jeudi 6 avril 2017

Le singe du songe, version complète

Le singe du songe


Il devait être 7 h du matin lorsque le docteur regarda une fois de plus sa liste de rendez-vous de la journée. Il voulait confirmer que tout était comme prévu, sans désistement de dernière minute que sa secrétaire aurait noté en oubliant de lui en parler même si la connaissant, c’était techniquement impossible. Cependant, le docteur Willmann ne pouvait pas s’empêcher de tout inspecter. Il était du genre paranoïaque lorsque son professionnalisme était en jeu. Une fois ceci fait, il sourit en savourant son deuxième café de la journée en humant l’arôme fruité avec un soupçon d’épices : Bahariya.

Les mercredis étaient d’habitude une source de migraine carabinée et celui-là n’allait pas être une exception. Les noms qu’il avait vus listés en étaient la preuve, cependant, en changeant de perspective, les mercredis étaient également des journées de challenge et d’apprentissage.
Au départ, ce n’était qu’une question de malchance et de défaut d’organisation. Comme par hasard, il s’était retrouvé avec des cas sociaux qui pouvaient donner l’envie aux plus incrédules de se tourner vers la foi, ou de regarder toutes les saisons des « heureuses licornes heureuses », l’émission pour enfants par excellence.

Prenons un rapide exemple. Un de ses clients, un jeune homme des plus charmants avec un début de carrière brillant dans la R.P.S.A (Rugby Parkour & Sport Association, un sport émergeant qui commence à gagner énormément en popularité) que nous appellerons Joe West.
Le problème de Monsieur West était simple, et complexe à la fois : il n’était pas du tout apte à une vie de célébrité parce qu’il pouvait aisément y trouver les moyens de réaliser ses pulsions destructrices. Que ce soit par les personnes dépendantes de sa renommée et de sa fortune, des lèche-culs, qui pouvaient détourner les yeux derrière des murailles d’excuses tant qu’elles y trouvaient leur intérêt. Ou par des personnes dont c’est le boulot de réaliser n’importe quel fantasme ou désir imaginable, il n’y avait juste qu’à payer leur prix...

Mais revenons-en à Monsieur West encore un petit moment. Ce n’est pas comme si vous aviez le choix de toute façon…
Monsieur West éprouvait des envies particulièrement déviantes, cependant, elles ne représentaient pas de danger. Vouloir râper la peau d’un individu, quel que soit son sexe ou son âge, n’était étonnamment pas la chose la plus dangereuse.

Ce qui rendait la situation semblable à un stock de poudre avec un crétin fumant un bon cigare à l’intérieur était le fait qu’il arrivait de plus en plus à normaliser ses pulsions, à les justifier et donc à les rendre aussi banales que le rituel du café du matin. Autrement dit, elles devenaient de plus en plus réalisables. On a tous eu des envies de meurtre. Soit au boulot après un entretien avec un responsable non seulement plus jeune, mais de plus sous-qualifié, ou dans la vie de tous les jours et là, ce ne sont pas les exemples qui manquent. Prenez simplement n’importe quel jour dans la semaine, normalement, vous avez votre cas. Si vous ne vous sentez pas concernés et que vous n’avez jamais envie d’étriper votre chien qui vient de chier sur votre lit, ou votre gosse qui vous traite de tous les noms en hurlant et courant partout ! Ou Jeff parce qu’il a eu votre promotion pour laquelle vous avez dû bosser dur !!… Ou toute autre personne pour une raison x ou y, félicitations.

La différence entre vous, personnes concernées, et Monsieur Joe West, est votre éthosensure: les barrières morales, culturelles, logiques, humaines tout simplement que vous avez de manière innée ou fabriquée le long de votre voie de développement intérieure. Et peu importe le nombre de fois où vous y penserez, cela n’ira jamais plus loin que de la colère bête ou qu’un simple fantasme isolé, du moins jusqu’à atteindre votre point de cassure. Ce niveau particulier où votre psyché cède sous la pression, sous le choc externe suffisamment violent pour créer une réaction en chaîne intrapsychique lourde de conséquences et pouvant amener la dépression, le trouble de la personnalité borderline, la démence en autres pathologies. Le choc en question peut être verbal ou simplement situationnel, ou encore physique, ou pire un mix de tout. Il peut endommager notre esprit, ou notre cerveau de manière directe ou les deux. Et certaines personnes sont plus influençables que d’autres, cette inégalité est en grande partie établie dès la naissance en raison des quantités d’hormones productibles et sa stabilité neurochimique. Cependant l’observation a montrée des faits où l’autodiscipline mentale est venue à bout de ce déterminisme universelle.

