MELIACOR : STARGORAD
Meliacor était une de ces planètes
géantes qui émerveillaient par ses dimensions. Certes elle n'était pas la plus
grande de tout l'univers connu, ni même du système Cygnus, mais elle était
l'une des plus impressionnantes à regarder depuis son orbite.
Les mains posées contre le hublot
de la baie d'observation du vaisseau de guerre des hiboux, Alésha se laissait
envoûtée par le spectacle de l'hydre clairement visible malgré la distance,
malgré les milliers de kilomètres qui les séparaient de la troposphère où
l'anomalie climatique faisait rage. Elle pouvait voir les nuages avaler la
moitié de la planète comme un parasite cosmique affamé. Elle pouvait voir les
cyclones clairement dessinés dans les cumulo-nimbus, massifs, innombrables,
déchirer et tordre l'atmosphère, projetant des quantités phénoménales de glace
et de neige dans les couches supérieures de la mésosphère. Et il y avait
également l'orage électrique se baladant parmi les nuages comme un être vivant,
comme une créature vivante, effrayante...
Alésha avait du mal à imaginer
qu'une telle chose soit possible, et surtout à quoi cela devait bien ressembler
depuis le sol...
- Vous regardez encore l'hydre ? -
entendit la jeune femme dans son dos. Elle se retourna pour voir le préférum du
vaisseau : Cornelis Van Alphen. Un homme dans la quarantaine habillé d'un
képi-veste-pantalon-bottes aux couleurs noires et argentées des black owls, sec
comme un bout de bois, mais qui malgré sa complexion physique à réussi à se
hisser à cette position d'autorité par ses capacités intellectuelles.
Cornelis s'avança jusqu'à la baie
en enlevant son képi qu'il plaça sous son aisselle gauche et croisa les bras
derrière son dos, observant à son tour la manifestation météorologique.
- Je peux comprendre votre
incrédulité vous savez - dit-il sans quitter l'hydre du regard - rien que
d'imaginer l'énergie nécessaire pour maintenir une telle chose me donne le
tournis. Et je tressaille à l'idée d'imaginer une telle possibilité entre les
mains des hommes. Ce serait formidable n'est-ce pas ? - demanda Van Alphen en
se tournant vers la jeune femme avec un sourire qui n'attendait que la
confirmation de ses dires comme réponse.
- Je ne partage pas votre optimisme
pour notre espèce - répondit Alésha écœurée par la perspective évoquée. La
militarisation du climat n'évoquait en elle que du stress à la perspective de
comment cette technologie allait être utilisée.
- Oh ? Vous avez un problème avec
le pouvoir, inspectrice ? - demanda Cornelis en lançant un regard interrogateur
à la jeune femme.
- Je n'ai rien contre le pouvoir,
mais je méfis de la personne qui le détient - répondit la jeune femme en
hochant des épaules, comme pour dire que c'était une simple réalité, simple et
évidente. Si évident qu'elle n’eût nul besoin de développer plus son
argumentaire. Le pouvoir corrompt absolument, c'était ce principe qui était à
l'origine même de l'existence des hiboux dorés qui servaient de police à
l'intérieur de l’organisation et répondait au CLGE (comité de liaison
gouvernement-entreprise). Un groupe qui s'occupait de gérer les différents
organismes policiers entre les entreprises d'une taille planétariale et la
CEDEP.
- Je comprends. J'étais comme
vous il y a une époque, apeuré du pouvoir, apeuré des humains et de leurs
tendances destructrices. Et puis j'ai découvert que tous ne sont pas semblables
au reflet de mon imagination. Certaines personnes savent comment gérer et
canaliser le pouvoir pour le plus grand bien de tous - répondit Cornelis en
posant sa main droite sur la vitre, comme pour saisir l'hydre de ses mains.
Le regard professionnel d'Alésha
remarqua quelque chose sous la manche de la veste du préférum. Un tatouage
complexe qu'elle ne put identifier dans les détails, mais elle put jurer qu'il
avait légèrement brillé d’une faible lueur bleutée. Et quelques instants plus
tard, Cornelis recula de quelques pas comme s'il venait d'être frappé dans le
ventre.
- Cela ne se peut... - murmura-t-il
en s'approchant de la vitre, se collant contre la paroi
- Est-ce que vous allez bien ? - demanda
Alésha, troublée par le comportement étatique de son hôte.
- Oui, oui, tout va pour le mieux -
répondit Cornelis en souriant à pleines dents - de grandes choses se préparent
mademoiselle hahaha - rigola-t-il en sortant de la baie d'observation à grands
pas.
- Qu'est-ce que... - pensa
l'inspectrice ne sachant pas comment décoder ce qu’elle venait de voir.
Cela faisait plusieurs mois
maintenant qu'Alésha essayait de percer le masque de Cornelis, de voir la
personne qui était derrière. Mais ce dernier, similaire à son père, était une
tortue doublée d'un renard. Il avait une carapace qui cachait ses véritables
émotions et le talent d'un excellent acteur. Son visage, ses yeux, tout chez
lui était expressif, mais racontait une fausse histoire : du théâtre. Et là
c'était son premier faux pas. Cependant il fut si soudant et étrange que
l’enquêtrice ne savait que penser, comment traiter cette information, que
décoder, sur quoi focaliser son attention ? L'élément qui lui venait à
l'esprit, étrangement, était ce tatouage complexe qui touchait presque la paume
du préférum. Elle ferma les yeux pour se rappeler un détail, une forme, une
image, un dessin qu'elle pouvait identifier...
- Tes données ne sont pas normales,
qu'est ce qui s'est passé ? - entendit-elle une voix monotone dans son oreille.
Elle était tellement focalisée sur le problème Van Alphen, qu'elle en sursauta
de surprise.
- Oh putain ! Mais ça ne va pas ?
T'as failli me donner une crise cardiaque - répondit Alésha en se tenant la
poitrine.
- Effectivement, ton rythme
cardiaque vient de faire un bond. Je suis désolé, j'étais simplement inquiet.
- Tssk ! Qu'est-ce que tu veux
Monroe ? - demanda la jeune femme.
- Papa veut nous voir - répondit
simplement son frère.
- Et...
- Non, il ne m'a rien dit -
répondit Monroe en répondant à l'avance à la question qu'il était certain
d’entendre : "Et tu sais pourquoi il veut nous voir ?". Elle était
d'une telle prédictibilité qu'il ne se fatigua pas à l'écouter entièrement, ce
n'était que du temps perdu. Néanmoins, dans une optique de conversation et
d'échange d'information, il se devait de faire un effort d'explication - il m'a
envoyé un message, j'imagine donc qu'il devait être occupé et que quelque chose
d'urgent s'est produit.
- Ok, j'arrive - répondit Alésha
sèchement avant de presser le pas. Sa frustration était issue du monitoring, un
débat qui ne pouvait que tourner en rond entre elle et son frère. Monroe était
quelqu'un de têtu avant de devenir un cyborg. Là c'était juste comme parler à
un mur sur certains sujets. Principalement ceux qui touchaient à sa vie privée.
À chaque fois qu'elle trouvait un moyen de désactiver la fonction
"doppel" de son implant, Monroe arrivait à trouver un moyen de la
réactiver. Et enlever l'implant était hors de question pour les besoins du
travail et plus spécifiquement de l'assurance liée au métier.
En marchant rapidement,
l’enquêtrice commença à penser à la coïncidence entre les deux événements : le
comportement étrange de Cornélis et la demande de réunion issue par son père.
Que diable avait pu se passer sur Meliacor, ou la situation n'était pas liée à
Meliacor, mais à quelque chose d'autre ?
- "Non, si papa a demandé à
nous voir de manière urgente c'est que c'est lié à notre affaire" - pensa
Alésha. Et cette affaire était liée à Philippe Morel - "Dois-je conclure
que quelque chose est arrivé à Morel ? Non, pas forcément. Je ne dois pas me
précipiter dans mes conclusions. À moins que ce soit mon optimisme qui
interfère avec mon raisonnement ?" - s'interrogea la jeune femme. Il
était clair pour elle que le scénario ou quelque chose était arrivé à Morel,
quelque chose de grave, serait le pire scénario. Perdre un témoin potentiel de
la qualité d’un préférum au su et au fait de pratiquement tout serait un
véritable coup dur pour l’enquête ainsi qu’une perte de temps colossale.
Le chemin jusqu'au point de
rendez-vous lui prit un quart d'heure. Le vaisseau, qui faisait également
office de centre de commandement, était de la taille d'une petite ville et pouvait
contenir près d'un demi-million de personnes : 465742 blacks owls étaient
actuellement déployés sur le Galaté (croiseur moyen).
Ce dernier, malgré ses dimensions
imposantes, était rempli de couloirs le serpentant de long en large et pouvant
laisser passer deux personnes en armure côtes à côtes, ce qui laissait un
espace suffisamment large pour trois personnes puissent se croiser en demandant
de se serrer un petit peu. Il n'y avait qu'autour de la zone de loisir que des
promenades spacieuses pouvaient être trouvées.
Le tout donnait une impression de
renfermé auquel tout le monde était obligé de s'habituer. Claustrophobique ou
non, tout le monde utilisait les vaisseaux pour voyager, surtout les
militaires. Ceux qui n'étaient pas capables de prendre sur eux étaient dégagés
à la sélection leur offrant des perspectives de carrière limitées. Alésha,
avait eu quelques amis durant ses formations qui ont échoué pour cette raison.
Talentueux, ingénieux, mais quelque chose dans leur tête les poussait à paniquer
une fois entre quatre murs.
- Ce n'est pas vraiment le manque
d'espace le problème - lui avait-on expliqué à l'époque - mais c'est en
imaginant une boite de conserve à la dérive dans une immensité infinie, et que
si quelque chose arrive, rien n'est en notre contrôle. Mourir dans l'espace,
loin de tout, ne jamais être retrouvé...
