en lançant un regard interrogateur à la jeune femme. 

- Je n'ai rien contre le pouvoir, mais je méfis de la personne qui le détient - répondit la jeune femme en hochant des épaules, comme pour dire que c'était une simple réalité, simple et évidente. Si évident qu'elle n’eût nul besoin de développer plus son argumentaire. Le pouvoir corrompt absolument, c'était ce principe qui était à l'origine même de l'existence des hiboux dorés qui servaient de police à l'intérieur de l’organisation et répondait au CLGE (comité de liaison gouvernement-entreprise). Un groupe qui s'occupait de gérer les différents organismes policiers entre les entreprises d'une taille planétariale et la CEDEP. 


-  Je comprends. J'étais comme vous il y a une époque, apeuré du pouvoir, apeuré des humains et de leurs tendances destructrices. Et puis j'ai découvert que tous ne sont pas semblables au reflet de mon imagination. Certaines personnes savent comment gérer et canaliser le pouvoir pour le plus grand bien de tous - répondit Cornelis en posant sa main droite sur la vitre, comme pour saisir l'hydre de ses mains. 

Le regard professionnel d'Alésha remarqua quelque chose sous la manche de la veste du préférum. Un tatouage complexe qu'elle ne put identifier dans les détails, mais elle put jurer qu'il avait légèrement brillé d’une faible lueur bleutée. Et quelques instants plus tard, Cornelis recula de quelques pas comme s'il venait d'être frappé dans le ventre. 

- Cela ne se peut... - murmura-t-il en s'approchant de la vitre, se collant contre la paroi

- Est-ce que vous allez bien ? - demanda Alésha, troublée par le comportement étatique de son hôte. 

- Oui, oui, tout va pour le mieux - répondit Cornelis en souriant à pleines dents - de grandes choses se préparent mademoiselle hahaha - rigola-t-il en sortant de la baie d'observation à grands pas. 

- Qu'est-ce que... - pensa l'inspectrice ne sachant pas comment décoder ce qu’elle venait de voir. 

Cela faisait plusieurs mois maintenant qu'Alésha essayait de percer le masque de Cornelis, de voir la personne qui était derrière. Mais ce dernier, similaire à son père, était une tortue doublée d'un renard. Il avait une carapace qui cachait ses véritables émotions et le talent d'un excellent acteur. Son visage, ses yeux, tout chez lui était expressif, mais racontait une fausse histoire : du théâtre. Et là c'était son premier faux pas. Cependant il fut si soudant et étrange que l’enquêtrice ne savait que penser, comment traiter cette information, que décoder, sur quoi focaliser son attention ? L'élément qui lui venait à l'esprit, étrangement, était ce tatouage complexe qui touchait presque la paume du préférum. Elle ferma les yeux pour se rappeler un détail, une forme, une image, un dessin qu'elle pouvait identifier...


- Tes données ne sont pas normales, qu'est ce qui s'est passé ? - entendit-elle une voix monotone dans son oreille. Elle était tellement focalisée sur le problème Van Alphen, qu'elle en sursauta de surprise.

- Oh putain ! Mais ça ne va pas ? T'as failli me donner une crise cardiaque - répondit Alésha en se tenant la poitrine. 

- Effectivement, ton rythme cardiaque vient de faire un bond. Je suis désolé, j'étais simplement inquiet.

- Tssk ! Qu'est-ce que tu veux Monroe ? - demanda la jeune femme.

- Papa veut nous voir - répondit simplement son frère. 

- Et...

- Non, il ne m'a rien dit - répondit Monroe en répondant à l'avance à la question qu'il était certain d’entendre : "Et tu sais pourquoi il veut nous voir ?". Elle était d'une telle prédictibilité qu'il ne se fatigua pas à l'écouter entièrement, ce n'était que du temps perdu. Néanmoins, dans une optique de conversation et d'échange d'information, il se devait de faire un effort d'explication - il m'a envoyé un message, j'imagine donc qu'il devait être occupé et que quelque chose d'urgent s'est produit. 

- Ok, j'arrive - répondit Alésha sèchement avant de presser le pas. Sa frustration était issue du monitoring, un débat qui ne pouvait que tourner en rond entre elle et son frère. Monroe était quelqu'un de têtu avant de devenir un cyborg. Là c'était juste comme parler à un mur sur certains sujets. Principalement ceux qui touchaient à sa vie privée. À chaque fois qu'elle trouvait un moyen de désactiver la fonction "doppel" de son implant, Monroe arrivait à trouver un moyen de la réactiver. Et enlever l'implant était hors de question pour les besoins du travail et plus spécifiquement de l'assurance liée au métier. 


En marchant rapidement, l’enquêtrice commença à penser à la coïncidence entre les deux événements : le comportement étrange de Cornélis et la demande de réunion issue par son père. Que diable avait pu se passer sur Meliacor, ou la situation n'était pas liée à Meliacor, mais à quelque chose d'autre ? 

- "Non, si papa a demandé à nous voir de manière urgente c'est que c'est lié à notre affaire" - pensa Alésha. Et cette affaire était liée à Philippe Morel - "Dois-je conclure que quelque chose est arrivé à Morel ? Non, pas forcément. Je ne dois pas me précipiter dans mes conclusions. À moins que ce soit mon optimisme qui interfère avec mon raisonnement ?" - s'interrogea la jeune femme. Il était clair pour elle que le scénario ou quelque chose était arrivé à Morel, quelque chose de grave, serait le pire scénario. Perdre un témoin potentiel de la qualité d’un préférum au su et au fait de pratiquement tout serait un véritable coup dur pour l’enquête ainsi qu’une perte de temps colossale.
Le chemin jusqu'au point de rendez-vous lui prit un quart d'heure. Le vaisseau, qui faisait également office de centre de commandement, était de la taille d'une petite ville et pouvait contenir près d'un demi-million de personnes : 465742 blacks owls étaient actuellement déployés sur le Galaté (croiseur moyen).


Ce dernier, malgré ses dimensions imposantes, était rempli de couloirs le serpentant de long en large et pouvant laisser passer deux personnes en armure côtes à côtes, ce qui laissait un espace suffisamment large pour trois personnes puissent se croiser en demandant de se serrer un petit peu. Il n'y avait qu'autour de la zone de loisir que des promenades spacieuses pouvaient être trouvées.  


Le tout donnait une impression de renfermé auquel tout le monde était obligé de s'habituer. Claustrophobique ou non, tout le monde utilisait les vaisseaux pour voyager, surtout les militaires. Ceux qui n'étaient pas capables de prendre sur eux étaient dégagés à la sélection leur offrant des perspectives de carrière limitées. Alésha, avait eu quelques amis durant ses formations qui ont échoué pour cette raison. Talentueux, ingénieux, mais quelque chose dans leur tête les poussait à paniquer une fois entre quatre murs. 

- Ce n'est pas vraiment le manque d'espace le problème - lui avait-on expliqué à l'époque - mais c'est en imaginant une boite de conserve à la dérive dans une immensité infinie, et que si quelque chose arrive, rien n'est en notre contrôle. Mourir dans l'espace, loin de tout, ne jamais être retrouvé...

- Arrête de penser si loin. Il n'y a plus de chances de se faire exploser en mille morceaux par une balle de mécha qui traversa la coque - avait -elle répondu alors, et regretta aussitôt sa décision en constatant que cette idée se frayait un chemin dans l'imaginaire de son camarade - tu réfléchis beaucoup trop à des trucs inutiles. Il vaut mieux s'entraîner, comme ça si quelque chose arrive t'es prêt à faire ton maximum. Et si ton maximum ne suffit pas, eh bein, c'est le jeu pas vrai ? 


Alésha n'était pas très douée pour remonter le moral. Dans les jours suivants, son frère d'armes changea de corps en optant pour la défense planétaire, voyageant uniquement pour les besoins d'une affectation. C'était bien d'avoir trouvé une voie dans laquelle on était certain de s’épanouir. Alésha, elle, n'avait suivi que les traces de son père. Elle voulait être la meilleure parce que c'était comme ça, c'était ce qui était attendu d'elle, et qu'il n'y avait pas à se poser de questions. 


Sur le chemin, elle croisa des black owls toujours pressés, toujours en exercice ou probablement en retard quelque part. Mais là, elle constata qu'ils étaient plus pressés que d'habitude. Ils ressemblaient à des chevaux dans un enclos sentant un orage approcher, ou sur la ligne de départ d'une course.

- "Ou peut-être est-ce le fruit de mon imagination ?" - pensa la jeune femme. Elle partait du principe qu'on trouvait toujours ce qu'on cherchait même si la réalité observée était fausse, on pouvait la confondre avec la vérité vraie. Parce qu'elle savait que quelque chose ne tournait pas rond, il était possible qu'elle eût projeté ses doutes et ses conclusions sur les autres alors qu'ils se comportaient comme d'habitude. 


Arrivée devant la porte du lieu de rendez-vous, elle s'arrêta une seconde ou deux pour bien remettre son uniforme aux rayures dorées sur l'épaule, puis entra dans la pièce. Son frère, un jeune homme dans la trentaine, les sourcils touffus, les yeux d'un bleu profond, le visage en diamant, le teint bronzé... Son jumeau qui a perdu son humanité suite à une transplantation d'un rein artificiel. Une chance de 0.0001% de devenir un cyborg pour une opération si légère et cet imbécile ne l'a pas ratée. Il était doué pour tout, même pour le pire, tout comme sa sœur, et tout comme son père. 

- Bien, je ne vais pas perdre de temps, je vais aller à l'essentiel. Quelque chose est arrivé à Morel, et c'est très grave - dis ce dernier dès que la porte se referma derrière Alésha. 