Pour Monsieur West, ce n’était plus une pulsion issue de la colère ou de la frustration, certes il avait l'hypothalamus ventro medial un petit peu plus développé que la normale, mais rien qui puisse justifier la banalisation de cette envie. Pensez au fait de vouloir vous acheter ce paquet de chewing-gum à côté de la caisse en vous disant : « tiens, pourquoi pas » et vous avez le point de vue de Monsieur West sur le râpage de peau. Une fois, il s’était retrouvé à suivre un couple qu’il avait croisé en se rendant à son entraînement. Ils avaient quelque chose d’attirant, quelque chose qui lui parlait, et ce quelque chose était leur bonheur. Il se voyait très bien dans la manière dont ils se baladaient ensemble, discutaient, s’embrassaient et se tenaient la main. Généralement, les pulsions destructrices étaient poussées à la réalisation par des émotions négatives comme la colère ou la haine ou la jalousie, ce genre d’émotions primaires et explosives particulièrement puissantes.

Cependant, Monsieur West n’éprouvait rien de cela à leur égard, bien au contraire, il les trouvait particulièrement charmants et beaux, mais d’une étrange façon, cette sensation se traduisait chez lui par l’envie de leur râper la peau, de les violer et de les cuisiner. Où était le rapport entre ces deux phénomènes ? Comment une personne pouvait-elle être autant corrompue par son propre cerveau ? C’était bien là le but et le défi du travail du docteur Willmann : trouver le problème, le régler et bien sûr, redonner aux patients le contrôle de leur vie. C’était ce qu’il avait appris à aimer et ce qui allait rendre ce mercredi intéressant et finir sur une migraine carabinée et un nanar pour laisser le cerveau refroidir. Il aimait bien les séries des octoserpents contre vermigator, ça et quelques verres de champagne « Duchatel » et tous les soucis du monde s’envolaient en un instant. Ce cas peut vous paraître obscur parce que vous avez peut-être du mal à comprendre comment c’est possible, car dans l’incapacité de vous mettre à la place de Monsieur West, et c’est très bien comme ça, il vaut mieux ne pas se balader dans le chaos d’un tel esprit sans avoir les outils pour s’y repérer. Tournons donc cette page, vu que ce n’est pas le sujet de cette histoire.

Après avoir pris une autre gorgée de son café qui lui passa agréablement par la gorge, le docteur Willmann posa sa tasse sur un sous-verre dans le coin gauche de son bureau impeccablement bien rangé et simpliste. En termes de décoration, il n’y avait qu’une petite statue ronde extrêmement rare et coûteuse d’un vieil homme à la longue barbe blanche et tout de noir vêtu : Kvasir, ancien symbole de la sagesse à une époque où les hommes étaient à peine plus intelligents que des animaux. Du moins, c’était la prétention des hommes modernes. Quant à la réalité, eh bien, c’est une question complexe. Ce n’est pas de celles qui peuvent tenir éveillé la nuit pour finir par un orgasme intellectuel, mais juste, deux minutes OK ? Juste deux minutes... Si l’on prenait un adulte d’il y a 100 ou 300 ou 500 ans pour l’inclure dans la société moderne, quelles seraient ses chances de s’acclimater ? Et si l’on prenait un enfant d’il y a 100 ou 300, bref vous avez compris, et que l’on faisait la même chose, quelles seraient ses chances de s’adapter ? L’espèce humaine a-t-elle évolué intellectuellement depuis ses origines ? Et par « intellectuellement », comprenez la capacité à traiter l’information. Ou cache-t-elle sa stagnation derrière le progrès amené par quelques-uns ? Parce qu’il était, selon Willmann, une erreur de considérer le progrès comme synonyme d’évolution.

Donc voilà, vous avez eu vos deux minutes de réflexion par jour, et avez conclu par un « mouais », on peut donc continuer notre histoire. Et pour ceux qui ont poussé la réflexion au-delà du temps conseillé, il n’y a qu’une chose à leur dire : cool… Mais assez tourné autour du pot, focalisons-nous sur le problème, et par nous, j’entends « je » bien évidemment.