- Arrête de penser si loin. Il n'y
a plus de chances de se faire exploser en mille morceaux par une balle de mécha
qui traversa la coque - avait -elle répondu alors, et regretta aussitôt sa
décision en constatant que cette idée se frayait un chemin dans l'imaginaire de
son camarade - tu réfléchis beaucoup trop à des trucs inutiles. Il vaut mieux
s'entraîner, comme ça si quelque chose arrive t'es prêt à faire ton maximum. Et
si ton maximum ne suffit pas, eh bein, c'est le jeu pas vrai ?
Alésha n'était pas très douée pour
remonter le moral. Dans les jours suivants, son frère d'armes changea de corps
en optant pour la défense planétaire, voyageant uniquement pour les besoins d'une
affectation. C'était bien d'avoir trouvé une voie dans laquelle on était
certain de s’épanouir. Alésha, elle, n'avait suivi que les traces de son père.
Elle voulait être la meilleure parce que c'était comme ça, c'était ce qui était
attendu d'elle, et qu'il n'y avait pas à se poser de questions.
Sur le chemin, elle croisa des
black owls toujours pressés, toujours en exercice ou probablement en retard
quelque part. Mais là, elle constata qu'ils étaient plus pressés que
d'habitude. Ils ressemblaient à des chevaux dans un enclos sentant un orage
approcher, ou sur la ligne de départ d'une course.
- "Ou peut-être est-ce le
fruit de mon imagination ?" - pensa la jeune femme. Elle partait du
principe qu'on trouvait toujours ce qu'on cherchait même si la réalité observée
était fausse, on pouvait la confondre avec la vérité vraie. Parce qu'elle
savait que quelque chose ne tournait pas rond, il était possible qu'elle eût
projeté ses doutes et ses conclusions sur les autres alors qu'ils se
comportaient comme d'habitude.
Arrivée devant la porte du lieu de
rendez-vous, elle s'arrêta une seconde ou deux pour bien remettre son uniforme
aux rayures dorées sur l'épaule, puis entra dans la pièce. Son frère, un jeune
homme dans la trentaine, les sourcils touffus, les yeux d'un bleu profond, le
visage en diamant, le teint bronzé... Son jumeau qui a perdu son humanité suite
à une transplantation d'un rein artificiel. Une chance de 0.0001% de devenir un
cyborg pour une opération si légère et cet imbécile ne l'a pas ratée. Il était
doué pour tout, même pour le pire, tout comme sa sœur, et tout comme son père.
- Bien, je ne vais pas perdre de
temps, je vais aller à l'essentiel. Quelque chose est arrivé à Morel, et c'est
très grave - dis ce dernier dès que la porte se referma derrière Alésha.
Haysh Niko était un homme de taille
moyenne, d'une corpulence similaire à celle de Cornelis : sèche comme un bout
de bois, mais extrêmement athlétique. Même en travaillant pour les services
internes, l'homme âgé d'une cinquantaine d'années n’épargnait aucun effort pour
se maintenir en forme.
- "Le corps est le temple de
l'esprit. Si l'esprit est corrompu, peu importe la beauté du temple, il est
vide à l'intérieur. Si le temple est laissé à l'abandon, l'esprit s'en
retrouvera sali. Cette dualité est intrinsèque à la nature humaine" - est
son enseignement préféré qu'Alésha a dû entendre au moins un million de fois.
Cependant, malgré ses efforts quotidiens, elle n'avait pas l'impression que
quelque chose changeait dans sa tête. Ce qui poussa la jeune femme à
catégoriser cette information comme un enseignement inutile que les parents
s'amusent à donner.
- Quelque chose d'inquiétant est
arrivé sur Meliacor - continua Haysh alors que sa fille saisit l'unique chaise
de la chambre spartiate, accompagnant l'unique petit bureau. Et s'assit à côté
de son frère qui occupait l'étage inférieur du lit superposé.
- Concernant Morel ? - demanda
Alésha Niko
- Effectivement - confirma son père
sans s'étonner de l'hypothèse de sa fille. Après tout elle était sa fille -
J'ai été prévenu par un informateur que le doppel de Morel ne donnait plus
signe de vie, et ce n'est pas tout. Les doppel de 3500 autres personnes ont
disparu en l'espace de quelques heures.
- Mon Dieu ! - s'exclama Alésha les
yeux grands ouverts et le cœur serré - C'est lié à une catastrophe naturelle ?
- demanda-t-elle confuse. Elle ne voyait aucune autre explication à une telle
tragédie.
- Je ne pense pas - répondit Monroe
Niko sans un fragment d'émotion - ce n'est certes qu'une hypothèse, mais les
architectes ont dû faire les arrangements nécessaires pour palier à ce genre de
possibilités.
- Catastrophe naturelle ou pas,
vous perdez l'essentiel de vue - dis Haysh - Morel est notre témoin et notre
taupe dans l'organisation des black owls. Si quelque chose lui est arrivé,
l'enquête sur la disparition des chercheurs risque de tomber à l'eau. Nous
sommes là pour trouver la vérité et uniquement la vérité. Et je sais ce que tu
vas dire Alésha - coupa Haysh en levant la main, au moment où il remarqua que
sa fille voulait protester - Mais qu'est-ce que tu peux faire pour ces
personnes ? Notre mission c'est de trouver des informations pour que justice
soit faite. Si on ne le fait pas, qui ici le fera ?
- ...
- Une commission d'enquête et un
groupe de recherche et sauvetage vont certainement être montés dans les heures
qui suivent. Je vais nous avoir des places dans une des équipes d’inspection,
mais je voulais vous prévenir du danger du terrain. Vous avez tous un parcours
académique excellent, et je ne peux qu'en être que très fier. Mais là, ce sera
votre première opération sur le terrain et pas n'importe quel terrain. La
planète est hostile, les black owls risquent d'être hostiles si on fait la
moindre erreur, et même la vérité risque d'être hostile. Je suis désolé mes
enfants, mais...
- Les hiboux observent la vérité
dans la pire des obscurités - répondit Monroe - ne t'en fait pas papa, on va y
arriver - dit-il ensuite de sa voix monotone.
- Hmpf - fit haysh en se poussant
du mur en usant de son dos. N'ayant plus d'appui, il adopta sa posture
naturelle voûtée, et s'approcha de son fils avant de lui passer la main dans
les cheveux - tu manques cruellement de peur Monroe. Tu compenses par un pragmatisme
robotique, mais l'absence d'émotion biaise ta pensée. Apprends-les, apprend à
déchiffrer correctement les émotions humaines.
- Oui papa.
- Et toi Alesha - dit Haysh en se
retournant contre sa fille qui attendait nerveusement la leçon du jour - ton
cœur est au bon endroit contrairement à ton frère, mais il est bien trop
instable. La frustration et l'impatience sont tes pires ennemis, tu devras les
tenir en laisse sur le terrain.
- Je comprends - répondit-elle en
jouant des mâchoires pour combattre l'envie de protester cette accusation
contre sa personnalité.
- Tous les deux, vous auriez fait
le parfait être humain, mais hélas le fruit a été fendu en deux. On va devoir
faire avec... Ne mourrez pas avant moi, c'est un ordre - dit Haysh avant de
sortir, comme à son habitude, au moment où il commençait à devenir trop
émotionnel à son goût. C'était quelque chose qu'il ne savait vraiment pas gérer
comment en témoignait sa main tremblante de culpabilité et de nervosité. Même
si les mots naissaient dans sa tête, sa bouche n’arrivait pas à les sortir.
Même si des gestes prenaient forme dans sa tête, ses mains n’arrivaient pas à
suivre. Un étrange paradoxe dont il ignorait la solution – « Au
boulot ! » - pensa-t-il en fermant la main droite à plusieurs reprises
comme pour y pomper le sang. S’il voulait sortir ses enfants de là avec les
honneurs, il avait du pain sur la planche.
- Qu'est-ce que tu penses de tout
ça ? - demanda Alésha à son frère qui s'installa en tailleur sur le lit. Elle
n'avait pas peur jusque-là, elle se sentait prête après ses milliers d'heures
d'entraînements, de formations, à cracher sang, tripes et boyaux. Mais la mise
en garde de son père l'avait ramenée à la réalité de la situation : leur
uniforme ne pouvait pas les protéger de tout.
- Je pense qu'on va devoir
redoubler de vigilance. Je préfère partir du principe que les rumeurs
concernant l'aliénation des black owls sont vraies et ne pas leur montrer le
dos trop longtemps. Ce qu'on peut découvrir là-bas peut mettre en danger toute
l'organisation, alors que penses-tu que des criminels et assassins potentiels
vont faire pour se protéger ?
- Hmpf, qu'ils essaient un peu pour
voir - s'échauffa Alésha en faisant taire son sentiment d'angoisse. Pour
l'instant ils étaient sous le monitoring du bureau central. Tout ce qui pouvait
se passer sur le Galaté était enregistré et transmis. Mais une fois sur
Meliacor, ou plutôt sous Meliacor, entourés de Black Owls, ils allaient devoir
être très prudents. Extirper toute la vérité allait être impossible, même
remplir leur mandat allait être particulièrement délicat. La jeune femme
regarda son frère, frustrée, jalouse, qu’il arrivait à garder son sang-froid.
Alors qu'elle, tapotait du pied de nervosité et luttai contre l’envie de se
terrer sous les draps.
A plusieurs centaines de mètres de
là, dans les quartiers privés du préférum. Là, Cornelis était assis derrière
son bureau plongé dans l'obscurité, et contemplait le tatouage sur son bras,
brillant d'une leur pâle comme une lune mourante. L'umbra était composées de
lignes droites formant un dessin complexe qui changeait selon l'angle observé,
voire selon la personne qui observait : Paréidolie, ou phénomène plus complexe.