Haysh Niko était un homme de taille moyenne, d'une corpulence similaire à celle de Cornelis : sèche comme un bout de bois, mais extrêmement athlétique. Même en travaillant pour les services internes, l'homme âgé d'une cinquantaine d'années n’épargnait aucun effort pour se maintenir en forme.

- "Le corps est le temple de l'esprit. Si l'esprit est corrompu, peu importe la beauté du temple, il est vide à l'intérieur. Si le temple est laissé à l'abandon, l'esprit s'en retrouvera sali. Cette dualité est intrinsèque à la nature humaine" - est son enseignement préféré qu'Alésha a dû entendre au moins un million de fois. Cependant, malgré ses efforts quotidiens, elle n'avait pas l'impression que quelque chose changeait dans sa tête. Ce qui poussa la jeune femme à catégoriser cette information comme un enseignement inutile que les parents s'amusent à donner.


- Quelque chose d'inquiétant est arrivé sur Meliacor - continua Haysh alors que sa fille saisit l'unique chaise de la chambre spartiate, accompagnant l'unique petit bureau. Et s'assit à côté de son frère qui occupait l'étage inférieur du lit superposé.

- Concernant Morel ? - demanda Alésha Niko

- Effectivement - confirma son père sans s'étonner de l'hypothèse de sa fille. Après tout elle était sa fille - J'ai été prévenu par un informateur que le doppel de Morel ne donnait plus signe de vie, et ce n'est pas tout. Les doppel de 3500 autres personnes ont disparu en l'espace de quelques heures.

- Mon Dieu ! - s'exclama Alésha les yeux grands ouverts et le cœur serré - C'est lié à une catastrophe naturelle ? - demanda-t-elle confuse. Elle ne voyait aucune autre explication à une telle tragédie.

- Je ne pense pas - répondit Monroe Niko sans un fragment d'émotion - ce n'est certes qu'une hypothèse, mais les architectes ont dû faire les arrangements nécessaires pour palier à ce genre de possibilités.


- Catastrophe naturelle ou pas, vous perdez l'essentiel de vue - dis Haysh - Morel est notre témoin et notre taupe dans l'organisation des black owls. Si quelque chose lui est arrivé, l'enquête sur la disparition des chercheurs risque de tomber à l'eau. Nous sommes là pour trouver la vérité et uniquement la vérité. Et je sais ce que tu vas dire Alésha - coupa Haysh en levant la main, au moment où il remarqua que sa fille voulait protester - Mais qu'est-ce que tu peux faire pour ces personnes ? Notre mission c'est de trouver des informations pour que justice soit faite. Si on ne le fait pas, qui ici le fera ? 

- ...

- Une commission d'enquête et un groupe de recherche et sauvetage vont certainement être montés dans les heures qui suivent. Je vais nous avoir des places dans une des équipes d’inspection, mais je voulais vous prévenir du danger du terrain. Vous avez tous un parcours académique excellent, et je ne peux qu'en être que très fier. Mais là, ce sera votre première opération sur le terrain et pas n'importe quel terrain. La planète est hostile, les black owls risquent d'être hostiles si on fait la moindre erreur, et même la vérité risque d'être hostile. Je suis désolé mes enfants, mais...

- Les hiboux observent la vérité dans la pire des obscurités - répondit Monroe - ne t'en fait pas papa, on va y arriver - dit-il ensuite de sa voix monotone.


- Hmpf - fit haysh en se poussant du mur en usant de son dos. N'ayant plus d'appui, il adopta sa posture naturelle voûtée, et s'approcha de son fils avant de lui passer la main dans les cheveux - tu manques cruellement de peur Monroe. Tu compenses par un pragmatisme robotique, mais l'absence d'émotion biaise ta pensée. Apprends-les, apprend à déchiffrer correctement les émotions humaines.

- Oui papa.

- Et toi Alesha - dit Haysh en se retournant contre sa fille qui attendait nerveusement la leçon du jour - ton cœur est au bon endroit contrairement à ton frère, mais il est bien trop instable. La frustration et l'impatience sont tes pires ennemis, tu devras les tenir en laisse sur le terrain.

- Je comprends - répondit-elle en jouant des mâchoires pour combattre l'envie de protester cette accusation contre sa personnalité.

- Tous les deux, vous auriez fait le parfait être humain, mais hélas le fruit a été fendu en deux. On va devoir faire avec... Ne mourrez pas avant moi, c'est un ordre - dit Haysh avant de sortir, comme à son habitude, au moment où il commençait à devenir trop émotionnel à son goût. C'était quelque chose qu'il ne savait vraiment pas gérer comment en témoignait sa main tremblante de culpabilité et de nervosité. Même si les mots naissaient dans sa tête, sa bouche n’arrivait pas à les sortir. Même si des gestes prenaient forme dans sa tête, ses mains n’arrivaient pas à suivre. Un étrange paradoxe dont il ignorait la solution – « Au boulot ! » - pensa-t-il en fermant la main droite à plusieurs reprises comme pour y pomper le sang. S’il voulait sortir ses enfants de là avec les honneurs, il avait du pain sur la planche.

- Qu'est-ce que tu penses de tout ça ? - demanda Alésha à son frère qui s'installa en tailleur sur le lit. Elle n'avait pas peur jusque-là, elle se sentait prête après ses milliers d'heures d'entraînements, de formations, à cracher sang, tripes et boyaux. Mais la mise en garde de son père l'avait ramenée à la réalité de la situation : leur uniforme ne pouvait pas les protéger de tout. 

- Je pense qu'on va devoir redoubler de vigilance. Je préfère partir du principe que les rumeurs concernant l'aliénation des black owls sont vraies et ne pas leur montrer le dos trop longtemps. Ce qu'on peut découvrir là-bas peut mettre en danger toute l'organisation, alors que penses-tu que des criminels et assassins potentiels vont faire pour se protéger ? 


- Hmpf, qu'ils essaient un peu pour voir - s'échauffa Alésha en faisant taire son sentiment d'angoisse. Pour l'instant ils étaient sous le monitoring du bureau central. Tout ce qui pouvait se passer sur le Galaté était enregistré et transmis. Mais une fois sur Meliacor, ou plutôt sous Meliacor, entourés de Black Owls, ils allaient devoir être très prudents. Extirper toute la vérité allait être impossible, même remplir leur mandat allait être particulièrement délicat. La jeune femme regarda son frère, frustrée, jalouse, qu’il arrivait à garder son sang-froid. Alors qu'elle, tapotait du pied de nervosité et luttai contre l’envie de se terrer sous les draps.



A plusieurs centaines de mètres de là, dans les quartiers privés du préférum. Là, Cornelis était assis derrière son bureau plongé dans l'obscurité, et contemplait le tatouage sur son bras, brillant d'une leur pâle comme une lune mourante. L'umbra était composées de lignes droites formant un dessin complexe qui changeait selon l'angle observé, voire selon la personne qui observait : Paréidolie, ou phénomène plus complexe. 


Les yeux rivés sur une image de son passé, Cornelis ne pouvait que se sentir énervé par le miroir d'une vie qu'il avait rejeté de toutes la force de son âme. Ce qu'il voulait voir était son avenir, ce qu'il voulait voir était le fruit de sa rébellion contre l'équation de la vie. 

- Qu'est-ce que tu fais ? - demanda une voix qui fit sursauter Van Alphen sur son fauteuil. 

- Qui ?.. - dit-il en se retournant furieusement, uniquement pour voir une forme étrange penchée au-dessus de son bureau. Une forme humanoïde allongée, comme si un humain avait été étiré comme une pâte à modeler. La silhouette était chétive, à la peau lisse, translucide, mais l'élément le plus marquant de cette construction ésotérique était le masque sur son visage. Un masque fait d'une matière qui ressemblait à du métal, et qu'il était impossible de regarder sans prendre le risque de perdre la raison. Une telle force et présence émanait de cet objet que baisser la tête, montrer sa soumission devenait aussi évident que de respirer.

- Bienvenue, maître - dit Cornelis en se posant un genou à terre. Désormais, il en était certain. Aussi incroyable que celui puisse paraître, Morel avait échoué. 

- Allons, allons, Cornelis qu'est-ce que c'est que ça ? - demanda la créature sur un ton gêné en voyant l'humain agenouillé - je viens te voir depuis l'autre côté et un genou à terre est tout ce que tu as à m'offrir ? Hmm ? 

- Bien sûr que non, j'avais simplement le deuxième genou qui me démangeait - répondit Cornelis avant de se recroqueviller sur le sol, les bras au sol, les paumes tournées vers le plafond. 

- D'impatience, j'imagine ? - demanda la créature et son masque s'écarta en un rire dément laissant échapper une obscurité malsaine. 

- Toujours - répondit le préférum en faisant preuve d'une patience absolue. 


- Relève-toi larve, j'ai un cadeau pour toi - dit la créature amusée. 

- Un cadeau ? - s'étonna Cornelis en se levant précipitamment, débordant d'impatience. 

- Ho ho, regarde-toi déborder d'avidité. C'est très bien - dis la chose en présentant sa paume ouverte à Van Alphen. Elle était lisse et démunie de toute ligne, démunie de toute trace comme un papier blanc immaculé. Ses doigts longs et crocus se refermèrent ensuite comme pour saisir un objet sphérique et puis cet objet s'extirpa de la chair de la chose. 

Le préférum vit un objet qui ne lui était pas complètement inconnu. Il n'avait pas encore maîtrisé l'art d'extraction et de collecte, mais il savait que cet objet flottant comme une orbe était...