Une fois le verre posé, et ce sera la dernière fois que le café sera évoqué, Willmann pressa le bord inférieur de l’écran au milieu de son bureau en poussant légèrement vers le bas dans le but d’ajuster l’inclinaison à sa convenance. Ensuite, il appuya sur le premier nom de la liste de rendez-vous : monsieur Jacob Moire. Immédiatement après, la fiche personnelle de ce dernier défila sur l’écran. Jacob souffrait d’un cas d’agoraphobie au départ (simplement expliquée par la peur de l’extérieur) et chez lui, c’était la peur des gens et non des espaces ouverts. Donc plus de la phobie sociale que de l’agoraphobie, mais permettons-nous un degré de non-professionnalisme dans le choix des mots. Les visites de Monsieur Moire étaient espacées à raison d’une tous les deux mois, c’était le temps nécessaire pour qu’il trouve le courage de mettre les pieds hors de son appartement. Le docteur Willmann faisait un point d’honneur à ce qu’il se déplace, qu’il se stresse. Parce que sans cela, il n’avait aucune raison de respirer l’air de l’extérieur. Aujourd’hui, vivre en « reclus » n’est plus une bizarrerie : boulot, courses, divertissements, absolument tout peut se faire de chez soi dans le réel comme dans le virtuel et c’est un véritable choix de vie plus qu’autre chose. Et pour compliquer les choses, pourquoi pas après tout, personne n’aime la simplicité, ce choix de vie lui réussissait.

Jacob était un excellent spéculateur financier et avait plusieurs bons placements, alors vivre dans un appartement de plus de 2 000 mètres carrés n’aidait pas à créer une sensation d’enfermement pour contrebalancer l’agoraphobie. Quelquefois, ça pouvait marcher.

Cependant, ce n’était pas l’agoraphobie qui faisait l’objet de leurs entretiens récents, Jacob avait développé un cas de sommeil éveillé encore appelé paralysie du sommeil. Elle était survenue sans raison apparente.
Malgré ses réticences, Jacob avait essayé des solutions médicamenteuses, mais évidemment, elles furent sans effet. Un problème d’origine psychologique n’avait pas forcément de solution pharmaceutique. Les médicaments étaient loin d’être la solution à tout et Jacob subissait cette réalité. Il se réveillait tous les jours en étant plus fatigué que la veille à tel point que l’idée du suicide, rejetée violemment au début du problème, était devenue particulièrement attirante.

Nausées, migraines, hallucinations et troubles visuels n’étaient que quelques-uns des symptômes qu’il éprouvait au quotidien. Si l’on rajoutait aussi le paradoxe du riche qu’il vivait (de manière simple, il a toujours été coutume d’associer bonheur et réussite, fortune et tout ça. Presque aussi loin que remonte l’histoire de l’humanité, la quête de la richesse à tout prix est devenue un but en soi et certains vont jusqu’à y inclure le principe du « à tout prix ». Maintenant, si toute votre vie, vous pensiez que devenir riche était indispensable à votre bonheur comme du café le matin… et qu’au bout du compte, vous vous rendez compte que soit vous êtes passé à côté des choses importantes ou que vous rencontrez un problème que toute votre fortune réunie ne peut résoudre, eh bien, vous l’avez dans le cul.

Ces personnes développent des cas de sévères dépressions tant qu’elles ne changent pas de perspective) la vie de Jacob était loin d’être enviable.
Ce cas était des plus fascinants, pas unique à la connaissance du docteur Willmann, mais néanmoins fascinant. Avoir un tel sujet entre ses mains était une véritable chance. Le sommeil éveillé de Jacob était un phénomène durant lequel il était pleinement conscient au moment du réveil, mais se retrouvait dans l’incapacité de ne serait-ce que bouger le petit doigt. Le degré d’immobilité variait d’une personne à l’autre et dans le cas de Jacob, elle était totale et touchait même certains de ses organes internes comme les poumons. Il avait du mal à respirer ce qui pouvait expliquer les expériences extracorporelles, comme il les définissait, qu’il avait à ces moments. Le fait de manquer d’air réduisait l’apport d’oxygène au cerveau. En combinant cette défaillance respiratoire aux qualités inhérentes à la paralysie du sommeil, on pouvait vivre de violentes hallucinations visuelles et auditives.