Les yeux rivés sur une image de son
passé, Cornelis ne pouvait que se sentir énervé par le miroir d'une vie qu'il
avait rejeté de toutes la force de son âme. Ce qu'il voulait voir était son
avenir, ce qu'il voulait voir était le fruit de sa rébellion contre l'équation
de la vie.
- Qu'est-ce que tu fais ? - demanda
une voix qui fit sursauter Van Alphen sur son fauteuil.
- Qui ?.. - dit-il en se retournant
furieusement, uniquement pour voir une forme étrange penchée au-dessus de son
bureau. Une forme humanoïde allongée, comme si un humain avait été étiré comme
une pâte à modeler. La silhouette était chétive, à la peau lisse, translucide,
mais l'élément le plus marquant de cette construction ésotérique était le
masque sur son visage. Un masque fait d'une matière qui ressemblait à du métal,
et qu'il était impossible de regarder sans prendre le risque de perdre la
raison. Une telle force et présence émanait de cet objet que baisser la tête,
montrer sa soumission devenait aussi évident que de respirer.
- Bienvenue, maître - dit Cornelis
en se posant un genou à terre. Désormais, il en était certain. Aussi incroyable
que celui puisse paraître, Morel avait échoué.
- Allons, allons, Cornelis
qu'est-ce que c'est que ça ? - demanda la créature sur un ton gêné en voyant
l'humain agenouillé - je viens te voir depuis l'autre côté et un genou à terre
est tout ce que tu as à m'offrir ? Hmm ?
- Relève-toi larve, j'ai un cadeau
pour toi - dit la créature amusée.
- Ne suis-je pas ton professeur ?
Je vais te montrer comment faire et je n'ai absolument aucun doute sur ta
capacité à assimiler l'âme de Morel.
Lorsque les deux réalités se
superposèrent à nouveau, Cornelis Van Alphen était tout seul dans son bureau.
Le préférum tremblait comme une feuille, suant à grosses gouttes et les
pupilles largement dilatées, témoignages d'une anomalie dans son organisme, d'un
élément étranger que son corps avait du mal à assimiler.
Après quelques secondes
d'immobilité, son expression du visage changea en celle d'une lutte formidable.
Similaire à celle d'un athlète essayant de lever un poids bien trop lourd pour
tout sens commun. Le sang afflua au visage rougissant le cou et le reste de la
tête, des veines gonflèrent sur le front et la base du cou, le regard retrouva
une détermination et une concentration perçante, la bouche se déforma en une
expression de souffrance... Puis, après de longues minutes de lutte, Cornelis
put enfin hurler et se dégager de cette main invisible qui le tenait sur place.
- RAHHHHH ! - Hurla le préférum en
tombant au sol, avalant l'air par la bouche.
L'instant suivant, quatre black
owls en armure se ruèrent dans la pièce, ameutés par le cri de leur leader.
Armes aux poings et prêts à tirer, les mercenaires cherchèrent le responsable
d'une possible agression, mais ne trouvèrent que Cornelis allongé sur son
tapis, la paume sur le front et riant comme un hystérique.
- Je l'ai fait hahahaha, je l'ai
fait - disait-il à voix basse entre deux rires. L'âme de Morel avait bien
failli prendre le dessus, mais il avait triomphé, il avait pris le dessus, il
était le plus fort. Maintenant, il pouvait puiser dans ce petit puis de savoir
et de force que possédait son mentor, du moins en théorie. En pratique, sa tête
donnait l'impression d'être une ruche remplie d'un milliard d'abeilles, il
avait envie de vomie, son corps était complètement vidé, et cette étrange
sensation dans sa poitrine était particulièrement troublante. Comme s'il avait
une boule solide, froide, quelque part dans sa cage thoracique. Mais de plus
troublant était cette sensation d'entendre un murmure au plus profond de son
subconscient, ou était-ce une crainte ? Sa peur que quelque part, Morel
existait encore ?
- ... Tous ces signes vitaux sont
ok. Préférum est ce que vous m'entendez ?
- Hmm ? - s'étonna Cornelis en
levant la tête pour constater avec surprise qu'il n'était pas seul - qu'est-ce
que tu fiches là ? - demanda le préférum surpris, tournant la tête pour
remarquer que sa garde personnelle était présente.
- Nous avons entendu un bruit
suspect, et ...
- Ah je vois, je vois, bon boulot,
bon boulot - répéta péniblement Cornelis en essayant de se lever, poussant la
main tendue par un de ses subordonnés - tout est réglé maintenant.
- Oui monsieur - répondit le même
black owl - cependant, les consignes - ajouta ce dernier d'une manière
affirmative et interrogative à la fois. Ne sachant pas trop s'il devait faire
respecter le protocole ou pas.
- Ah oui, ok. Faites ce que
vous avez à faire - répondit Cornelis avant de retourner s'asseoir derrière son
bureau.
- Très bien. Joe, appel le médic.
Vous deux, au boulot - ordonna le même black owls et les autres obéirent. Le
but était de vérifier que rien n'était arrivé à leur chef et que sa mémoire
n'avait pas été trafiquée. De plus, ils devaient être à 100%, sans une trace de
doute possible, qu'aucune effraction n'ait eu lieu. Et que si jamais cela avait
été le cas, de retrouver le fou qui avait pu agresser leur boss. C'était le
protocole, et c'était aussi une question d'honneur.
- Bien reçu - répondirent les
mercenaires avant de s’atteler à leurs tâches.
- Ah oui, Anderson - s'adressa
Cornelis au leader de sa garde rapprochée - je veux que tu me prépares la salle
de conférence. Nous allons bientôt passer à l'action.
- Mais les prévisions pour
l'hydre...
- ne t'en fais pas pour l'hydre,
j'ai l'assurance qu'elle ne devrait plus tarder - répondit Van Alphen avec une
conviction absolue. Il allait être l'heure pour lui de faire ses preuves, et de
toucher un pouvoir encore plus grand encore. Peut-être ainsi, pouvait il calme
son ambition dévorante, et ce besoin absolu de toujours plus - "Si je tiens
l'univers dans la paume de ma main, je pourrais peut-être penser à autre
chose" - se dit il en arrangeant la manche de sa veste pour mieux cacher
son tatouage. Lui qui avait été toujours privé de tout, voulait équilibrer
cette injustice en possédant tout. Une ambition simple, si simple que son
esprit n'avait aucun mal à justifier sa validité ainsi que les méthodes
employées pour la réaliser. Et maintenant, il avait fait un pas de plus vers
son objectif ce qui la ravissait au plus haut point.
À plusieurs kilomètres sous terre,
dans les profondeurs de Meliacor, se trouvait un laboratoire de recherche
utilisé pour la conception du projet Fenrir : des zoohumains, hybrides entre
l'homme et une créature mystérieuse manipulant la glace, indigène à Meliacor,
voire unique.
Autrefois débordant de vie et
d'idées, les couloirs étaient désormais vides de tout, le laboratoire
sous-terrain avait été écrémé de son personnel suite à l'attaque d'une créature
horripilante qu'ils avaient fait l'erreur de réveiller : la chimère. Cette
dernière avait déchaîné sa fureur destructrice, mue par sa faim et sa
psychopathie acquise suite à des années d'apprentissage inhumain. Partout, les
traces de son passage étaient visibles, tantôt les griffures immenses, les
portes pliées comme du papier mâché, et autre preuve de sa force
gargantuesque...
Plus bas encore, dans le hangar de
ce laboratoire, quatre individus se tenaient en silence pour remémorer les
défunts. Malheureusement Dalanda, Jess et Bender, ne connaissaient rien de ces
personnes, hormis le fait qu'elles avaient essayé de créer des monstres. Ou
plutôt des soldats, pour une guerre révolue. Vu que les kissadzés qui avaient
failli éradiquer l'humanité n'étaient plus. Jonathan Bender avait été témoin de
leur défaite. En temps qu'Arshmarshall et leader de la flotte unie, il fut
celui qui appuya sur le bouton, déclenchant plusieurs explosions de roses
bleues créant une réaction en chaîne qui transforma la planète piège en
supernova. Combien de vies avaient été alors perdues pour rien ? Combien de
vies il avait condamnées pour rien...
- Est-ce que ça va serg ? - murmura
Jess qui remarqua une larme coulée le long de la joue de son sergent.
- Ouais, ça va - répondu Jonathan
en essuyant du pouce la larme traîtresse - "J'espère, qu'où que vous
soyez, vous aurez enfin la paix" - pensa-t-il ensuite, en partageant cet
espoir. Si ce qu'il avait vu ce jour-là était vrai, alors... Alors il était
possible qu'un au-delà existe.
Ces personnes, ou plutôt les bouts
qui y restaient avaient l'ambition de combattre une guerre que Bender pensait
terminée. Cependant, dans le doute, il avait passé cette semaine à chercher
leurs terminaux en quête de confirmation, et tout ce qu'il put trouver fut plus
de confusion.
La possibilité que les kiss aient
survécu le terrifiait au plus haut point. Ces aliens étaient un véritable
cauchemar à combattre et il était désormais trop vieux, trop usé pour remettre
ça. Si en plus il intégrait l'existence de la chimère dans l'équation,
l'univers connu devenait soudainement un endroit terrifiant qu'il ne savait
plus comment affronter. Cette aberration de la nature avait causé un véritable
massacre, et c'était un véritable miracle que le carnage ait pu être stoppé.
Un miracle réalisé par les efforts
de Sparrow : Hélène Ethrapoli, une spécialiste des black owl particulièrement
douée.
- C'est bon ? Je peux les enterrer
maintenant ? - demanda Cidolphas Marshal, un z'hum, hybride entre un humain et
un tigre. Ce dernier attendait patiemment que le rituel soit terminé. Il avait
passé la semaine à briquer toute trace de sang pour ne laisser aucune chance
que son ADN, ou plutôt celui de son alter ego malsain : la chimère, soit retrouvé.