- Une âme ? - s'étonna Cornelis en observant l'objet liquide, solide, gazeux et plasmique, une étonnante conception qui échappait à toute logique humaine. Mais ce qui attira l'attention du préférum était la couleur de l'objet, obscure, mais pas complètement. Il y avait encore des traces par ci et là de translucidité, comme si l'hôte n'avait pas complètement embrassé les ténèbres. 

- Oui, une âme. Prends là si tu le désires, si tu arrives à l'intégrer alors elle t'offrira toute la connaissance de son hôte. Son essence ne fera plus qu'un avec la tienne.

- Mais, je ne sais pas encore comment faire - dis Cornelis en faisant preuve de prudence, mais sa main quant à elle avait déjà saisi l'objet sans masse. 


- Ne suis-je pas ton professeur ? Je vais te montrer comment faire et je n'ai absolument aucun doute sur ta capacité à assimiler l'âme de Morel. 

- MOREL ?! - s'écria Cornelis étonné au point où ses yeux faillirent sortirent de ses orbites - alors, il a vraiment échoué...

- Es-tu triste pour lui ? - s'étonna la créature

- Non maître. J'ai seulement tellement pourchassé son ombre que l'idée même qu'il puisse échouer m'est étrange. 

- Pfuu fuu ffu - éclata de rire la chose si fort qu'elle se saisit les côtes, plus par mimétisme humain que par véritable besoin - autrefois peut-être, mais le temps à poli ses crocs. Il n'était plus qu'un être pathétique perdu dans son doute. Mais il est vrai qu'il avait emmagasiné un petit bagage intéressant qui pourrait t'être utile dans ton épreuve. 

- Ce serait triché alors non ? - demanda Cornelis. 

- Triché ? Quelle absurdité. Refuserais-tu mon présent alors ? - demanda la créature en tendant lentement sa main pour récupérer son présent. 

- Bien sûr que non maître. Ce présent tombe à pic - répondit Cornelis en dévorant l'âme de son ancien mentor du regard. Et déjà, il pouvait imaginer qu'un jour, il tiendrait l'âme de son maître : Palounine, dans le creux de sa main. 

- C'est vrai qu'il tombe à pic - confirma l'Ukufa et son masque sourit à nouveau de manière satisfaite, très satisfaite - maintenant je vais te montrer comment faire, mais avant j'aimerai un peu d'intimité. 

- Comment ça ? - demanda Van Alphen confus - Il n'y a aucune caméra dans ce bureau...

- Hahaha, des caméras.... Ahhh, ils sont si mignons quand ils sont si jeunes - dis Palounine en claquant des doigts plongeant momentanément cette pièce dans un endroit que seuls les regards les plus perçants pouvaient éclairer.


Lorsque les deux réalités se superposèrent à nouveau, Cornelis Van Alphen était tout seul dans son bureau. Le préférum tremblait comme une feuille, suant à grosses gouttes et les pupilles largement dilatées, témoignages d'une anomalie dans son organisme, d'un élément étranger que son corps avait du mal à assimiler. 


Après quelques secondes d'immobilité, son expression du visage changea en celle d'une lutte formidable. Similaire à celle d'un athlète essayant de lever un poids bien trop lourd pour tout sens commun. Le sang afflua au visage rougissant le cou et le reste de la tête, des veines gonflèrent sur le front et la base du cou, le regard retrouva une détermination et une concentration perçante, la bouche se déforma en une expression de souffrance... Puis, après de longues minutes de lutte, Cornelis put enfin hurler et se dégager de cette main invisible qui le tenait sur place. 

- RAHHHHH ! - Hurla le préférum en tombant au sol, avalant l'air par la bouche. 


L'instant suivant, quatre black owls en armure se ruèrent dans la pièce, ameutés par le cri de leur leader. Armes aux poings et prêts à tirer, les mercenaires cherchèrent le responsable d'une possible agression, mais ne trouvèrent que Cornelis allongé sur son tapis, la paume sur le front et riant comme un hystérique. 

- Je l'ai fait hahahaha, je l'ai fait - disait-il à voix basse entre deux rires. L'âme de Morel avait bien failli prendre le dessus, mais il avait triomphé, il avait pris le dessus, il était le plus fort. Maintenant, il pouvait puiser dans ce petit puis de savoir et de force que possédait son mentor, du moins en théorie. En pratique, sa tête donnait l'impression d'être une ruche remplie d'un milliard d'abeilles, il avait envie de vomie, son corps était complètement vidé, et cette étrange sensation dans sa poitrine était particulièrement troublante. Comme s'il avait une boule solide, froide, quelque part dans sa cage thoracique. Mais de plus troublant était cette sensation d'entendre un murmure au plus profond de son subconscient, ou était-ce une crainte ? Sa peur que quelque part, Morel existait encore ? 


- ... Tous ces signes vitaux sont ok. Préférum est ce que vous m'entendez ? 

- Hmm ? - s'étonna Cornelis en levant la tête pour constater avec surprise qu'il n'était pas seul - qu'est-ce que tu fiches là ? - demanda le préférum surpris, tournant la tête pour remarquer que sa garde personnelle était présente. 

- Nous avons entendu un bruit suspect, et ...

- Ah je vois, je vois, bon boulot, bon boulot - répéta péniblement Cornelis en essayant de se lever, poussant la main tendue par un de ses subordonnés - tout est réglé maintenant. 

- Oui monsieur - répondit le même black owl - cependant, les consignes - ajouta ce dernier d'une manière affirmative et interrogative à la fois. Ne sachant pas trop s'il devait faire respecter le protocole ou pas.

-  Ah oui, ok. Faites ce que vous avez à faire - répondit Cornelis avant de retourner s'asseoir derrière son bureau. 

- Très bien. Joe, appel le médic. Vous deux, au boulot - ordonna le même black owls et les autres obéirent. Le but était de vérifier que rien n'était arrivé à leur chef et que sa mémoire n'avait pas été trafiquée. De plus, ils devaient être à 100%, sans une trace de doute possible, qu'aucune effraction n'ait eu lieu. Et que si jamais cela avait été le cas, de retrouver le fou qui avait pu agresser leur boss. C'était le protocole, et c'était aussi une question d'honneur. 

- Bien reçu - répondirent les mercenaires avant de s’atteler à leurs tâches. 

- Ah oui, Anderson - s'adressa Cornelis au leader de sa garde rapprochée - je veux que tu me prépares la salle de conférence. Nous allons bientôt passer à l'action. 

- Mais les prévisions pour l'hydre... 

- ne t'en fais pas pour l'hydre, j'ai l'assurance qu'elle ne devrait plus tarder - répondit Van Alphen avec une conviction absolue. Il allait être l'heure pour lui de faire ses preuves, et de toucher un pouvoir encore plus grand encore. Peut-être ainsi, pouvait il calme son ambition dévorante, et ce besoin absolu de toujours plus - "Si je tiens l'univers dans la paume de ma main, je pourrais peut-être penser à autre chose" - se dit il en arrangeant la manche de sa veste pour mieux cacher son tatouage. Lui qui avait été toujours privé de tout, voulait équilibrer cette injustice en possédant tout. Une ambition simple, si simple que son esprit n'avait aucun mal à justifier sa validité ainsi que les méthodes employées pour la réaliser. Et maintenant, il avait fait un pas de plus vers son objectif ce qui la ravissait au plus haut point. 


À plusieurs kilomètres sous terre, dans les profondeurs de Meliacor, se trouvait un laboratoire de recherche utilisé pour la conception du projet Fenrir : des zoohumains, hybrides entre l'homme et une créature mystérieuse manipulant la glace, indigène à Meliacor, voire unique. 

Autrefois débordant de vie et d'idées, les couloirs étaient désormais vides de tout, le laboratoire sous-terrain avait été écrémé de son personnel suite à l'attaque d'une créature horripilante qu'ils avaient fait l'erreur de réveiller : la chimère. Cette dernière avait déchaîné sa fureur destructrice, mue par sa faim et sa psychopathie acquise suite à des années d'apprentissage inhumain. Partout, les traces de son passage étaient visibles, tantôt les griffures immenses, les portes pliées comme du papier mâché, et autre preuve de sa force gargantuesque...


Plus bas encore, dans le hangar de ce laboratoire, quatre individus se tenaient en silence pour remémorer les défunts. Malheureusement Dalanda, Jess et Bender, ne connaissaient rien de ces personnes, hormis le fait qu'elles avaient essayé de créer des monstres. Ou plutôt des soldats, pour une guerre révolue. Vu que les kissadzés qui avaient failli éradiquer l'humanité n'étaient plus. Jonathan Bender avait été témoin de leur défaite. En temps qu'Arshmarshall et leader de la flotte unie, il fut celui qui appuya sur le bouton, déclenchant plusieurs explosions de roses bleues créant une réaction en chaîne qui transforma la planète piège en supernova. Combien de vies avaient été alors perdues pour rien ? Combien de vies il avait condamnées pour rien...


- Est-ce que ça va serg ? - murmura Jess qui remarqua une larme coulée le long de la joue de son sergent. 

- Ouais, ça va - répondu Jonathan en essuyant du pouce la larme traîtresse - "J'espère, qu'où que vous soyez, vous aurez enfin la paix" - pensa-t-il ensuite, en partageant cet espoir. Si ce qu'il avait vu ce jour-là était vrai, alors... Alors il était possible qu'un au-delà existe. 


Ces personnes, ou plutôt les bouts qui y restaient avaient l'ambition de combattre une guerre que Bender pensait terminée. Cependant, dans le doute, il avait passé cette semaine à chercher leurs terminaux en quête de confirmation, et tout ce qu'il put trouver fut plus de confusion. 