Mettez-vous en condition, faites votre gymnastique mentale pour pouvoir imaginer la scène qui va suivre... Vous vous réveillez, les yeux fixés au plafond. Vous avez l’impression qu’il est trop tôt et pour une raison étrange, le plafond est mobile et changeant de forme comme une illusion dans le désert. La forme est là mais pour une étrange raison vous n'arrivez ps à la maintenir, comme si le plafond bougeait ou que c'est vous qui bougiez, mais vous être sur votre lit, alors la question vient naturellement : Qu'est ce qui se passe ?
Vous vous dites que c’est la fatigue, vous essayez de tourner la tête pour regarder quelle heure il est, par réflexe comme si cela allait tirer tout au clair. Mais vous ne pouvez pas.
  • Hein ? vous vous dites encore dans le cirage.
Alors vous essayez à nouveau, mais votre tête ne bouge pas d’un millimètre. Vous vous dites que peut-être vous avez mal dormi, il y a un truc qui s’est passé durant le sommeil et peut-être que ça va passer ? Mais malgré ce que vous pensez être des minutes la situation ne s'arrange pas. Peut-être un auto massage rapide ? Pourquoi ne pas voir ce qui se dit sur le net ? Il y a peut-être des trucs à faire pour aider avant de prendre rendez-vous chez le médecin, histoire que ce soit moins désagréable. Le téléphone est sur votre chevet, et dans votre tête, vous tendez le bras pour le saisir, mais la réalité vous dit non. Votre bras reste dans la même position.

Le « Hein ?? » devient plus important et fait écho dans votre esprit
  • Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi je ne bouge pas ? Putain, c’est quoi ce délire ? paniquez-vous.
La peur vous envahit parce que vous ne comprenez pas ce qui se passe, et elle grandit, grossit en vous, alors que la réalité de votre situation devient plus concrète : vous êtes complètement immobilisé, de la tête à la pointe des pieds. Et c’est là que vous entendez des bruits, comme des bruits de pas venant de l’autre côté de la porte de votre chambre. Elle est entrouverte, mais pourtant, vous vous rappelez l’avoir fermée.
  • Il y a quelqu’un ? essayez-vous de demander, en vous disant que c’est peut-être... C’est peut-être qui ? Qui peut bien être chez vous à cette heure ?
Mais non seulement aucun son ne sort de votre bouche, mais de plus vous entendez des rires tout autour de vous. Vous voyez des ombres partout où votre regard se pose. Ces ombres prennent des formes cauchemardesques en bougeant vers vous et là, vous entendez votre porte grincer. Vous voyez quelque chose, une silhouette fine, bossue et recouverte de piques suintant une matière boueuse à l’aspect dégueulasse et à l’odeur épouvantable, se faufiler. Votre cœur bat à cent à l’heure alors que vous essayez encore de bouger, de faire quelque chose, mais vous restez cloué à votre lit. Imaginez la créature avançant à quatre pattes dans le noir en direction de votre lit. Vous entendez ses pas sur le parquet, vous entendez son souffle se rapprocher jusqu’à ce qu’elle soit toute proche. Vous voyez la silhouette grimper sur votre lit en prenant tout son temps, vous faisant bien comprendre que vous êtes complètement impuissant, démuni même de la capacité de fuir.

Elle grimpe, un bras griffu après l'autre, et vous sentez la couverture glisser le long de votre torse sous son poids mais vous ne pouvez que la regarder, défiant ou apeuré. Cela n’a aucune importance, parce qu’elle va placer ses mains griffues et chitineuses autour de votre cou et serrer fort sans que vous ne puissiez vous débattre, comme un nouveau-né. Votre souffle est coupé, la peur commence à vous posséder si ce n’était déjà pas le cas. Vous sentez la douleur, le froid de la chitine sur votre cou, la puissance de sa prise et vous voyez également le visage défiguré et horrible de la créature se rapprocher du vôtre, très près, trop près. Vous voyez ses yeux de poisson mort vous pénétrer l'esprit, vous pénétrer la conscience, vous pénétrer l'âme. Vous sentez son souffle froid et putride, comme venu d’outre-tombe, vous brûler la peau. Vous voyez ses lèvres s’écarter, sa bouche s’ouvrir dévoilant une rangée de dents pointues. Vous sentez sa bave vous tomber dessus, mixte de salive et de sang. Et vous l’entendez vous murmurer sur un ton excité alors qu’elle vous sert encore le cou
  • Je reviendrai te prendre lorsque le temps sera venu !
Avant de disparaître dans un éclat de rire à vous glacer le sang.
Ceci est un exemple parmi tant d’autres d’expérience liée à la paralysie du sommeil.