Il était tout simplement hors de question que cette monstruosité puisse un jour
être dupliquée, et ce quelle que soit la raison. Quand il eut fini de tout
nettoyer, il s'occupa de creuser et transporter l'œuvre de son carnage, dans le
hangar. Ici, ses victimes pouvaient avoir un semblant de cimetière et de repos.
- Oui c'est bon - répondit Dalanda
en jetant un regard au z'hum tigre qui évita le contact visuel. Malgré ses
difficultés à sentir les émotions après sa plongée dans le nexus émotionnel de
Philippe Morel : le préférum et leader de ce centre de recherche, elle pouvait
clairement voir que son ami en avait gros sur la conscience. Mais elle ne
pouvait qu'attendre qu'il se livre de lui-même. Têtu comme il était, le forcer
à parler n'allait avoir qu'un résultat inverse. Le début de leur aventure avait
été particulièrement pénible, et pourtant la jeune femme avait cette
terrifiante impression que leurs problèmes ne faisaient que commencer.
Sans dire un mot de plus, Cid
commença à pousser la colline de terre et de béton dans le trou béant. Il ne
fallut que quelques minutes pour que le colosse achève sa tâche et recouvre les
morts.
- Bien, je vais me faire un truc à
manger. Ça te dit ? - demanda-t-il à Dalanda qui voulut s'offusquer. Mais elle
savait que ce n'était pas par méchanceté ou par je-m’en-foutisme que le z'hum
avait fait cette proposition. Il avait simplement faim et à vrai dire, elle
aussi.
- Si tu me fais une salade, je te
tiendrai compagnie - répondit-elle.
- Une salade ?! Kruu rru rru - ria
le z'hum surpris.
- Hey ! On peut respecter un peu
les morts ? - s'offusqua Bender
- Respecter les morts ? - s'étonna
Cid - les morts sont morts oldscout. Ils n'ont nul besoin de notions qui
tourmentent les vivants - répondit le z'hum.
- Épargne-moi tes concepts sauvages
! - répliqua Bender - tu n'accordes clairement aucune valeur à la vie des
autres, mais au moins respectes leur mort - dit-il ensuite avant partir à
grands pas, fulminant intérieurement. Sa nervosité commençait à déborder et il
ne savait pas comment la gérer. L'incertitude et la peur lui rongeaient
l'intérieur, et toute excuse était bonne à prendre pour ventiler tout cet
inconfort intérieur. Le sergent avait l'impression que chaque seconde était la
dernière pour sa fille porte disparue et cela faisait près de 600 000 secondes
qu'il avait laissé passer sans pouvoir agir.
- Qu'est-ce que c'était ça ? -
demanda le z'hum en combattant l'envie de poursuivre Jonathan et s'expliquer
clairement. Mais connaissant son caractère, il y avait de fortes chances qu'il
lui casse ou torde quelque chose, ou qu'il l’assomme. Ça ne valait pas le coup.
- Je ne sais pas - répondit Jess en
regardant son sergent s'en aller -, mais je peux comprendre sa colère. Vous
étiez miliaire aussi non ? Où, si ce n'est dans la mort que nous pouvons
espérer le respect - dis le jeune homme avant de courir rejoindre son camarade.
- J'ai fait une gaffe ? - s'étonna
Cid en fixant Dalanda de manière interrogatrice.
- Euh, comment dire... Le tact et
toi, vous êtes deux notions diamétralement opposées - répondit Dalanda Eiling -
tu viens ? Tu me dois une salade - dit-elle ensuite en s'éloignant à son tour.
- Kruu rru rru, mouais - fit le
géant en se grattant l'arrière du crâne. Il suivit alors sa protégée et la
rattrapa en trois pas - quand est-ce que tu veux te mettre en route ? -
demanda-t-il ensuite.
- Demain, probablement.
- Ok, ça me laisse le temps de
faire quelques dernières inspections.
- Moi aussi, j'aimerais essayer de
joindre Ali et Alpha une dernière fois avant de prendre la route. Ce serait
bien qu’on arrive à se coordonner avec le vaisseau pour l’exfiltration. Trois
jours c'est ça ?
- À en croire les plans oui. On
devrait trouver l'ulwazi en trois jours max, mais tout dépend de la météo.
- Ouais, c'est sûr. Je prendrais
des vivres pour deux semaines en plus, ou il faudrait plus ?
- Kruu rru rru, aucune idée. Prends
autant qu'il en faut. C'est moi qui porterai de toute façon.
- Il faut bien que tes gros bras
servent à quelque chose - le nargua Eiling
- Kruu rru rru, pas faux. Et pour
l'autre là on fait quoi ? Castilyone ? Je suis d'avis qu'on la laisse ici, elle
ne ferait que gêner notre voyage.
- Je sais bien, mais je
préfère l'avoir là où je peux la voir et pas dans mon dos. Si elle rejoint les
autres...
- Kruu rru rru, tu te fais trop de
souci pour rien. J'avoue qu'elle n'est pas démunie de talents, mais j'ai plus
l'impression que c'est ton trauma qui parle.
- Hmpf, peut-être. Mais je préfère
la garder en vue, tu peux t'en charger ?
- Tu veux que je la garde en laisse
? Kruu rru rru, mouais pourquoi pas. Ça ne devrait pas poser de problèmes, ce
n'est qu'une humaine après tout.
- C'est une remarque raciste ça -
commenta Eiling.
- KRUU RRU RRU ! Elle était bien
bonne celle-là ! - ria le z'hum en tapotant légèrement le dos de son amie, ce
qui la poussa en avant de quelques pas - Oups, désolé.
- Mouais...
Le reste du chemin se passa dans le
silence. Cid jetait des regards constants du coin de l’œil à Dalanda qui
bougeait légèrement du dos pour faire passer la douleur. Dans la tête du z'hum
il y avait tout un discours d'explication et d'excuses, mais le problème venait
du fait que le signal entre son esprit et sa bouche était rompu. Non seulement
les excuses ne sortaient pas, mais en plus il trouvait les ondulations de son
amie assez drôles jusqu'à ce que l'un des copropriétaires de son esprit ne se
manifeste.
- "Hihihi, on dirait un ver de
terre..."
- "Ta gueule !" - rugis
intérieurement Cid en essayant de pousser, mentalement, cette voix dans les
méandres de sa psyché. Elle avait suffisamment eu de temps libre comme ça,
comme en témoignait le massacre récent.
- Merci de nous avoir attendus -
dis Dalanda en montant dans l’ascenseur où Bender et Jess les attendaient.
- Ouais, même si l'inverser aurait
été stupide - commenta Cid en montant à son tour et la machine protesta
temporairement contre ses 300 kilos de masse musculaire. Ensuite les
calibrateurs prirent le relais pour rapidement s'ajuster au nouveau poids -
pendant que tu te charges de la communication, je vais aller
"discuter" avec la dame. Histoire de mettre les choses au clair - dis
Cid en appuyant sur le bouton du -5 et les portes se refermèrent dans la
seconde.
- Ah ? J’aimerais venir aussi -
demanda Jess.
- Quoi ? Pourquoi ? - demanda Cid
- Eh bien, si vous comptez
"discuter" - répondit Jess en appuyant sur le mot - je pense que
quelqu'un avec des connaissances médicales ne serait pas de trop
- Quoi ? Tu me prends pour qui ?
Une brute ? - demanda Cid outré
- Euh, c'est une question piège ? -
demanda Jess outré.
- KRUU RRU RRU ! Je t'aime bien
petit - ria Cid en sortant de l'ascenseur qui venait d'arriver à son étage.
- Euh ookkk ! - réagit Jess confus
- Serg, madame - voulu-t-il dire ensuite en faisant une petite révérence, mais
les seules choses qui sortirent de sa bouche furent un - humf ! - de douleur et
de surprise ainsi que de la salive
- Allez amène toi ! - dit Cid en
tirant O'Ryan de sa queue -, mais tu risques de t'ennuyer - dit-il ensuite
comme si de rien était.
- Je préfère juger par moi-même -
répondit le jeune chirurgien en se tenant le côté droit qui tirait de douleur,
mais en suivant quand même le géant.
- Je pense qu'ils vont bien
s'entendre - commenta Eiling avec un sourire nerveux, tout en appuyant sur le
bouton de son étage.
- ...
Bender s'adossa dans l'angle de
l'ascenseur et croisa les bras en attendant d'être au bon étage.
- Où est-ce qu'on va ? -
demanda-t-il ensuite
- Ah ? Je ne savais pas qu'on
allait au même endroit - répondit Dalanda surprise.
- Je ne peux pas me permettre de
vous laisser vous promener toute seule sans protection - répondit Bender.
- Eh bien, c'est très chevaleresque
de votre part. Mais ?
- ... Mais, j'aimerais discuter de
notre future expédition - avoua Bender.
- Je comptais tenir une petite
réunion tout à l'heure, mais pourquoi pas. Venez - répondit Dalanda alors que
les portes de l'ascenseur s'écartèrent avec un petit dzing.
- Vous vous êtes décidée pour une
date ? - demanda le sergent.
- Décidée ? Je pensais qu'on
s'était tous mis d'accord pour enterrer les morts et nous préparer. Pourquoi
est-ce que vous faites paraître que la décision a été complètement unilatérale
de ma part ? - demanda la jeune femme en s'arrêtant nette.
- Ce n'est pas ce que je voulais
dire - répondit Bender, tendu
- Et qu'est-ce que vous vouliez
dire exactement ??
- Maintenant qu'on a enterré tout
le monde, est-ce que vous vous avez décidé d'une date ? Quand est-ce qu'on part
? – demanda Bender impatient.
- Demain
- Demain ?