La possibilité que les kiss aient survécu le terrifiait au plus haut point. Ces aliens étaient un véritable cauchemar à combattre et il était désormais trop vieux, trop usé pour remettre ça. Si en plus il intégrait l'existence de la chimère dans l'équation, l'univers connu devenait soudainement un endroit terrifiant qu'il ne savait plus comment affronter. Cette aberration de la nature avait causé un véritable massacre, et c'était un véritable miracle que le carnage ait pu être stoppé. 

Un miracle réalisé par les efforts de Sparrow : Hélène Ethrapoli, une spécialiste des black owl particulièrement douée. 


- C'est bon ? Je peux les enterrer maintenant ? - demanda Cidolphas Marshal, un z'hum, hybride entre un humain et un tigre. Ce dernier attendait patiemment que le rituel soit terminé. Il avait passé la semaine à briquer toute trace de sang pour ne laisser aucune chance que son ADN, ou plutôt celui de son alter ego malsain : la chimère, soit retrouvé. Il était tout simplement hors de question que cette monstruosité puisse un jour être dupliquée, et ce quelle que soit la raison. Quand il eut fini de tout nettoyer, il s'occupa de creuser et transporter l'œuvre de son carnage, dans le hangar. Ici, ses victimes pouvaient avoir un semblant de cimetière et de repos. 

- Oui c'est bon - répondit Dalanda en jetant un regard au z'hum tigre qui évita le contact visuel. Malgré ses difficultés à sentir les émotions après sa plongée dans le nexus émotionnel de Philippe Morel : le préférum et leader de ce centre de recherche, elle pouvait clairement voir que son ami en avait gros sur la conscience. Mais elle ne pouvait qu'attendre qu'il se livre de lui-même. Têtu comme il était, le forcer à parler n'allait avoir qu'un résultat inverse. Le début de leur aventure avait été particulièrement pénible, et pourtant la jeune femme avait cette terrifiante impression que leurs problèmes ne faisaient que commencer. 

Sans dire un mot de plus, Cid commença à pousser la colline de terre et de béton dans le trou béant. Il ne fallut que quelques minutes pour que le colosse achève sa tâche et recouvre les morts. 

- Bien, je vais me faire un truc à manger. Ça te dit ? - demanda-t-il à Dalanda qui voulut s'offusquer. Mais elle savait que ce n'était pas par méchanceté ou par je-m’en-foutisme que le z'hum avait fait cette proposition. Il avait simplement faim et à vrai dire, elle aussi. 

- Si tu me fais une salade, je te tiendrai compagnie - répondit-elle. 

- Une salade ?! Kruu rru rru - ria le z'hum surpris.


- Hey ! On peut respecter un peu les morts ? - s'offusqua Bender

- Respecter les morts ? - s'étonna Cid - les morts sont morts oldscout. Ils n'ont nul besoin de notions qui tourmentent les vivants - répondit le z'hum. 

- Épargne-moi tes concepts sauvages ! - répliqua Bender - tu n'accordes clairement aucune valeur à la vie des autres, mais au moins respectes leur mort - dit-il ensuite avant partir à grands pas, fulminant intérieurement. Sa nervosité commençait à déborder et il ne savait pas comment la gérer. L'incertitude et la peur lui rongeaient l'intérieur, et toute excuse était bonne à prendre pour ventiler tout cet inconfort intérieur. Le sergent avait l'impression que chaque seconde était la dernière pour sa fille porte disparue et cela faisait près de 600 000 secondes qu'il avait laissé passer sans pouvoir agir. 


- Qu'est-ce que c'était ça ? - demanda le z'hum en combattant l'envie de poursuivre Jonathan et s'expliquer clairement. Mais connaissant son caractère, il y avait de fortes chances qu'il lui casse ou torde quelque chose, ou qu'il l’assomme. Ça ne valait pas le coup.

- Je ne sais pas - répondit Jess en regardant son sergent s'en aller -, mais je peux comprendre sa colère. Vous étiez miliaire aussi non ? Où, si ce n'est dans la mort que nous pouvons espérer le respect - dis le jeune homme avant de courir rejoindre son camarade.


- J'ai fait une gaffe ? - s'étonna Cid en fixant Dalanda de manière interrogatrice. 

- Euh, comment dire... Le tact et toi, vous êtes deux notions diamétralement opposées - répondit Dalanda Eiling - tu viens ? Tu me dois une salade - dit-elle ensuite en s'éloignant à son tour. 

- Kruu rru rru, mouais - fit le géant en se grattant l'arrière du crâne. Il suivit alors sa protégée et la rattrapa en trois pas - quand est-ce que tu veux te mettre en route ? - demanda-t-il ensuite.

- Demain, probablement.

- Ok, ça me laisse le temps de faire quelques dernières inspections. 

- Moi aussi, j'aimerais essayer de joindre Ali et Alpha une dernière fois avant de prendre la route. Ce serait bien qu’on arrive à se coordonner avec le vaisseau pour l’exfiltration. Trois jours c'est ça ? 

- À en croire les plans oui. On devrait trouver l'ulwazi en trois jours max, mais tout dépend de la météo. 

- Ouais, c'est sûr. Je prendrais des vivres pour deux semaines en plus, ou il faudrait plus ? 


- Kruu rru rru, aucune idée. Prends autant qu'il en faut. C'est moi qui porterai de toute façon. 

- Il faut bien que tes gros bras servent à quelque chose - le nargua Eiling

- Kruu rru rru, pas faux. Et pour l'autre là on fait quoi ? Castilyone ? Je suis d'avis qu'on la laisse ici, elle ne ferait que gêner notre voyage. 

 - Je sais bien, mais je préfère l'avoir là où je peux la voir et pas dans mon dos. Si elle rejoint les autres...

- Kruu rru rru, tu te fais trop de souci pour rien. J'avoue qu'elle n'est pas démunie de talents, mais j'ai plus l'impression que c'est ton trauma qui parle.  

- Hmpf, peut-être. Mais je préfère la garder en vue, tu peux t'en charger ? 

- Tu veux que je la garde en laisse ? Kruu rru rru, mouais pourquoi pas. Ça ne devrait pas poser de problèmes, ce n'est qu'une humaine après tout. 

- C'est une remarque raciste ça - commenta Eiling. 

- KRUU RRU RRU ! Elle était bien bonne celle-là ! - ria le z'hum en tapotant légèrement le dos de son amie, ce qui la poussa en avant de quelques pas - Oups, désolé. 

- Mouais...


Le reste du chemin se passa dans le silence. Cid jetait des regards constants du coin de l’œil à Dalanda qui bougeait légèrement du dos pour faire passer la douleur. Dans la tête du z'hum il y avait tout un discours d'explication et d'excuses, mais le problème venait du fait que le signal entre son esprit et sa bouche était rompu. Non seulement les excuses ne sortaient pas, mais en plus il trouvait les ondulations de son amie assez drôles jusqu'à ce que l'un des copropriétaires de son esprit ne se manifeste. 

- "Hihihi, on dirait un ver de terre..."

- "Ta gueule !" - rugis intérieurement Cid en essayant de pousser, mentalement, cette voix dans les méandres de sa psyché. Elle avait suffisamment eu de temps libre comme ça, comme en témoignait le massacre récent. 


- Merci de nous avoir attendus - dis Dalanda en montant dans l’ascenseur où Bender et Jess les attendaient. 

- Ouais, même si l'inverser aurait été stupide - commenta Cid en montant à son tour et la machine protesta temporairement contre ses 300 kilos de masse musculaire. Ensuite les calibrateurs prirent le relais pour rapidement s'ajuster au nouveau poids - pendant que tu te charges de la communication, je vais aller "discuter" avec la dame. Histoire de mettre les choses au clair - dis Cid en appuyant sur le bouton du -5 et les portes se refermèrent dans la seconde. 

- Ah ? J’aimerais venir aussi - demanda Jess. 

- Quoi ? Pourquoi ? - demanda Cid 

- Eh bien, si vous comptez "discuter" - répondit Jess en appuyant sur le mot - je pense que quelqu'un avec des connaissances médicales ne serait pas de trop 

- Quoi ? Tu me prends pour qui ? Une brute ? - demanda Cid outré

- Euh, c'est une question piège ? - demanda Jess outré. 


- KRUU RRU RRU ! Je t'aime bien petit - ria Cid en sortant de l'ascenseur qui venait d'arriver à son étage. 

- Euh ookkk ! - réagit Jess confus - Serg, madame - voulu-t-il dire ensuite en faisant une petite révérence, mais les seules choses qui sortirent de sa bouche furent un - humf ! - de douleur et de surprise ainsi que de la salive  

- Allez amène toi ! - dit Cid en tirant O'Ryan de sa queue -, mais tu risques de t'ennuyer - dit-il ensuite comme si de rien était. 

- Je préfère juger par moi-même - répondit le jeune chirurgien en se tenant le côté droit qui tirait de douleur, mais en suivant quand même le géant. 

- Je pense qu'ils vont bien s'entendre - commenta Eiling avec un sourire nerveux, tout en appuyant sur le bouton de son étage. 

- ... 


Bender s'adossa dans l'angle de l'ascenseur et croisa les bras en attendant d'être au bon étage.

- Où est-ce qu'on va ? - demanda-t-il ensuite

- Ah ? Je ne savais pas qu'on allait au même endroit - répondit Dalanda surprise.

- Je ne peux pas me permettre de vous laisser vous promener toute seule sans protection - répondit Bender.

- Eh bien, c'est très chevaleresque de votre part. Mais ?

- ... Mais, j'aimerais discuter de notre future expédition - avoua Bender.

- Je comptais tenir une petite réunion tout à l'heure, mais pourquoi pas. Venez - répondit Dalanda alors que les portes de l'ascenseur s'écartèrent avec un petit dzing.


- Vous vous êtes décidée pour une date ? - demanda le sergent.