Dans le cas de Jacob, c’était encore plus particulier.

Les « visions » de Jacob étaient très souvent étranges, et quelquefois sans queue ni tête. Il y avait un rêve sur des pêcheurs, garants de la survie de leur peuple au bord de l’extinction. La seule nourriture qu’ils pouvaient trouver provenait de la mer, mais cette dernière était peuplée de créatures marines assoiffées de sang et de démons des mers. Il avait également eu un rêve psychédélique avec des pièces de l’espace changeant perpétuellement de couleur de manière chaotique, c’était à n’y rien comprendre de prime abord. Un autre encore était un carnaval des plus particuliers avec des dragons et des hommes qui volaient côte à côte au milieu d’un océan d’étoiles qui chantaient une sorte d’hymne se rapprochant de celui chanté par les anges. Quoique ceci était un cas vraiment particulier que le docteur Willmann devait débattre avec ses collègues.

Il s’agissait là du cas de rêve collectif le plus important de l’histoire, et trouver une explication logique à tout cela allait être un véritable challenge même après plusieurs années de théorisation… Une mélodie de violon le sortit de ses pensées, il pressa sur la photo de sa secrétaire qui venait d’apparaître en bas, à droite de son écran, puis il entendit la voix synthétique de la dame.
  • Monsieur Willmann, votre rendez-vous de 8 h, Monsieur Jacob Moire, est arrivé.
  • Déjà ? Bien ! Faites-le entrer s’il vous plait, Madame Flintstone, répondit le docteur.
La porte du bureau fut ouverte de l’extérieur et un homme dans la trentaine passa timidement la tête en cherchant le docteur du regard.
  • Bonjour docteur Willmann, dit-il d’une petite voix.
  • Ah Monsieur Moire, entrez donc, entrez donc, l’invita Willmann d’un  
geste de la main qui se voulait respectueux et rassurant. Jacob sortit de derrière la porte qu’il referma doucement après être entré.
C’était un homme de taille moyenne, à la physionomie moyenne, ni particulièrement bel homme, ni particulièrement moche non plus portant un t-shirt et un pantalon de ville. Personne ne penserait en regardant cet homme qu’il était dans le top 30 000 des plus grandes fortunes de la CEDEP (Communauté Économique Des États Parlementaires, dénomination complexe pour définir des démocraties qui se partagent 15 systèmes solaires pour l’instant, mais leur stratégie d’expansion après guerre allait probablement doubler ce nombre dans les 10 à 12 prochaines années. Mais laissons la politique de côté et revenons-en à notre petite histoire).
À la mine qu’il avait, il donnait l’impression d’être un drogué en manque : yeux rouges et teint pâle, presque blanc papier.

  • Comment allez-vous, Monsieur Moire ? demanda Willmann en se levant pour serrer la main moite de Jacob, même si la réponse était évidente.
  • Je ne sais pas trop docteur, je commence à croire que je suis vraiment fou, j’avais besoin de vous voir en urgence, répondit ce dernier.
Le docteur Willmann regarda son patient intrigué, devenir fou était une expression populaire comme "je vais te tuer" ou "je t"aime" qui a perdu de son sens premier. Alors son patient essayait-il de lui dire qu'il était déboussolé ou qu'il venait de faire une expérience qui avait détruit les murs de sa psyché libérant les monstres enfouis à l'intérieur. Cette dernière option était des plus intrigantes, cependant il ne pouvait se permettre de laisser toutes les brèches ouvertes.

Si son patient était désormais atteint de troubles psychiques, il devait recadré son esprit au plus vite.
  • Aucun problème Monsieur Moire, je regrette simplement de ne pas avoir énormément de temps à vous consacrer. Asseyez-vous donc et racontez-moi ce qui vous arrive, demanda Willman en invitant Jacob à s’asseoir sur un divan, le seul utilisé dans quelques cas rares demandant la relaxation du patient, placé à gauche du bureau à côté de la fenêtre qui s’assombrit aussitôt pour couper la pièce des yeux et oreilles indiscrètes - Musique ? ajouta-t-il en activant également l’enregistrement de la séance et en prenant place dans un fauteuil luxueux non loin du divan où son patient était allongé.
  • Euh oui, merci docteur, répondit Jacob confortablement installé. Le meuble épousa immédiatement les formes de son corps, puis il s’ajusta à la température idéale de son corps et pour finir, il commença à vibrer sur une fréquence à peine perceptible, mais qui incita Jacob à se relaxer, ce qui était un exploit en soi.