- Oui demain. Ça vous pose un
problème ? – répondit Eiling avec une pointe d’inquiétude. Elle commençait à
prêter attention aux expressions du sergent et elle y vit des traces
d’irritabilité.
- Non, demain ça me convient. Et
vous comptiez nous mettre au courant quand ?
- Tout à l'heure... Qu'est-ce que
vous avez ? – demanda Dalanda en posant les mains sur les hanches.
- ... Je suis désolé. C'est juste
que je me sens un peu fébrile et j'ai l'impression de perdre un temps précieux
si je ne fais rien.
- Par rapport à votre fille,
j’imagine ? – demanda la jeune femme sur un ton compatissant.
- Oui. Ça me bouffe... j'essaye de
me raisonner, mais je n'y arrive pas.
- Croyez-moi, je sais exactement ce
que vous traversez c'est pourquoi je ne prévois pas de perdre plus de temps que
nécessaire. Vous venez ? J'ai un coup de fil à passer - dit-elle en pensant
tout bas - "en espérant qu'il passe".
Plus bas, Cid ouvrit la porte de la
chambre 363 et de tout de suite après, leva le bras pour bloquer un coup de
chaise. Il changea ensuite de position avec une agilité incroyable et poussa la
chaise et sa propriétaire de l’épaule ; ces derniers furent projetés contre le
mur avant de tomber au sol.
- Euh, c'était quoi ça ? - demanda
Jess surpris. Le dos de Cid lui avait tout masqué, mais il put quand même
entendre les bruits de la courte lutte.
- Kruu rru rru, un bonjour bien
énergique - répondit Cid en commençant à s'étirer les épaules - quelques fois
comme ça, elle arrive à se détacher et décide que c'est une bonne idée de nous
saluer à coups de chose.
- Pfuu - cracha Castillyone du sang
au sol. Le choc contre le mur avait provoqué une légère hémorragie - je déteste
être attachée - dit-elle ensuite en se relevant.
- Kruu rru rru, pourtant personne
n'a jamais eu à se plaindre de ma technique.
- Il y a toujours une première fois
à tout "boule de poil". Qu'est-ce que tu veux ?
- On ne va pas tarder à se mettre
en route et ma boss veut que tu viennes.
- Quoi ? Mais c'est complètement
stupide comme décision. Je vais me prendre un malin plaisir à vous faire chier
durant tout le chemin.
- Complètement stupide, je suis
d'accord. Maintenant, c'est mon job de faire en sorte que tu restes tranquille
- dit Cid en s'approchant de la spécialiste.
- Et comment comptes-tu faire ?
Hein ? Dis-moi - répondit cette dernière de manière défiante - fait voir ce que
tu as de pire ! - demanda Castillyone avec un sourire moqueur en se collant
presque au z'hum.
- Kruu rru rru, je ne pense pas que
tu vas apprécier cette expérience, "chair fraîche" - répondit Cid et
ses yeux brillèrent d'une lueur inquiétante.
- J'...
- Euh, il se passe quoi là au juste
? Parce que je commence à avoir l'impression que je dérange un truc bizarre -
commenta Jess inaperçu jusque-là.
- C'est qui ce nabot ? - demanda la
mercenaire après s'être penchée sur le côté pour voir qui était caché par
l'armoire à glace qui se tenait devant elle. Et c'est particulièrement déçue
qu'elle remarquât un petit homme roux à la corpulence carrée, d'une vingtaine
d'années environ.
- Ce nabot c'est...
- Jess O'Ryan, madame... - dis ce
dernier en voulant continuer - Et je vous prie de garder vos commentaires sur
ma taille pour vous. Elle satisfait bien des personnes - Il avait même prévu
son expression satisfaite allant parfaitement avec son sous-entendu, mais il
fut interrompu dans son élan par Cid et Castillyone simultanément.
- Qui est ce que tu traites de
madame ? - demanda la spécialiste
- Où est-ce que tu vois une dame là
? - s'étonna le z'hum.
- Qu'est-ce que tu veux dire là ?
Je n'ai pas l'air d'une dame peut-être ? - affirma la jeune femme en croisant
les bras, défiante.
- Kruu rru rru, ce qualificatif est
le dernier qui me viendrait à l'esprit.
- Ah ouais ? Vas-y, boule de poils.
Dis-moi ce que tu penses en me voyant, je suis curieuse.
- Euh...
- Garce, connasse, folle furieuse,
salope. Ce ne sont pas les gentillesses qui me manquent.
- Hmm, effectivement. Attention,
tous ces compliments vont me faire rougir.
- Bon ça commence à être gênant.
- Kruu rru rru, si je voulais te
faire rougir j’aurais simplement serré ton petit cou pour faire sauter ta tête
comme un bouchon de champagne.
- Mais c'est que t'es coquin
aujourd'hui - dit Castillyone en passant du doigt sur le haut de la combinaison
de Cid et ce dernier fit un pas en arrière surpris - quoi ? Le jeu ne t’amuse
plus ? - le nargua la mercenaire de tout son être : ses yeux, son expression du
visage, même sa gestuelle étaient moqueurs.
- Je n’y crois pas, ils ne
m’écoutent même pas en fait.
- Je ne sais pas où t'as vu un jeu,
les chairs fraîches ne m'intéressent pas - répondit Cid avec le regard brillant
de colère.
- Hahaha, mais c'est que t'es
timide, ou coincé ? Ou les deux ? - se moqua la mercenaire.
- Hey ! - cria Jess attirant l'attention
des deux fortes personnalités.
- Qu'est-ce que t'as à crier comme
ça ?! - rugis Cid en retour, en tournant la tête si vite que Jess en eut un
choc.
- Je veux juste vérifier l'état de
santé de la... prisonnière et vous laisser discuter entre vous - expliqua le
jeune chirurgien.
- Bah fait le, au lieu de crier
comme un débile ! - réagit le z'hum
- Mais c'est qu'on ait grognon
petit chaton - ricana Castillyone ce qui fit grincer Cid des crocs.
- Kruu rru rru, tu peux brasser
autant d'air que tu veux, ça ne changera rien à ta situation.
- Oh que si, ça me permet de passer
un super moment. Allez nabot, vient m'inspecter de plus près. J'ai un petit peu
mal aux bras - dit-elle en montrant ses avant-bras lacérés par les cordes lors
de ses efforts de libération.
- Ok, asseyez-vous je vais voir ce
que je peux faire - dit Jess en prenant un ton professionnel.
La mercenaire ramassa la chaise au
sol et s'assit en tendant un bras à Jess. Et en le touchant, le jeune
chirurgien remarqua immédiatement la tonicité musculaire de la captive. Certes
c'était une femme, et à l'apparence svelte et athlétique, mais ses muscles
étaient aussi durs que du béton. Cette spécificité n'était pas due qu'au talent
naturel, ou plutôt qu'à une bonne pioche génétique, mais à la combinaison de la
chance sélective et à des efforts colossaux.
Alors que le chirurgien était
captivé par cette caractéristique physique, Castillyone, elle, lui attrapa le
bras à son tour.
- C'est sympa d'avoir accepté
d'être mon otage - dit-elle avec un sourire vicieux.
- Kruu rru rru, si t'arrives à le
pendre comme otage en ma présence, je t'escorterai personnellement jusqu'à tes
copains les piafs - répondit Cid en laissant ses bras tomber, ballants. Cet
état de repos était trompeur, car ses muscles étaient d’ores et déjà sous
tension, prêts à une action explosive.
- Ah ouais ? Je suis curieuse de
voir ça - répondit Castillyone en serrant plus fort le bras de Jess, et en
rendant au colosse son regard défiant.
- "Et merde !" - pensa
O'Ryan en maudissant tout et tout le monde
Toum
! toum toum ! Toum toum toum toum !
Lorsque Castillyone enveloppa le
bras de Jess de ses doigts puissants, le rythme cardiaque du chirurgien fit un
bond conséquent. Il essaya de se dégager de cette prise de fer, mais constata
avec désespoir que ses forces ne suffisaient pas à un tel exploit. La
mercenaire avait une puissance absurde qui ne faisait sens qu'avec des
augmentations musculaires, cependant O’Ryan n'avait remarqué aucune trace
d'opérations chirurgicales sur les bras de la jeune femme.
L’instant suivant, Castillyone tira
Jess vers lui si soudainement, que ce dernier eut l'impression que son bras
allait être arraché, puis quelque chose se passa. Quelque chose qu’il n’eut pas
le temps de voir ou même de comprendre. Il se retrouva simplement au sol saisi
d'une intense migraine qui lui donnait l'impression que sa tête allait explosé,
et luttant contre son envie de vomir. Sans parler des douleurs aux côtes
et dans sa poitrine.
- « Que
diable… » - se murmura-t-il en essayant de se lever, mais son corps se
refusait à un tel effort. Il leva la tête pour voir le z’hum faisant face au
mur et la mercenaire n’était visible nulle part.
Dans cet instant qui échappa à sa
perception, Cid avait projeté sa queue pour saisir O'Ryan à la taille et le
tirer vers lui de la manière la plus délicate qu’il lui était possible. Le
risque était de comprimer les organes internes ou, au pire, sectionner le
chirurgien en deux en serrant trop fort. Ce dernier était un humain normal sans
augmentations, prothèses ou évolution biologique.
L'estomac et les organes placés
sous la ceinture abdominale furent comprimés si fort qu'il se sentit
immédiatement très mal. Cependant Castillyone continua à tirer dans sa
direction, ce qui poussa le z'hum à se ruer sur elle en un bond qui lui fit
traverser la distance en un battement de cils, passant d'une position
stationnaire à une vitesse époustouflante en une fraction de seconde.