- Décidée ? Je pensais qu'on s'était tous mis d'accord pour enterrer les morts et nous préparer. Pourquoi est-ce que vous faites paraître que la décision a été complètement unilatérale de ma part ? - demanda la jeune femme en s'arrêtant nette.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire - répondit Bender, tendu

- Et qu'est-ce que vous vouliez dire exactement ??

- Maintenant qu'on a enterré tout le monde, est-ce que vous vous avez décidé d'une date ? Quand est-ce qu'on part ? – demanda Bender impatient.

- Demain

- Demain ?

- Oui demain. Ça vous pose un problème ? – répondit Eiling avec une pointe d’inquiétude. Elle commençait à prêter attention aux expressions du sergent et elle y vit des traces d’irritabilité.

- Non, demain ça me convient. Et vous comptiez nous mettre au courant quand ?

- Tout à l'heure... Qu'est-ce que vous avez ? – demanda Dalanda en posant les mains sur les hanches.


- ... Je suis désolé. C'est juste que je me sens un peu fébrile et j'ai l'impression de perdre un temps précieux si je ne fais rien.

- Par rapport à votre fille, j’imagine ? – demanda la jeune femme sur un ton compatissant.

- Oui. Ça me bouffe... j'essaye de me raisonner, mais je n'y arrive pas.

- Croyez-moi, je sais exactement ce que vous traversez c'est pourquoi je ne prévois pas de perdre plus de temps que nécessaire. Vous venez ? J'ai un coup de fil à passer - dit-elle en pensant tout bas - "en espérant qu'il passe". 


Plus bas, Cid ouvrit la porte de la chambre 363 et de tout de suite après, leva le bras pour bloquer un coup de chaise. Il changea ensuite de position avec une agilité incroyable et poussa la chaise et sa propriétaire de l’épaule ; ces derniers furent projetés contre le mur avant de tomber au sol. 

- Euh, c'était quoi ça ? - demanda Jess surpris. Le dos de Cid lui avait tout masqué, mais il put quand même entendre les bruits de la courte lutte.

- Kruu rru rru, un bonjour bien énergique - répondit Cid en commençant à s'étirer les épaules - quelques fois comme ça, elle arrive à se détacher et décide que c'est une bonne idée de nous saluer à coups de chose. 

- Pfuu - cracha Castillyone du sang au sol. Le choc contre le mur avait provoqué une légère hémorragie - je déteste être attachée - dit-elle ensuite en se relevant.


- Kruu rru rru, pourtant personne n'a jamais eu à se plaindre de ma technique. 

- Il y a toujours une première fois à tout "boule de poil". Qu'est-ce que tu veux ? 

- On ne va pas tarder à se mettre en route et ma boss veut que tu viennes. 

- Quoi ? Mais c'est complètement stupide comme décision. Je vais me prendre un malin plaisir à vous faire chier durant tout le chemin. 

- Complètement stupide, je suis d'accord. Maintenant, c'est mon job de faire en sorte que tu restes tranquille - dit Cid en s'approchant de la spécialiste. 

- Et comment comptes-tu faire ? Hein ? Dis-moi - répondit cette dernière de manière défiante - fait voir ce que tu as de pire ! - demanda Castillyone avec un sourire moqueur en se collant presque au z'hum. 

- Kruu rru rru, je ne pense pas que tu vas apprécier cette expérience, "chair fraîche" - répondit Cid et ses yeux brillèrent d'une lueur inquiétante.

- J'...

- Euh, il se passe quoi là au juste ? Parce que je commence à avoir l'impression que je dérange un truc bizarre - commenta Jess inaperçu jusque-là. 


- C'est qui ce nabot ? - demanda la mercenaire après s'être penchée sur le côté pour voir qui était caché par l'armoire à glace qui se tenait devant elle. Et c'est particulièrement déçue qu'elle remarquât un petit homme roux à la corpulence carrée, d'une vingtaine d'années environ. 

- Ce nabot c'est...

- Jess O'Ryan, madame... - dis ce dernier en voulant continuer - Et je vous prie de garder vos commentaires sur ma taille pour vous. Elle satisfait bien des personnes - Il avait même prévu son expression satisfaite allant parfaitement avec son sous-entendu, mais il fut interrompu dans son élan par Cid et Castillyone simultanément. 

- Qui est ce que tu traites de madame ? - demanda la spécialiste

- Où est-ce que tu vois une dame là ? - s'étonna le z'hum. 

- Qu'est-ce que tu veux dire là ? Je n'ai pas l'air d'une dame peut-être ? - affirma la jeune femme en croisant les bras, défiante. 

- Kruu rru rru, ce qualificatif est le dernier qui me viendrait à l'esprit. 

- Ah ouais ? Vas-y, boule de poils. Dis-moi ce que tu penses en me voyant, je suis curieuse.


- Euh...

- Garce, connasse, folle furieuse, salope. Ce ne sont pas les gentillesses qui me manquent.

- Hmm, effectivement. Attention, tous ces compliments vont me faire rougir.

- Bon ça commence à être gênant.

- Kruu rru rru, si je voulais te faire rougir j’aurais simplement serré ton petit cou pour faire sauter ta tête comme un bouchon de champagne. 

- Mais c'est que t'es coquin aujourd'hui - dit Castillyone en passant du doigt sur le haut de la combinaison de Cid et ce dernier fit un pas en arrière surpris - quoi ? Le jeu ne t’amuse plus ? - le nargua la mercenaire de tout son être : ses yeux, son expression du visage, même sa gestuelle étaient moqueurs. 

- Je n’y crois pas, ils ne m’écoutent même pas en fait. 

- Je ne sais pas où t'as vu un jeu, les chairs fraîches ne m'intéressent pas - répondit Cid avec le regard brillant de colère. 

- Hahaha, mais c'est que t'es timide, ou coincé ? Ou les deux ? - se moqua la mercenaire. 


- Hey ! - cria Jess attirant l'attention des deux fortes personnalités. 

- Qu'est-ce que t'as à crier comme ça ?! - rugis Cid en retour, en tournant la tête si vite que Jess en eut un choc.

- Je veux juste vérifier l'état de santé de la... prisonnière et vous laisser discuter entre vous - expliqua le jeune chirurgien.

- Bah fait le, au lieu de crier comme un débile ! - réagit le z'hum

- Mais c'est qu'on ait grognon petit chaton - ricana Castillyone ce qui fit grincer Cid des crocs. 

- Kruu rru rru, tu peux brasser autant d'air que tu veux, ça ne changera rien à ta situation. 

- Oh que si, ça me permet de passer un super moment. Allez nabot, vient m'inspecter de plus près. J'ai un petit peu mal aux bras - dit-elle en montrant ses avant-bras lacérés par les cordes lors de ses efforts de libération. 


- Ok, asseyez-vous je vais voir ce que je peux faire - dit Jess en prenant un ton professionnel. 

La mercenaire ramassa la chaise au sol et s'assit en tendant un bras à Jess. Et en le touchant, le jeune chirurgien remarqua immédiatement la tonicité musculaire de la captive. Certes c'était une femme, et à l'apparence svelte et athlétique, mais ses muscles étaient aussi durs que du béton. Cette spécificité n'était pas due qu'au talent naturel, ou plutôt qu'à une bonne pioche génétique, mais à la combinaison de la chance sélective et à des efforts colossaux. 

Alors que le chirurgien était captivé par cette caractéristique physique, Castillyone, elle, lui attrapa le bras à son tour. 

- C'est sympa d'avoir accepté d'être mon otage - dit-elle avec un sourire vicieux. 

- Kruu rru rru, si t'arrives à le pendre comme otage en ma présence, je t'escorterai personnellement jusqu'à tes copains les piafs - répondit Cid en laissant ses bras tomber, ballants. Cet état de repos était trompeur, car ses muscles étaient d’ores et déjà sous tension, prêts à une action explosive. 

- Ah ouais ? Je suis curieuse de voir ça - répondit Castillyone en serrant plus fort le bras de Jess, et en rendant au colosse son regard défiant. 

- "Et merde !" - pensa O'Ryan en maudissant tout et tout le monde 

Toum ! toum toum ! Toum toum toum toum ! 


Lorsque Castillyone enveloppa le bras de Jess de ses doigts puissants, le rythme cardiaque du chirurgien fit un bond conséquent. Il essaya de se dégager de cette prise de fer, mais constata avec désespoir que ses forces ne suffisaient pas à un tel exploit. La mercenaire avait une puissance absurde qui ne faisait sens qu'avec des augmentations musculaires, cependant O’Ryan n'avait remarqué aucune trace d'opérations chirurgicales sur les bras de la jeune femme. 


L’instant suivant, Castillyone tira Jess vers lui si soudainement, que ce dernier eut l'impression que son bras allait être arraché, puis quelque chose se passa. Quelque chose qu’il n’eut pas le temps de voir ou même de comprendre. Il se retrouva simplement au sol saisi d'une intense migraine qui lui donnait l'impression que sa tête allait explosé, et luttant contre son envie de vomir. Sans parler des douleurs aux côtes et dans sa poitrine.

-         « Que diable… » - se murmura-t-il en essayant de se lever, mais son corps se refusait à un tel effort. Il leva la tête pour voir le z’hum faisant face au mur et la mercenaire n’était visible nulle part.


Dans cet instant qui échappa à sa perception, Cid avait projeté sa queue pour saisir O'Ryan à la taille et le tirer vers lui de la manière la plus délicate qu’il lui était possible. Le risque était de comprimer les organes internes ou, au pire, sectionner le chirurgien en deux en serrant trop fort. Ce dernier était un humain normal sans augmentations, prothèses ou évolution biologique.