Des quatre coins de l’énorme pièce d’une simplicité et propreté clinique s’échappa une symphonie calme et apaisante, des bruits de vagues associés à un son de flûtes, de piano et de violons entre autres. Et pour finir, une odeur agréable se propagea partout dans la pièce, une odeur de gâteau aux amandes avec un cœur de myrtilles. Le docteur Willmann avait dû passer des dizaines de coups de fil pour trouver les bons composants, mais il ne regrettait pas de l’avoir fait. Le souvenir olfactif projetait Jacob dans sa tendre enfance, aux côtés de sa grand-mère qui l’aimait plus que tout au monde. Cette technique était dérivée de l'audioanalgesia, lorsque la sensation de douleur  pouvait être limitée par l'écoute de la musique. La quodanalgesia est l'utilisation de plusieurs sens, ici olfactif et auditif, pour limiter la sensibilité au stress.

  • Comment vous sentez-vous ? demanda Willmann.
  • Très bien docteur, répondit Jacob et c’était sincère. Il se sentait partir, ses soucis, ses problèmes, sa fatigue étaient comme emportés par une brise agréable. Là, il pouvait fermer les yeux et sombrer, sombrer...
  • Parfait ! Vous arriverez à vous souvenir par vous-même ou on procède à l’hypnose ? demanda Willmann.
  • L’hypnose, répondit Jacob. Je ne suis pas certain de me rappeler tous les détails dont vous aurez besoin.
  • Parfait. Avant de commencer, je dois vous préciser que la séance sera enregistrée et que vous pourrez y accéder comme d’habitude en vous connectant à votre compte. Maintenant que c’est fait procédons, dit Willmann en claquant nonchalamment des doigts et instantanément, Jacob ferma les yeux et posa ses mains sur la poitrine. Racontez-moi ce qui vous préoccupe, Monsieur Moire, ordonna calmement le docteur.
  • Je me suis réveillé paralysé, commença à raconter Jacob, sur un ton serein. La montre au plafond indiquait 4 h 15…

Le docteur Willmann prit note mentalement de l'heure.
  • Vous l’avez finalement installée ? demanda Willmann en croisant les jambes sur son fauteuil, essayant de prendre une pose plus confortable.
  • Oui, comme vous me l’avez demandé, répondit Jacob.
C'était lors d'une séance précédente qu'il lui avait conseillé de le faire pour deux raisons : un souci des détails, noter l’heure à chaque récurrence pouvait avoir son importance vu que certaines pathologies ou événements étaient liés à l'heure. Et deuxièmement, pour avoir un lien avec la réalité, aussi infime soit-il.  

  • Parfait. 4 h 15 donc ? - demanda Willmann en cherchant dans la bibliothèque de son esprit. A sa connaissance il n'y avait pas beaucoup de possibilités liées à cette heure, mais c'était déjà un début pour trouver quelque chose d'utilisable - À quel point étiez-vous conscient ? - changea t il de sujet.
  • Un peu comme maintenant.
  • Semi-conscient donc. Parfait. La paralysie était comme d’habitude totale ?
  • Oui.
  • Hmm parfait. Avez-vous remarqué quelque chose de particulier ?
  • Non, je ne pense pas.
  • Vraiment rien ?
  • Je ne sais pas, qu’est-ce que j’aurai dû remarquer ?
  • Une sensation étrangère comme une douleur derrière la rétine, ou un son particulier comme un bourdonnement, ou une odeur particulière ? Quelque chose qui sort de l’ordinaire.
  • Pas cette fois-là.
  • Très bien. Dans ce cas, décrivez-moi ce que vous avez ressenti.
  • Mon corps ne m’obéissait pas. Je n’arrivai pas à me lever ou bouger le petit doigt et j’avais de plus en plus de mal à… à respirer… j’ai du mal… Jacob commença à étouffer. Son visage montrait qu’il voulait se débattre, mais son corps restait comme un i, immobile.
  • Monsieur Moire, calmez-vous ! ordonna Willmann sur un ton rassurant, mais autoritaire. Il n’y a absolument rien à craindre. Prenez une profonde inspiration, voilà. Maintenant doucement, inspirez, expirez ! Parfait Monsieur Moire, c’est très bien. Vous pouvez continuer sans avoir peur, je suis là pour vous.
  • Merci docteur, répondit Jacob en continuant à respirer sur le rythme donné par le docteur. J’avais peur, je ne comprenais pas ce qui se passait.
  • C’est parfaitement compréhensible, Monsieur Moire, c’est une réaction des plus normales et on travaille pour surmonter cette peur. On trouvera la source de ce phénomène ensemble, certifia Willmann en usant de son ton le plus rassurant