Le z’hum saisit la mercenaire au
torse, d'une main, comme une poupée. Et la plaqua contre le mur ou plutôt
légèrement dans le mur, avant de placer le coude de son autre main sur sa gorge
en pressant légèrement, mais suffisamment pour que la douleur puisse être
sentie. Jess quant à lui fut libéré de la prise de Castillyone et tiré
violemment en arrière avant d’être laissé tomber au sol sans égards.
Jess avait très mal supporté le
choc d'une telle accélération, ainsi que le fait d’avoir été balloté dans tous
les sens. Le corps humain standard n’était pas conçu pour être traité de la
sorte, il ne pouvait encaisser autant de stress en un laps de temps si court.
Les sensations qu’il ressentait étaient similaires à celles après un accident
de voiture.
- On va commencer à mettre les
choses au clair - dit Cid sur un ton glacial - je me fou de ce que ma patronne
me demande, je fais mon job. Et là mon job c'est de m'assurer que tu ne seras
pas un problème. Et pour ce faire, j'ai deux options : soit presser du coude un
peu plus sur ta petite gorge et faire sauter ta tête du reste du corps, ou tu
laisses tomber ton attitude et tu m'obéis au doigt et à l’œil. Quel est ton
choix ?
- Mgg mmgg - essaya de répondre la
mercenaire, mais le coude sur la gorge limitait son élocution. Constatant ce
fait, Cid libéra sa prise et Castillyone prit une grosse bouffée d'air et
toussa du sang avant de répondre.
- Le deuxième choix, est-ce que
c'est une demande de mariage ?
- Kruu rru rru, même pas rêve -
répondit sèchement le z'hum sans une trace de rire dans le son regard intense.
- Dans ce cas, j’ai besoin d’y
réfléchir.
- Tu as 10 secondes !
- Très bien, je choisis l’option 3
alors – répondit énergiquement Castillyone en préparant une frappe des deux
poings sur le museau de Marshall.
- Hmpf – fit ce dernier en secouant
la tête, mais sans lâcher la prisonnière – mauvais choix – dit-il ensuite en
ouvrant grand la gueule pour prendre une bouchée.
- MGG MMMMMMMM !!! - fit Castillyone
en se débattant et tapotant frénétiquement le bras du z'hum pour qu'il
s'arrête. Et ce dernier ne stoppa ses crocs que lorsqu'ils perforèrent la peau
de la mercenaire sur quelques millimètres, lui laissant des marques
ensanglantées sur le haut du front, sur les oreilles et le menton.
Cid libéra ensuite sa prisonnière
qui tomba au sol à genoux en inspirant par grosse bouffée, les yeux grands
ouverts fixant le sol. Elle venait de voir la mort lui foncer dessus, non,
pire, elle venait de voir quelque chose dans la gueule du z'hum que son
instinct jugeait encore plus terrifiant que la mort. Elle ne saurait dire quoi,
elle ne saurait dire pourquoi, mais il y avait quelque chose là-dedans qui la
fit hurler de panique en la terrorisant au plus haut point.
- "Hihihi, on dirait qu'elle
l'a vue, mon étoile noire !" - entendit Cid la voix dans sa tête, alors
qu'il se penchait au-dessus de Castillyone, surpris de l’efficacité de son
stratagème, mais sans le montrer. Il savait qu'elle allait avoir peur et
voudrait reprendre le dialogue, mais là... Il avait l'impression d'être
au-dessus d'un chaton apeuré, ce qui lui donna presque envie de demander ce
qu'elle avait vu à l'intérieur de sa gueule qu'il n'avait pas vu lui-même
devant. La fracture dans la personnalité était trop violente, de défiante à
apeurée, cette transition n'était pas tout à fait normale. À moins que sa
personnalité n'ait été un front depuis le début ? Un masque pour cacher la
terreur résidant en permanence en elle ?
- Il n'y aura pas de prochaine fois
- dit Cid en faisant taire ses doutes et ses voix, tout en levant la tête de
Castillyone pour croiser son regard, mais ce dernier était absent -
"Tssk" - fit il en la jetant au sol avant de se lever pour sortir. Il
n'y avait plus rien à tirer d'elle en ce moment - hey ! Tu peux regarder ce
qu'elle a ? - demanda Cid à Jess qui se mit à peine debout.
- Euh...une seconde, une seconde...
- murmura péniblement O'Ryan courbé, les mains sur les genoux, essayant de
retrouver ses esprits.
- Allez, arrête de faire ta
chochotte - grommela Cid en croisant les bras, poussant Jess en usant de son
appendice caudal. Et avant que ce dernier puisse riposter, il se retrouva à
nouveau devant la prisonnière en étant pris d'une soudaine angoisse que tout
recommence.
- "Putain, ça m'apprendra à
vouloir rendre service" - pensa O'Ryan en s'accroupissant devant sa
patiente avec un soupir - je ne veux pas vous faire de mal ! Vous pouvez me
regarder dans les yeux s'il vous plait ? - demanda-t-il ensuite en plaçant un
pouce sur la paupière de Castillyone pour la lever. C'est à ce moment que la
jeune femme revint à elle, peut-être à cause du contact de la peau froide,
faisant sursauter Jess - "Oh ! merde !" - pensa-t-il immédiatement en
retirant sa main.
- Qu'est-ce que tu es ? -
demanda-t-elle ensuite à Marshall en ignorant la personne assise juste en face
d'elle
- Kruu rru rru - sourit Cid en
sortant ses crocs - disons juste que je peux être ton pire cauchemar !
- Regardez-moi s'il vous plait -
demanda Jess à sa patiente en recentrant légèrement sa tête. Cette dernière se
laissa faire, mais la frustration se lisait partout sur son visage. Frustration
accompagnée de colère ainsi que d'un profond dégoût que le jeune chirurgien
essaya d'ignorer pour faire correctement son travail. Mais à l'intérieur de sa
poitrine, son rythme cardiaque ressemblait à un solo de guitare.
Castillyone détestait être
contrainte de faire quoi que ce soit, depuis petite déjà elle était
indépendante dans sa manière d'agir et de penser. Un électron libre qui n'avait
absolument aucune attache, une amoureuse transie de la liberté, quelle qu'elle
soit. Du moins, c'était ce qu'elle pensait. Cependant, à mesure que les années
passaient, et que sa vie prenait de la richesse, du vécu, des expériences, elle
se surprenait à s'y attacher. Mourir sans raison valide n'était plus aussi
simple que de jeter une pièce en l'air.
Jess procéda à l'inspection des
yeux, vérifia le pouls à l'ancienne en plaçant son majeur et son index sur le
poignet de sa patiente. Puis, après s'être excusé, plaça sa main sur la
poitrine de Castillyone et demanda
- Respirez s'il vous plait.
- Vous savez parler aux femmes vous
- répondit Castillyone
- Hmpf, les nabots n'ont pas
d'autres choix que de développer leur charme pas vrai ? - répondit Jess en
souriant et Castillyone ria en retour - "Héhé" - ria intérieurement
O'Ryan, ravi de son petit effet.
- Bon, t'as fini ? - demanda Cid
- Non pas encore - répondit Jess en
plongeant sa main dans la poche
- Quoi, tu es jaloux ? - demanda
Castillyone en gardant son ton joueur, mais son regard lui était agressif et
promettait vengeance.
- Arrête un peu de bouger des
lèvres tu veux ? Ça me donne envie de te les coudre.
- Eh bien, j'ignorai que tu étais
couturière. Tu portes des jupettes aussi ?
- "Hihihi, couturière !"
- Kruu rru rru, ferme là - ordonna
calmement Cid au moment où Jess sortit un petit appareil de sa poche qui tenait
dans la paume de sa main : un calibromètre (appareil de diagnostic médical
extrêmement sensible et précis).
- Sérieux, si t'avais ce truc dans
la poche à quoi a rimé ton cinéma ? - demanda le z'hum.
- En général je n'en ai pas besoin,
mais là j'aimerais vérifier quelque chose - dit O'Ryan en allumant l'appareil,
tout en l’orientant en direction de Castillyone. Le jeune homme aperçut de
légères fissures issues de l’échange violent précédent, mais il fut soulagé de
constater que le calibromètre fonctionnait encore. L’appareil projeta une
faible lumière tout en affichant un petit écran holographique en son centre -
hmm, c'est bien ce que je pensais - murmura-t-il ensuite avec une pointe
d'inquiétude.
- Pourquoi tu fais cette tête ? -
demanda Castillyone, sérieuse - ah, laisse-moi deviner. J'ai plusieurs liaisons
internes dans les reins et le bassin, un traumatisme bénin du thorax, et deux,
non, trois côtes fracturées - dit-elle ensuite en bougeant le torse sur le côté
tout en serrant les dents de douleurs.
- Euh, oui - répondit Jess
impressionné - comment...
- Rien d'extraordinaire là-dedans -
le coupa Cid - si tu ne connais pas ton propre corps tu n'es bon qu'à être un
troufion qui court avec un fusil à la main et éponger les tirs. Pour être
reconnu comme spécialiste et faire partie du sommet de la pyramide, ce genre de
connaissance est la base - expliqua brièvement Cid. En réalité, un spécialiste
était, presque, une forme de vie alien par comparaison à un humain normal. Tous
possédaient des caractéristiques physiques défiant l'imagination depuis la
naissance, des particularités génétiques classifiées G.?.D : gênes Dioscures
(en hommage aux enfants des Zeus). Et cette nomenclature pouvait aller de 0 à
9. Cid avait été reconnu par le gouvernement de Koléa comme G.3.D et de toute l'histoire
de l'exploration spatiale la seule autre personne ayant ce qualificatif était
Ivan Dragnoff : krasnei smerch (la tornade rouge). Le premier spéticus et le
premier spécialiste reconnu.