L'estomac et les organes placés sous la ceinture abdominale furent comprimés si fort qu'il se sentit immédiatement très mal. Cependant Castillyone continua à tirer dans sa direction, ce qui poussa le z'hum à se ruer sur elle en un bond qui lui fit traverser la distance en un battement de cils, passant d'une position stationnaire à une vitesse époustouflante en une fraction de seconde.


Le z’hum saisit la mercenaire au torse, d'une main, comme une poupée. Et la plaqua contre le mur ou plutôt légèrement dans le mur, avant de placer le coude de son autre main sur sa gorge en pressant légèrement, mais suffisamment pour que la douleur puisse être sentie. Jess quant à lui fut libéré de la prise de Castillyone et tiré violemment en arrière avant d’être laissé tomber au sol sans égards.


Jess avait très mal supporté le choc d'une telle accélération, ainsi que le fait d’avoir été balloté dans tous les sens. Le corps humain standard n’était pas conçu pour être traité de la sorte, il ne pouvait encaisser autant de stress en un laps de temps si court. Les sensations qu’il ressentait étaient similaires à celles après un accident de voiture.


- On va commencer à mettre les choses au clair - dit Cid sur un ton glacial - je me fou de ce que ma patronne me demande, je fais mon job. Et là mon job c'est de m'assurer que tu ne seras pas un problème. Et pour ce faire, j'ai deux options : soit presser du coude un peu plus sur ta petite gorge et faire sauter ta tête du reste du corps, ou tu laisses tomber ton attitude et tu m'obéis au doigt et à l’œil. Quel est ton choix ? 

- Mgg mmgg - essaya de répondre la mercenaire, mais le coude sur la gorge limitait son élocution. Constatant ce fait, Cid libéra sa prise et Castillyone prit une grosse bouffée d'air et toussa du sang avant de répondre. 

- Le deuxième choix, est-ce que c'est une demande de mariage ?

- Kruu rru rru, même pas rêve - répondit sèchement le z'hum sans une trace de rire dans le son regard intense. 

- Dans ce cas, j’ai besoin d’y réfléchir.

- Tu as 10 secondes !

- Très bien, je choisis l’option 3 alors – répondit énergiquement Castillyone en préparant une frappe des deux poings sur le museau de Marshall.

- Hmpf – fit ce dernier en secouant la tête, mais sans lâcher la prisonnière – mauvais choix – dit-il ensuite en ouvrant grand la gueule pour prendre une bouchée.

- MGG MMMMMMMM !!! - fit Castillyone en se débattant et tapotant frénétiquement le bras du z'hum pour qu'il s'arrête. Et ce dernier ne stoppa ses crocs que lorsqu'ils perforèrent la peau de la mercenaire sur quelques millimètres, lui laissant des marques ensanglantées sur le haut du front, sur les oreilles et le menton. 


Cid libéra ensuite sa prisonnière qui tomba au sol à genoux en inspirant par grosse bouffée, les yeux grands ouverts fixant le sol. Elle venait de voir la mort lui foncer dessus, non, pire, elle venait de voir quelque chose dans la gueule du z'hum que son instinct jugeait encore plus terrifiant que la mort. Elle ne saurait dire quoi, elle ne saurait dire pourquoi, mais il y avait quelque chose là-dedans qui la fit hurler de panique en la terrorisant au plus haut point. 

- "Hihihi, on dirait qu'elle l'a vue, mon étoile noire !" - entendit Cid la voix dans sa tête, alors qu'il se penchait au-dessus de Castillyone, surpris de l’efficacité de son stratagème, mais sans le montrer. Il savait qu'elle allait avoir peur et voudrait reprendre le dialogue, mais là... Il avait l'impression d'être au-dessus d'un chaton apeuré, ce qui lui donna presque envie de demander ce qu'elle avait vu à l'intérieur de sa gueule qu'il n'avait pas vu lui-même devant. La fracture dans la personnalité était trop violente, de défiante à apeurée, cette transition n'était pas tout à fait normale. À moins que sa personnalité n'ait été un front depuis le début ? Un masque pour cacher la terreur résidant en permanence en elle ? 


- Il n'y aura pas de prochaine fois - dit Cid en faisant taire ses doutes et ses voix, tout en levant la tête de Castillyone pour croiser son regard, mais ce dernier était absent - "Tssk" - fit il en la jetant au sol avant de se lever pour sortir. Il n'y avait plus rien à tirer d'elle en ce moment - hey ! Tu peux regarder ce qu'elle a ? - demanda Cid à Jess qui se mit à peine debout. 

- Euh...une seconde, une seconde... - murmura péniblement O'Ryan courbé, les mains sur les genoux, essayant de retrouver ses esprits. 

- Allez, arrête de faire ta chochotte - grommela Cid en croisant les bras, poussant Jess en usant de son appendice caudal. Et avant que ce dernier puisse riposter, il se retrouva à nouveau devant la prisonnière en étant pris d'une soudaine angoisse que tout recommence.

- "Putain, ça m'apprendra à vouloir rendre service" - pensa O'Ryan en s'accroupissant devant sa patiente avec un soupir - je ne veux pas vous faire de mal ! Vous pouvez me regarder dans les yeux s'il vous plait ? - demanda-t-il ensuite en plaçant un pouce sur la paupière de Castillyone pour la lever. C'est à ce moment que la jeune femme revint à elle, peut-être à cause du contact de la peau froide, faisant sursauter Jess - "Oh ! merde !" - pensa-t-il immédiatement en retirant sa main. 

- Qu'est-ce que tu es ? - demanda-t-elle ensuite à Marshall en ignorant la personne assise juste en face d'elle  

- Kruu rru rru - sourit Cid en sortant ses crocs - disons juste que je peux être ton pire cauchemar !


- Regardez-moi s'il vous plait - demanda Jess à sa patiente en recentrant légèrement sa tête. Cette dernière se laissa faire, mais la frustration se lisait partout sur son visage. Frustration accompagnée de colère ainsi que d'un profond dégoût que le jeune chirurgien essaya d'ignorer pour faire correctement son travail. Mais à l'intérieur de sa poitrine, son rythme cardiaque ressemblait à un solo de guitare. 


Castillyone détestait être contrainte de faire quoi que ce soit, depuis petite déjà elle était indépendante dans sa manière d'agir et de penser. Un électron libre qui n'avait absolument aucune attache, une amoureuse transie de la liberté, quelle qu'elle soit. Du moins, c'était ce qu'elle pensait. Cependant, à mesure que les années passaient, et que sa vie prenait de la richesse, du vécu, des expériences, elle se surprenait à s'y attacher. Mourir sans raison valide n'était plus aussi simple que de jeter une pièce en l'air. 


Jess procéda à l'inspection des yeux, vérifia le pouls à l'ancienne en plaçant son majeur et son index sur le poignet de sa patiente. Puis, après s'être excusé, plaça sa main sur la poitrine de Castillyone et demanda 

- Respirez s'il vous plait. 

- Vous savez parler aux femmes vous - répondit Castillyone 

- Hmpf, les nabots n'ont pas d'autres choix que de développer leur charme pas vrai ? - répondit Jess en souriant et Castillyone ria en retour - "Héhé" - ria intérieurement O'Ryan, ravi de son petit effet.

- Bon, t'as fini ? - demanda Cid 

- Non pas encore - répondit Jess en plongeant sa main dans la poche 

- Quoi, tu es jaloux ? - demanda Castillyone en gardant son ton joueur, mais son regard lui était agressif et promettait vengeance. 


- Arrête un peu de bouger des lèvres tu veux ? Ça me donne envie de te les coudre. 

- Eh bien, j'ignorai que tu étais couturière. Tu portes des jupettes aussi ? 

- "Hihihi, couturière !"

- Kruu rru rru, ferme là - ordonna calmement Cid au moment où Jess sortit un petit appareil de sa poche qui tenait dans la paume de sa main : un calibromètre (appareil de diagnostic médical extrêmement sensible et précis).

- Sérieux, si t'avais ce truc dans la poche à quoi a rimé ton cinéma ? - demanda le z'hum.

- En général je n'en ai pas besoin, mais là j'aimerais vérifier quelque chose - dit O'Ryan en allumant l'appareil, tout en l’orientant en direction de Castillyone. Le jeune homme aperçut de légères fissures issues de l’échange violent précédent, mais il fut soulagé de constater que le calibromètre fonctionnait encore. L’appareil projeta une faible lumière tout en affichant un petit écran holographique en son centre - hmm, c'est bien ce que je pensais - murmura-t-il ensuite avec une pointe d'inquiétude. 


- Pourquoi tu fais cette tête ? - demanda Castillyone, sérieuse - ah, laisse-moi deviner. J'ai plusieurs liaisons internes dans les reins et le bassin, un traumatisme bénin du thorax, et deux, non, trois côtes fracturées - dit-elle ensuite en bougeant le torse sur le côté tout en serrant les dents de douleurs. 

- Euh, oui - répondit Jess impressionné - comment...

- Rien d'extraordinaire là-dedans - le coupa Cid - si tu ne connais pas ton propre corps tu n'es bon qu'à être un troufion qui court avec un fusil à la main et éponger les tirs. Pour être reconnu comme spécialiste et faire partie du sommet de la pyramide, ce genre de connaissance est la base - expliqua brièvement Cid. En réalité, un spécialiste était, presque, une forme de vie alien par comparaison à un humain normal. Tous possédaient des caractéristiques physiques défiant l'imagination depuis la naissance, des particularités génétiques classifiées G.?.D : gênes Dioscures (en hommage aux enfants des Zeus). Et cette nomenclature pouvait aller de 0 à 9. Cid avait été reconnu par le gouvernement de Koléa comme G.3.D et de toute l'histoire de l'exploration spatiale la seule autre personne ayant ce qualificatif était Ivan Dragnoff : krasnei smerch (la tornade rouge). Le premier spéticus et le premier spécialiste reconnu. 