Jacob se détendit d'avantage même sous l'hypnose en sentant la sincérité du docteur. Il pouvait lui faire confiance.
  • Oui docteur, acquiesça Jacob.
  • Parfait. Donc les difficultés de perception que vous avez éprouvées étaient similaires aux cas précédents ? Plus poussées ou à l’inverse moins gênantes ?
  • Plus poussées docteur. J’ai eu l’impression d’être très loin.
  • Vous pouvez être plus précis ?
  • Je ne sais pas docteur, j’avais simplement l’impression d’être ailleurs que dans mon lit.
  • Voyage extracorporel ? nota Willmann sous forme de remarque plutôt que de question. Quelqu’un de sa notoriété avait déjà eu l’occasion de rencontrer des cas similaires, pourtant, ils demeuraient particulièrement intéressants pour sa curiosité. Parfait. Dans ce cas,  
où étiez-vous, Monsieur Moire ?

  • Dans l’espace au côté d’un singe, répondit Jacob.
  • Je vous demande pardon ? Voulez-vous bien répondre une nouvelle fois à la question Monsieur Moire ? J’ai bien peur de ne pas avoir bien entendu, demanda Willmann en gardant son ton sérieux.
  • J’étais dans l’espace, au côté d’un singe surfant sur une météorite dans un tunnel d’eau blanche, affirma Jacob.
  • Monsieur Moire, parlez-moi de votre journée précédant ce rêve, interrogea Willmann en collant les doigts les uns contre les autres. Vous avez peut-être été en contact avec quelque chose de pas très sain.
  • Je me suis réveillé à 5 h 08, j’avais une terrible envie de pisser ainsi que quelques maux de ventre…
  • Excusez-moi, Monsieur Moire, mais je ne demandais pas autant d’informations. Malheureusement, nous n’avons pas le temps d’étudier tous les détails de votre vie trépidante lors de cette séance. Prenez juste quelques minutes pour réfléchir et dites-moi si vous vous rappelez de quelque chose qui sortait de l’ordinaire. Aussi infime qu’ait pu vous paraître ce détail sur l’instant, il peut avoir son importance. Par exemple, avez-vous pris une quelconque substance hallucinogène, voire même à votre insu ?
  • Non, il ne me semble pas.
  • Oui j’imagine bien. Excusez-moi, cette question était des plus absurdes. Mais je dois m’assurer de comprendre autant que faire se peut. Vous seriez surpris du nombre de cas d’ingestion de drogues sans que les victimes soient au courant. Plusieurs de mes clients avaient des poches de TpT cachées dans les conduits de leurs villas, appartements, lodges, par des personnes mal intentionnées ou quelquefois leurs enfants, dit Willmann en laissant échapper un rire qu’il essayait de retenir. Rien que de penser à la stupidité de ces cas le pliait en deux.

Désolé Monsieur Moire, continua-t-il de manière plus professionnelle et calme comme à son habitude. Le TpT est l’une des drogues les plus volatiles, elle se propage dans l’air et a une odeur très subtile de noisette. Heureusement qu’il y en a très peu en circulation à Bell’ayr.
  • Non, je ne me rappelle rien de la sorte. J’étais juste très fatigué alors peut-être que je n’ai rien remarqué.
Cela m’étonnerait beaucoup pour être franc, mais je garde cette possibilité à l’esprit. Pour votre fatigue, vous la sentez encore ?
  • Oui, je suis complètement épuisé et j’ai du mal à réfléchir, je n’en peux plus...
  • Du calme, Monsieur Moire. Je peux vous assurer que ce n’est que passager, comme le cas d’Épité.
  • Épité ?