Les humains ne pouvaient ouvrir la
porte de ce monde que par des efforts complètement insensés, et encore, rien
n’obligeait cette dernière à s'ouvrir pour les laisser entrer. Après tout, le
nombre de cadavres pourrissant sur son pas, désespérés de leur vivant de
dépasser les limites de leur être, n’avait d’égal que le nombre d’étoiles
visibles sur la voute céleste. Et forcer l’entrée de cette
"évolution" ou "ascension" était un exploit dont le nombre
de réalisations pouvait être compté sur les doigts d’une main depuis que
l’humanité existe. Les élites étaient ce que les humains avaient à offrir de
mieux, mais les spécialistes... Les spécialistes, eux, étaient un mystère, un
cadeau, une malédiction... ils étaient un bond évolutif, mais un bond vers où ?
Personne ne pouvait répondre à cette question, aucun humain du moins. Et cet
avantage n'était qu'un prérequis, un terrain sur lequel bâtir.
- C'est exact - répondit
Castillyone en se penchant en avant, les coudes sur ses cuisses - dans quelques
jours j'irai très bien - dit-elle ensuite en caressant la joue de Jess qui se
surprit à tressaillir un tout petit peu. Même si la paume de sa main était
proportionnellement dure au reste du corps, elle avait quand même une douceur
féminine. Un contraste dont il ne savait pas trop quoi penser.
- Kruu rru rru, tu rêves. On est de
sortie demain matin, et t'as intérêt à ne pas traîner dans mes pattes ou tu
risques de finir en hachis pour gros insecte. C'est pourquoi tu vas venir faire
un tour dans une cuve.
- Drôle de demande de rencart -
sourit Castillyone - mais j'en ai eu des pires - dit-elle en se levant puis en
étirant ses membres vérifiant sa réponse neuromusculaire.
- Qu'est-ce que vous faites !! -
hurla Jess outré par un tel comportement de sa patiente. Elle risquait
d'aggraver ses blessures internes, ce qui pouvait être mortel.
- T'es mignon toi. Bien, on y va ?
- dit-elle en se dirigeant vers la porte sans une ombre d'hésitation.
- "Kruu rru rru, dommage
qu'elle soit humaine celle-là" - sourit Marshall en la suivant, deux pas
derrière.
Jess suivit le mouvement et fut le
dernier à sortir de la chambre, encore chancelant et mal en point. Il utilisa
le calibromètre sur lui et la machine ne trouva que de légers traumatismes qui
pouvaient expliquer pourquoi il avait l’impression d’avoir percuté un mur de
plein fouet. Heureusement, il n’y avait rien de grave, rien que le temps ne
pouvait guérir, contrairement à Castillyone. Qu’elle puisse encore marcher
après avoir été encastrée dans un mur relevait du miracle médical. Il essaya
ensuite de se rappeler ses cours, mais il n’y avait aucune information
concernant des spécificités biologiques particulières. Même durant sa carrière,
certes très courte, il n’avait rien rencontré de tel. La première personne
qu’il avait rencontrée défiant son ordre établi était Cid. Rencontre qui
s’était d’ailleurs plutôt mal passée.
En suivant le dos massif du z’hum,
le jeune homme ne put s'empêcher d'éprouver une pointe de jalousie à son
encontre. Cette confiance qui suintait de tous les pores de son être, débordant
en arrogance énervante. Cette force complètement insensée, complètement au-delà
de ce qui était imaginable même pour un z'hum...
- "Avec une telle force, je ne
me serais pas fait bousculer comme une poupée de chiffon" - pensa O'ryan
frustré, déçu, apeuré par sa propre faiblesse. Le fait de ne pouvoir rien faire
pour sauver sa propre vie était un évènement particulièrement traumatique même
pour le plus aguerri des hommes - "j'aurai pu sauver Sean, Maki, Raby et
même Dyne aussi" - pensa tristement le jeune homme à ses amis, victimes
d’un destin bien tragique : utilisés, transformés en créatures démunies de tout
libre arbitre et finalement tuées, ou plutôt, comme il préférait penser,
libérées de leurs souffrances. Et la personne responsable de leur libération
n'était nulle autre que Cid.
Ce fait rendait les émotions de
Jess à son égard pour le moins chaotique. Il oscillait entre reconnaissance,
colère, envie, répulsion, compréhension et bien d'autres complications
émotionnelles. Mais la pensée qui se vrillait progressivement un chemin dans
son esprit était :
- "Si seulement je pouvais
être aussi fort, je pourrais … " - des si et des peut-être perdus
dans des situations elles-mêmes hypothétiques – « J’aurai pu aider tout le
monde, j’aurai pu sauver tout le monde, je pourrai protéger tout le
monde » - des idées jetées à la va-vite dans un effort d’auto
justification crée pour se convaincre de la nécessité d'une telle chose. Mais
comment ne pas envier ? Comment ne pas répondre à cet instinct humain ? Même en
connaissant une partie du chemin tortueux imposé à Cid pour développer ce
potentiel, O'Ryan ne pouvait s'empêcher de convoiter cette force qui n'était
pas la sienne. Et, comme sentant cette pensée, ce désir, le z'hum tourna la
tête brièvement pour regarder le jeune homme, avant de ralentir le pas pour
marcher à ses côtés.
Le cœur de Jess recommença à battre
à vive allure. Il était impossible de prévoir le comportement du z'hum, ou du
moins, il était impossible de prévoir ce qui pouvait l'énerver. La seule
constante dans ce comportement étant la violence, c'est pourquoi Jess ne
pouvait s'empêcher de penser que quelque chose de douloureux allait lui arriver
incessamment sous peu.
- Beau boulot au fait - dit Cid en
posant la main sur l'épaule du jeune homme, et en la tapotant de manière
approbatrice.
- " Hein ?" - pensa-t-il
ensuite, en même temps qu'il exprima cet étonnement - hein ? - il ne voyait
absolument pas en quoi il avait fait du bon boulot.
- Kruu rru rru - se moqua Marshall
avant d'accélérer le pas
- "Hein ??" - se demanda
encore Jess plus troublé que jamais.
Ce qu’O’Ryan ignorait était le fait
que sa présence avait un but, elle était la preuve d’une erreur de jugement que
Cid n’allait jamais admettre.
Au cours de ses années d’expertise,
son caractère et son comportement se sont cristallisés, son approche face à un
problème ou un individu s’est également uniformisée. Sa zone de confort était
dans une situation conflictuelle, face à des personnes qui pouvaient être
effrayées ou irritées. Ça, il savait le faire, et il avait les arguments
physiques de sa politique.
Cependant, il avait un problème
lorsqu’il perdait le rythme qu’il imposait. Face à certains types de
caractères, très rare, il pouvait perdre la main. Pour être plus précis, ce
rythme pouvait lui être volé, le mettant dans une situation où il perdait en
crédibilité. Normalement, il rectifiait le tir en rétablissant, redémarrant, la
relation par la douleur. C’est ce qu’on lui avait appris, et la pratique,
durant sa carrière dans les forces spéciales, a validé cette interaction.
Mais, là encore, il lui arrivait de
tomber sur des individus qui avaient une excellente fortitude mentale et une
gestion de la douleur exceptionnelle. Et, un choix devait donc être fait sur la
relation à établir : briser la personne en prenant le risque de la
détruire. Ou, trouver un moyen pour la faire coopérer, un moyen autre que la
douleur. Et le problème de Cid, était que ses actions précipitées, habituelles,
avaient fermé Castillyone comme une huitre. Elle n’allait rien écouter, et
allait continuer à être provocatrice, tout en cherchant tout moyen possible
pour leur nuire.
La détruire semblait être la
solution la plus simpliste, et l’environnement s’y prêtait convenablement.
Après tout, faire disparaitre la jeune femme ici, n’allait poser absolument
aucun problème. Mais, cette destruction ne servait aucune cause non plus :
elle serait complètement gratuite. Cid n’était pas un saint, mais son métier
actuel ainsi que le respect pour sa patronne, l’obligeait à envisager une autre
voie.
La laisser là en attendant que ses
camarades ne la sauvent était l’autre idée qui, malheureusement, elle ne
convenait pas à Dalanda. Elle devait sans doute craindre que dans ce cas,
Castillyone revienne à ses trousses avec une nouvelle équipe plus organisée.
Une crainte qui avait probablement grossi dans son esprit au-delà de tout
raisonnement logique. Tout le problème d’un traumatisme est là, dans l’absence
d’un raisonnement logique, ou plutôt non biaisé par la peur qui aveuglait face
à la réalité.
Prendre Castillyone pour
l’expédition alors qu’elle était dans un état d’esprit antagoniste serait comme
se tirer une balle dans le pied. Ce serait une source de stress supplémentaire,
inutile. Le voyage en lui-même était riche d’inconnues, plein de facteurs
imprévisibles pour lesquels il fallait se préparer mentalement et physiquement,
alors en rajouter en plus était stupide.
Cid devait donc repenser la
relation. Il ne pouvait pas la rebooter en un claquement de doigts, mais il
pouvait la diluer en introduisant un élément extérieur. Un peu comme de l’eau
sur de l’argile, il pouvait, grâce à ce nouveau facteur, remanier la relation.
Et le seul élément qu’il avait en sa disposition pouvant convenir était Jess
O’Ryan. C’était l’unique raison pour laquelle Marshall avait accepté d’être
accompagné par le chirurgien et c’était l’unique chance de Castillyone de
sortir entière de la chambre, et il avait tenu ce rôle plutôt correctement.
Même si, au final, il n’avait pas eu le temps de jouer convenablement son rôle.
La relation établie a été celle de
la peur suite à une malencontreuse perte de calme qui aurait pu tout gâcher.
Quelque chose avait effrayé Castillyone, sans doute la même chose que Cid
sentait tapie au plus profond de lui, cette chose qu’il ne souhaitait libérer
pour rien au monde. Et là, par réflexe, ou par confort, le z’hum revint sur une
dynamique comportementale qu’il connaissait bien. La mercenaire avait montré
une brèche qu’il n’hésita pas à utiliser pour établir les bases de leurs futurs
échanges.