Les humains ne pouvaient ouvrir la porte de ce monde que par des efforts complètement insensés, et encore, rien n’obligeait cette dernière à s'ouvrir pour les laisser entrer. Après tout, le nombre de cadavres pourrissant sur son pas, désespérés de leur vivant de dépasser les limites de leur être, n’avait d’égal que le nombre d’étoiles visibles sur la voute céleste. Et forcer l’entrée de cette "évolution" ou "ascension" était un exploit dont le nombre de réalisations pouvait être compté sur les doigts d’une main depuis que l’humanité existe. Les élites étaient ce que les humains avaient à offrir de mieux, mais les spécialistes... Les spécialistes, eux, étaient un mystère, un cadeau, une malédiction... ils étaient un bond évolutif, mais un bond vers où ? Personne ne pouvait répondre à cette question, aucun humain du moins. Et cet avantage n'était qu'un prérequis, un terrain sur lequel bâtir.


- C'est exact - répondit Castillyone en se penchant en avant, les coudes sur ses cuisses - dans quelques jours j'irai très bien - dit-elle ensuite en caressant la joue de Jess qui se surprit à tressaillir un tout petit peu. Même si la paume de sa main était proportionnellement dure au reste du corps, elle avait quand même une douceur féminine. Un contraste dont il ne savait pas trop quoi penser. 

- Kruu rru rru, tu rêves. On est de sortie demain matin, et t'as intérêt à ne pas traîner dans mes pattes ou tu risques de finir en hachis pour gros insecte. C'est pourquoi tu vas venir faire un tour dans une cuve.

- Drôle de demande de rencart - sourit Castillyone - mais j'en ai eu des pires - dit-elle en se levant puis en étirant ses membres vérifiant sa réponse neuromusculaire. 

- Qu'est-ce que vous faites !! - hurla Jess outré par un tel comportement de sa patiente. Elle risquait d'aggraver ses blessures internes, ce qui pouvait être mortel.

- T'es mignon toi. Bien, on y va ? - dit-elle en se dirigeant vers la porte sans une ombre d'hésitation. 

- "Kruu rru rru, dommage qu'elle soit humaine celle-là" - sourit Marshall en la suivant, deux pas derrière. 


Jess suivit le mouvement et fut le dernier à sortir de la chambre, encore chancelant et mal en point. Il utilisa le calibromètre sur lui et la machine ne trouva que de légers traumatismes qui pouvaient expliquer pourquoi il avait l’impression d’avoir percuté un mur de plein fouet. Heureusement, il n’y avait rien de grave, rien que le temps ne pouvait guérir, contrairement à Castillyone. Qu’elle puisse encore marcher après avoir été encastrée dans un mur relevait du miracle médical. Il essaya ensuite de se rappeler ses cours, mais il n’y avait aucune information concernant des spécificités biologiques particulières. Même durant sa carrière, certes très courte, il n’avait rien rencontré de tel. La première personne qu’il avait rencontrée défiant son ordre établi était Cid. Rencontre qui s’était d’ailleurs plutôt mal passée.


En suivant le dos massif du z’hum, le jeune homme ne put s'empêcher d'éprouver une pointe de jalousie à son encontre. Cette confiance qui suintait de tous les pores de son être, débordant en arrogance énervante. Cette force complètement insensée, complètement au-delà de ce qui était imaginable même pour un z'hum... 

- "Avec une telle force, je ne me serais pas fait bousculer comme une poupée de chiffon" - pensa O'ryan frustré, déçu, apeuré par sa propre faiblesse. Le fait de ne pouvoir rien faire pour sauver sa propre vie était un évènement particulièrement traumatique même pour le plus aguerri des hommes - "j'aurai pu sauver Sean, Maki, Raby et même Dyne aussi" - pensa tristement le jeune homme à ses amis, victimes d’un destin bien tragique : utilisés, transformés en créatures démunies de tout libre arbitre et finalement tuées, ou plutôt, comme il préférait penser, libérées de leurs souffrances. Et la personne responsable de leur libération n'était nulle autre que Cid. 


Ce fait rendait les émotions de Jess à son égard pour le moins chaotique. Il oscillait entre reconnaissance, colère, envie, répulsion, compréhension et bien d'autres complications émotionnelles. Mais la pensée qui se vrillait progressivement un chemin dans son esprit était :

- "Si seulement je pouvais être aussi fort, je pourrais … " - des si et des peut-être perdus dans des situations elles-mêmes hypothétiques – « J’aurai pu aider tout le monde, j’aurai pu sauver tout le monde, je pourrai protéger tout le monde » - des idées jetées à la va-vite dans un effort d’auto justification crée pour se convaincre de la nécessité d'une telle chose. Mais comment ne pas envier ? Comment ne pas répondre à cet instinct humain ? Même en connaissant une partie du chemin tortueux imposé à Cid pour développer ce potentiel, O'Ryan ne pouvait s'empêcher de convoiter cette force qui n'était pas la sienne. Et, comme sentant cette pensée, ce désir, le z'hum tourna la tête brièvement pour regarder le jeune homme, avant de ralentir le pas pour marcher à ses côtés. 


Le cœur de Jess recommença à battre à vive allure. Il était impossible de prévoir le comportement du z'hum, ou du moins, il était impossible de prévoir ce qui pouvait l'énerver. La seule constante dans ce comportement étant la violence, c'est pourquoi Jess ne pouvait s'empêcher de penser que quelque chose de douloureux allait lui arriver incessamment sous peu. 

- Beau boulot au fait - dit Cid en posant la main sur l'épaule du jeune homme, et en la tapotant de manière approbatrice.

- " Hein ?" - pensa-t-il ensuite, en même temps qu'il exprima cet étonnement - hein ? - il ne voyait absolument pas en quoi il avait fait du bon boulot. 

- Kruu rru rru - se moqua Marshall avant d'accélérer le pas

- "Hein ??" - se demanda encore Jess plus troublé que jamais.
Ce qu’O’Ryan ignorait était le fait que sa présence avait un but, elle était la preuve d’une erreur de jugement que Cid n’allait jamais admettre.


Au cours de ses années d’expertise, son caractère et son comportement se sont cristallisés, son approche face à un problème ou un individu s’est également uniformisée. Sa zone de confort était dans une situation conflictuelle, face à des personnes qui pouvaient être effrayées ou irritées. Ça, il savait le faire, et il avait les arguments physiques de sa politique.

Cependant, il avait un problème lorsqu’il perdait le rythme qu’il imposait. Face à certains types de caractères, très rare, il pouvait perdre la main. Pour être plus précis, ce rythme pouvait lui être volé, le mettant dans une situation où il perdait en crédibilité. Normalement, il rectifiait le tir en rétablissant, redémarrant, la relation par la douleur. C’est ce qu’on lui avait appris, et la pratique, durant sa carrière dans les forces spéciales, a validé cette interaction.


Mais, là encore, il lui arrivait de tomber sur des individus qui avaient une excellente fortitude mentale et une gestion de la douleur exceptionnelle. Et, un choix devait donc être fait sur la relation à établir : briser la personne en prenant le risque de la détruire. Ou, trouver un moyen pour la faire coopérer, un moyen autre que la douleur. Et le problème de Cid, était que ses actions précipitées, habituelles, avaient fermé Castillyone comme une huitre. Elle n’allait rien écouter, et allait continuer à être provocatrice, tout en cherchant tout moyen possible pour leur nuire.


La détruire semblait être la solution la plus simpliste, et l’environnement s’y prêtait convenablement. Après tout, faire disparaitre la jeune femme ici, n’allait poser absolument aucun problème. Mais, cette destruction ne servait aucune cause non plus : elle serait complètement gratuite. Cid n’était pas un saint, mais son métier actuel ainsi que le respect pour sa patronne, l’obligeait à envisager une autre voie.


La laisser là en attendant que ses camarades ne la sauvent était l’autre idée qui, malheureusement, elle ne convenait pas à Dalanda. Elle devait sans doute craindre que dans ce cas, Castillyone revienne à ses trousses avec une nouvelle équipe plus organisée. Une crainte qui avait probablement grossi dans son esprit au-delà de tout raisonnement logique. Tout le problème d’un traumatisme est là, dans l’absence d’un raisonnement logique, ou plutôt non biaisé par la peur qui aveuglait face à la réalité.


Prendre Castillyone pour l’expédition alors qu’elle était dans un état d’esprit antagoniste serait comme se tirer une balle dans le pied. Ce serait une source de stress supplémentaire, inutile. Le voyage en lui-même était riche d’inconnues, plein de facteurs imprévisibles pour lesquels il fallait se préparer mentalement et physiquement, alors en rajouter en plus était stupide.

Cid devait donc repenser la relation. Il ne pouvait pas la rebooter en un claquement de doigts, mais il pouvait la diluer en introduisant un élément extérieur. Un peu comme de l’eau sur de l’argile, il pouvait, grâce à ce nouveau facteur, remanier la relation. Et le seul élément qu’il avait en sa disposition pouvant convenir était Jess O’Ryan. C’était l’unique raison pour laquelle Marshall avait accepté d’être accompagné par le chirurgien et c’était l’unique chance de Castillyone de sortir entière de la chambre, et il avait tenu ce rôle plutôt correctement. Même si, au final, il n’avait pas eu le temps de jouer convenablement son rôle.