Néanmoins, au su de la
particularité de cet évènement qui était similaire à du bricolage psychologique.
Cid n’était pas certain de la durabilité de son contrôle sur Castillyone, c’est
pourquoi il devait continuellement s’assurer qu’elle ne présenterait aucun
danger ni physiquement ni mentalement. Et il partait du principe qu’elle savait
également ce qu’il voulait tenter.
- - "Kruu rru rru, ce truc va
devenir un sérieux casse-tête, je le sens" - pensa le z’hum sans quitter
Castillyone du regard.
Plus haut, Dalanda se trouvait dans
la salle de contrôle en compagnie de Jonathan. Le sergent était encore hanté
par ses pensées noires qu'il hésitait à chasser, car mine de rien elle lui
occupait l'esprit et l'empêchait de compter les secondes le séparant du départ
de leur expédition.
Eiling quant à elle essayait de
contacter le reste de son équipe stationnée quelque part en orbite. Du moins,
elle espérait qu'elle soit encore en orbite. La présence de plusieurs vaisseaux
appartenant à l'organisation paramilitaire : white owls, en orbite
Meliacorienne obligeait Ali, le pilote, à redoubler de prudence. C’était
beaucoup de stress pour lui qui avait une expérience purement dans le civil.
Dalanda s'en voulait vraiment de
leur faire subir ça, à lui et à Alpha. Mais elle n'était pas prête à rebrousser
chemin maintenant, alors qu'ils avaient une piste sérieuse sur l'emplacement de
l'Ulwazi. C'était égoïste de sa part, elle en avait conscience, mais elle
s'était bien trop impliquée pour s'arrêter. Après avoir frôlé la mort à
plusieurs reprises, il fallait qu'elle trouve l’artefact pour qu'il y ait un
quelconque sens, une quelconque forme de justice ou d'ordre cosmique. Et puis,
il y avait aussi le cas de la fille de Bender : Dalanda lui avait promis son
aide. Et puis il y avait l'hydre, de toute façon il était impossible de partir
maintenant.
Les excuses affluaient de toute
part comme des abeilles défendant leur ruche, comblant les brèches dans sa
motivation. Mais avant qu'elle ne bascule, avant que cette explosion de pensée
ne commence à tout justifier : sensé comme insensé pour le seul but d'avoir
raison, ou plutôt de ne pas être en tort. Eiling se massa le front des deux
mains en essayant de faire taire le bourdonnement dans son esprit.
- "Est-ce que ça va ?" -
voulu demander Bender, mais se saisit sur la pensée que sa question était
stupide. Il était évident qu'elle n'allait pas bien, personne n'allait bien
d'ailleurs. Entre le stress, la fatigue, le manque de sommeil dû aux
cauchemars... Qui pouvait bien aller ? Ils pouvaient faire semblant, mais
intérieurement c'était un désastre - ils sont peut-être hors de portée - dit-il.
- Possible - répondit Dalanda en
reprenant la manœuvre - ils finiront bien par...
- Bzstt bzzz, Dal...da ? -
entendirent ils et Eiling se leva d'un bond.
- Ali ? C'est toi ? Tout se passe
bien ? - demanda la jeune femme.
- Bzz ...ais. On es..ye de ne .as
se f..re repérer - répondit le pilote.
- Je n'ai pas compris, je vous
entends très mal. Une seconde !
- Dal..nda, les scan..rs montre..
une act...
- Allo ! Allo ! - cria EIling en
ajustant la fréquence même si elle savait que cela n'allait pas changer
grand-chose. L'hydre devait encore faire rage à la surface.
- Oui ! tu m'ent...s ? Qu'es. ce
que tu f...
- Merde !
- Allo ?! – entendit-elle à nouveau
la voix surprise d’Ali.
- Oui, je vous entends ! –
s’exclama Dalanda soulagée de bien entendre.
- Ah bah ça marche dit donc, bravo
le doc ! – commenta le pilote
- Quoi ? - s'étonna Dalanda
- Alpha a fait un tru...
- Dalanda, c'est Alpha – prit la
main le docteur Alpha - je présume que tu as quelque chose d'important à nous
dire alors laisse tomber les civilités. Le signal peut disparaître d'un instant
à l'autre.
- Euh oui ! Selon nos prévisions
finales, on devrait avoir fini l'opération dans deux semaines au grand maximum.
- Deux semaines ?? - s'exclama Ali
sur un ton plaintif
- Je comprends. Qu'est ce qu'on
fait alors ? - demanda Alpha.
- Continuez ce que vous faites, et
puis une fois qu'on aura fini et qu'il y aura une éclaircie je vous appellerai
pour venir nous récupérer.
- Très bien, il n'y a pas de
coordonnées ap...
- Allo ? Allo ?
- ...
- Hmm, au moins ils sont vivants -
dis Bender avec une pointe de soulagement. Sans le Galileon il n'avait aucune
idée de comment échapper à cette maudite planète.
- Ouais, au moins ils sont en vie -
répondit Eiling avant de serrer ses petits poings - Bien, on se tient notre
réunion ? – dit elle sur un ton décidé
- Allez, c'est parti - répondit
Jonathan avec une pointe de soulagement. Bientôt, dans quelques heures, ils
allaient pouvoir, enfin, se mettre en route.
Plus haut encore, sur l'orbite de
Meliacor, à l'intérieur du Galileon : l'Essencia, Ali lança un regard confus à
son colocataire
- Pourquoi ne leur as-tu pas dit
pour les vaisseaux ? - dis le pilote en pointant sur l'un des écrans montrant
un déploiement de plusieurs vaisseaux spatiaux. Il ignorait ce que cela pouvait
impliquer, mais il comprenait aussi qu’il n'y voyait rien de bon à de tels
mouvements de troupes.
- Comment ça pourquoi ? - s'étonna
le doc - la communication pouvait couper d'une minute à l'autre, alors
j'ai préféré avoir une information concrète dont on a besoin, plutôt que de
partager une information dont on ne sait que faire. Les vaisseaux peuvent être
de sortie pour une simple manœuvre d'entraînement.
- ...
- Ne t'en fais pas. Cid va se
charger de sa protection – dis Alpha en prenant un ton rassurant, puis en
posant la main sur l’épaule du pilote.
- J'espère. Je sais qu'il en est
capable, mais je ne sais pas. J'ai comme un mauvais pressentiment.
- Eh bien tu n'es pas le seul à
l'avoir – avoua le doc - on ne peut qu'espérer qu'il s'avère faux – dit il en
prenant place sur le siège du copilote.
- Ouais, c'est vrai. Quelle galère
quand même.
- Tu trouves ? Personnellement je
n'ai pas vécu quelque chose d'aussi existant depuis très longtemps.
- Sans blague ?! – râla Ali tout en
pensant - " Achète-toi une vie mec..."
- Hahaha, tu trouves que ça fait
nolife ce que je viens de dire ?
- Euh… Je me demande quand même
qu'est-ce qui se passe là-bas - se demanda Ali en regardant à nouveau l'image
fournie par les caméras très longue distance de la frégate - et pourquoi ce
croiseur n'est pas avec les autres ? Tu peux m'expliquer ça ? Je n’y comprends
rien du tout.
- Tu n'as pas besoin de comprendre,
tu as juste besoin de piloter. Alors en attendant prend une bière et profite de
la vue, quelque chose me dit qu'elle ne va pas durer très longtemps - dit le
doc en regardant l'hydre par l'un des hublots du cockpit, sourire en coin et
une bière à la main.
Il était amusant de voir comment
les rouages du destin se mettaient en place dans cette comédie cosmique. Très
lentement, mais de manière inévitable, en dépit de tout le sang versé, jour
après jour, année après année, siècle après siècle, rouage après rouage, la pièce
était jouée. Et là encore, de nouveaux acteurs allaient entrer sur la piste,
pleins de talents et de conviction. Et même si la pièce était écrite d’avance,
cette fois les acteurs étaient bien particuliers. Une femme aux origines
miraculeuses, un homme dont le rêve a dévié le cours de son histoire, un autre
qui a hérité d’une existence qui n’était pas la sienne, un clown déraisonnable
préparant un tour historique…
Comment est-ce que celui qui se
faisait appeler le doc pouvait ne pas sourire face à ce déroulement. Il était
là où il voulait être, aux premières loges avec une bière pas trop dégueulasse
à la main. Il ne restait plus qu’à profiter de ce deuxième acte.
- « Ça
va bientôt commencer » - pensa Alpha en s’asseyant plus confortablement dans
le siège du copilote, posant le bas de la bouteille humide sur le creux entre
sa poitrine et son ventre, sirotant le contenu de manière paresseuse.
- Tu sais que
de te voir décontracté comme ça m’énerve. Comment tu fais ? –
demanda Ali en voyant son ami.
- Ça ne sert
à rien de stresser pour ce qui est en dehors de notre contrôle.
- Tssk, allez
passe-moi une bière – demanda le pilote en se demandant comment il allait vivre
avec ce stress pendant deux semaines – tu veux que je te dise ? Mon
salaire a intérêt à doubler, non, tripler après ça.
- Amen à ça –
dit Alpha en tendant la bouteille pour un toast puis pensa – « oups, je ne
devrais peut-être pas dire ce genre de chose. Inutile de me faire voir
maintenant ».
Blabla de l’auteur
Hello à vous chers lecteurs ! Je vous
souhaite un super week end !
Texte time !
Si vous avez des questions, des
suggestions, etc… N’hésitez pas à laisser un commentaire ou à m’écrire ici :
unepageparjour@hotmail.com
Merci de me lire ! Vous êtes
formidables !! Tchuss et à demain !!! Portez-vous bien !!!!
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