La relation établie a été celle de la peur suite à une malencontreuse perte de calme qui aurait pu tout gâcher. Quelque chose avait effrayé Castillyone, sans doute la même chose que Cid sentait tapie au plus profond de lui, cette chose qu’il ne souhaitait libérer pour rien au monde. Et là, par réflexe, ou par confort, le z’hum revint sur une dynamique comportementale qu’il connaissait bien. La mercenaire avait montré une brèche qu’il n’hésita pas à utiliser pour établir les bases de leurs futurs échanges.  


Néanmoins, au su de la particularité de cet évènement qui était similaire à du bricolage psychologique. Cid n’était pas certain de la durabilité de son contrôle sur Castillyone, c’est pourquoi il devait continuellement s’assurer qu’elle ne présenterait aucun danger ni physiquement ni mentalement. Et il partait du principe qu’elle savait également ce qu’il voulait tenter.

-      - "Kruu rru rru, ce truc va devenir un sérieux casse-tête, je le sens" - pensa le z’hum sans quitter Castillyone du regard.

Plus haut, Dalanda se trouvait dans la salle de contrôle en compagnie de Jonathan. Le sergent était encore hanté par ses pensées noires qu'il hésitait à chasser, car mine de rien elle lui occupait l'esprit et l'empêchait de compter les secondes le séparant du départ de leur expédition. 


Eiling quant à elle essayait de contacter le reste de son équipe stationnée quelque part en orbite. Du moins, elle espérait qu'elle soit encore en orbite. La présence de plusieurs vaisseaux appartenant à l'organisation paramilitaire : white owls, en orbite Meliacorienne obligeait Ali, le pilote, à redoubler de prudence. C’était beaucoup de stress pour lui qui avait une expérience purement dans le civil.


Dalanda s'en voulait vraiment de leur faire subir ça, à lui et à Alpha. Mais elle n'était pas prête à rebrousser chemin maintenant, alors qu'ils avaient une piste sérieuse sur l'emplacement de l'Ulwazi. C'était égoïste de sa part, elle en avait conscience, mais elle s'était bien trop impliquée pour s'arrêter. Après avoir frôlé la mort à plusieurs reprises, il fallait qu'elle trouve l’artefact pour qu'il y ait un quelconque sens, une quelconque forme de justice ou d'ordre cosmique. Et puis, il y avait aussi le cas de la fille de Bender : Dalanda lui avait promis son aide. Et puis il y avait l'hydre, de toute façon il était impossible de partir maintenant. 


Les excuses affluaient de toute part comme des abeilles défendant leur ruche, comblant les brèches dans sa motivation. Mais avant qu'elle ne bascule, avant que cette explosion de pensée ne commence à tout justifier : sensé comme insensé pour le seul but d'avoir raison, ou plutôt de ne pas être en tort. Eiling se massa le front des deux mains en essayant de faire taire le bourdonnement dans son esprit. 

- "Est-ce que ça va ?" - voulu demander Bender, mais se saisit sur la pensée que sa question était stupide. Il était évident qu'elle n'allait pas bien, personne n'allait bien d'ailleurs. Entre le stress, la fatigue, le manque de sommeil dû aux cauchemars... Qui pouvait bien aller ? Ils pouvaient faire semblant, mais intérieurement c'était un désastre - ils sont peut-être hors de portée - dit-il.

- Possible - répondit Dalanda en reprenant la manœuvre - ils finiront bien par... 


- Bzstt bzzz, Dal...da ? - entendirent ils et Eiling se leva d'un bond.

- Ali ? C'est toi ? Tout se passe bien ? - demanda la jeune femme. 

- Bzz ...ais. On es..ye de ne .as se f..re repérer - répondit le pilote. 

- Je n'ai pas compris, je vous entends très mal. Une seconde !

- Dal..nda, les scan..rs montre.. une act...

- Allo ! Allo ! - cria EIling en ajustant la fréquence même si elle savait que cela n'allait pas changer grand-chose. L'hydre devait encore faire rage à la surface.

- Oui ! tu m'ent...s ? Qu'es. ce que tu f...


- Merde !

- Allo ?! – entendit-elle à nouveau la voix surprise d’Ali.

- Oui, je vous entends ! – s’exclama Dalanda soulagée de bien entendre.

- Ah bah ça marche dit donc, bravo le doc ! – commenta le pilote

- Quoi ? - s'étonna Dalanda

- Alpha a fait un tru...  

- Dalanda, c'est Alpha – prit la main le docteur Alpha - je présume que tu as quelque chose d'important à nous dire alors laisse tomber les civilités. Le signal peut disparaître d'un instant à l'autre.  

- Euh oui ! Selon nos prévisions finales, on devrait avoir fini l'opération dans deux semaines au grand maximum. 

- Deux semaines ?? - s'exclama Ali sur un ton plaintif

- Je comprends. Qu'est ce qu'on fait alors ? - demanda Alpha.

- Continuez ce que vous faites, et puis une fois qu'on aura fini et qu'il y aura une éclaircie je vous appellerai pour venir nous récupérer. 

- Très bien, il n'y a pas de coordonnées ap...

- Allo ? Allo ? 

- ...


- Hmm, au moins ils sont vivants - dis Bender avec une pointe de soulagement. Sans le Galileon il n'avait aucune idée de comment échapper à cette maudite planète. 

- Ouais, au moins ils sont en vie - répondit Eiling avant de serrer ses petits poings - Bien, on se tient notre réunion ? – dit elle sur un ton décidé  

- Allez, c'est parti - répondit Jonathan avec une pointe de soulagement. Bientôt, dans quelques heures, ils allaient pouvoir, enfin, se mettre en route. 
Plus haut encore, sur l'orbite de Meliacor, à l'intérieur du Galileon : l'Essencia, Ali lança un regard confus à son colocataire

- Pourquoi ne leur as-tu pas dit pour les vaisseaux ? - dis le pilote en pointant sur l'un des écrans montrant un déploiement de plusieurs vaisseaux spatiaux. Il ignorait ce que cela pouvait impliquer, mais il comprenait aussi qu’il n'y voyait rien de bon à de tels mouvements de troupes. 

- Comment ça pourquoi ? - s'étonna le doc - la communication pouvait couper d'une minute à l'autre, alors j'ai préféré avoir une information concrète dont on a besoin, plutôt que de partager une information dont on ne sait que faire. Les vaisseaux peuvent être de sortie pour une simple manœuvre d'entraînement.

- ... 

- Ne t'en fais pas. Cid va se charger de sa protection – dis Alpha en prenant un ton rassurant, puis en posant la main sur l’épaule du pilote.

- J'espère. Je sais qu'il en est capable, mais je ne sais pas. J'ai comme un mauvais pressentiment.

- Eh bien tu n'es pas le seul à l'avoir – avoua le doc - on ne peut qu'espérer qu'il s'avère faux – dit il en prenant place sur le siège du copilote.

- Ouais, c'est vrai. Quelle galère quand même. 

- Tu trouves ? Personnellement je n'ai pas vécu quelque chose d'aussi existant depuis très longtemps. 

- Sans blague ?! – râla Ali tout en pensant - " Achète-toi une vie mec..."

- Hahaha, tu trouves que ça fait nolife ce que je viens de dire ?

- Euh… Je me demande quand même qu'est-ce qui se passe là-bas - se demanda Ali en regardant à nouveau l'image fournie par les caméras très longue distance de la frégate - et pourquoi ce croiseur n'est pas avec les autres ? Tu peux m'expliquer ça ? Je n’y comprends rien du tout.


- Tu n'as pas besoin de comprendre, tu as juste besoin de piloter. Alors en attendant prend une bière et profite de la vue, quelque chose me dit qu'elle ne va pas durer très longtemps - dit le doc en regardant l'hydre par l'un des hublots du cockpit, sourire en coin et une bière à la main. 


Il était amusant de voir comment les rouages du destin se mettaient en place dans cette comédie cosmique. Très lentement, mais de manière inévitable, en dépit de tout le sang versé, jour après jour, année après année, siècle après siècle, rouage après rouage, la pièce était jouée. Et là encore, de nouveaux acteurs allaient entrer sur la piste, pleins de talents et de conviction. Et même si la pièce était écrite d’avance, cette fois les acteurs étaient bien particuliers. Une femme aux origines miraculeuses, un homme dont le rêve a dévié le cours de son histoire, un autre qui a hérité d’une existence qui n’était pas la sienne, un clown déraisonnable préparant un tour historique…  


Comment est-ce que celui qui se faisait appeler le doc pouvait ne pas sourire face à ce déroulement. Il était là où il voulait être, aux premières loges avec une bière pas trop dégueulasse à la main. Il ne restait plus qu’à profiter de ce deuxième acte.

-         « Ça va bientôt commencer » - pensa Alpha en s’asseyant plus confortablement dans le siège du copilote, posant le bas de la bouteille humide sur le creux entre sa poitrine et son ventre, sirotant le contenu de manière paresseuse.

-         Tu sais que de te voir décontracté comme ça m’énerve. Comment tu fais ?  – demanda Ali en voyant son ami.

-         Ça ne sert à rien de stresser pour ce qui est en dehors de notre contrôle.

-         Tssk, allez passe-moi une bière – demanda le pilote en se demandant comment il allait vivre avec ce stress pendant deux semaines – tu veux que je te dise ? Mon salaire a intérêt à doubler, non, tripler après ça.

-         Amen à ça – dit Alpha en tendant la bouteille pour un toast puis pensa – « oups, je ne devrais peut-être pas dire ce genre de chose. Inutile de me faire voir maintenant ».






Blabla de l’auteur

Hello à vous chers lecteurs ! Je vous souhaite un super week end !
Texte time !

Si vous avez des questions, des suggestions, etc… N’hésitez pas à laisser un commentaire ou à m’écrire ici : unepageparjour@hotmail.com

Merci de me lire ! Vous êtes formidables !! Tchuss et à demain !!! Portez-vous bien !!!!






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