  • Une très vieille histoire. Je vous la raconterai un autre jour quand on aura plus de temps à notre disposition, si cela vous intéresse toujours.
  • OK.
  • Vous avez fait les radios comme je vous l’ai demandé ?  
  • Oui, il n’y avait rien. Je vais vous montr… Jacob commença à chercher sur lui et ses gestes commençaient à être plus nerveux à mesure qu’il ne trouvait rien, comme si la panique commençait à monter.
  • Calmez-vous, Monsieur Moire, ce n’est rien de grave.
  • Je suis désolé docteur j’ai oublié, dit Jacob et il était apparent qu’il s’en voulait énormément, ce que le docteur Willmann ne manqua pas de noter favorablement.

Il fallait néanmoins calmer l'angoisse naissante de jacob pour pouvoir continuer la séance. Alors le docteur continua à user de son ton calme et lui dit:
  • Ce n’est pas grave, vous me les enverrez dans la journée ou lors de votre prochaine visite. Si vous me dites que le docteur Miguelsan n’a rien vu sur les radios, alors je vous crois. On peut définitivement rayer des troubles comme la palinopsie par exemple, même si de base elle était peu probable. Alors Calmez-vous, détendez-vous et prenez une bonne inspiration. Parfait, dit Willmann en tournant lentement la tête vers son bureau. Puis, s’étant assuré que tout était en ordre, il retourna son attention sur Jacob. Même si les douleurs que vous aviez ont disparu, cela ne signifie pas qu’elles ne reviendront pas, et ce, malgré le fait que les radios ne montrent rien de particulier.
  • Pourquoi ça ?
  • Parce qu’elles ne sont pas d’origine physiologique, mais psychologique. Il arrive que certaines douleurs soient fictives, ce sont des douleurs fantômes. Par contre, ce n’est pas parce qu’elles sont fictives qu’elles n’en sont pas moins réelles. Vous voyez, il arrive et je précise bien : il arrive que le cerveau lance des appels à l’aide à travers des douleurs, des gênes, et si ces appels sont ignorés ils peuvent se développer sur le plan physiologique. Des cas de maladies graves comme des cancers de type “M” ont été diagnostiqués de la sorte, c’est malheureusement une réalité peu connue même de nos jours. En général, l’apparition des symptômes est due à un certain mal-être comme un excès de stress. Cependant, ne nous précipitons pas à imaginer le pire et procédons méthodiquement. Je vous conseille personnellement d’attendre quelques séances puis de refaire des radios par sécurité. Comme ça, nous pourrons être sûrs d’être sur la bonne voie, mais en attendant, concentrons-nous sur ce qu’on peut faire. Les indices de votre trouble sont probablement liés à vos rêves, votre esprit peut cacher des évènements traumatiques de votre vie en s’aidant de l’imaginaire, ce qui rend la tâche des plus complexes. Parlez-moi donc de ce rêve, Monsieur Moire.

  • J’étais au milieu d’un tunnel, vous savez comme dans ces vidéos de surf, mais l’eau était bizarre. Elle était blanche et effilée.
  • Effilée ? Comment ça ?
  • Je ne sais pas trop comment l’expliquer, mais c’était un peu comme si vous regardiez par le hublot lors d’un voyage « supraluminique ».   
  • Mr Moire, êtes-vous en train de me dire que vous étiez à l’intérieur d’un tunnel d’Alzimer ?
  • Je n’en suis pas certain, mais ça ressemblait à ça.
  • Mr Moire, je veux que vous me décriviez ce singe dans les moindres détails, demanda Willmann en s’avançant sur son fauteuil, son regard habituellement neutre trahissait une légère pointe d’inquiétude.
  • Je ne veux pas, je ne veux pas me rappeler, gémit Jacob le front couvert de sueur.
  • Mr Moire ? demanda Willmann surpris. C’était la première fois que Jacob faisait preuve de « rébellion », surtout sous hypnose.
  • Docteur vous ne comprenez pas, il m’a regardé. Il m’a regardé. Il sait que je l’ai vu, et ses yeux… Ses yeux !! …
  • Mr Moire, je m’excuse de vous interrompre, mais j’ai besoin que vous me racontiez absolument tout. C’est extrêmement important, dit le docteur Willmann avec une très légère pointe d’agitation, puis rajouta : pour vous cela va s’en dire. Comprenez que ce n’est qu’un rêve, vous n’avez absolument rien à craindre.
  • Oui docteur, répondit Jacob, mais cela se voyait qu’il n’avait
absolument pas envie de se soumettre.

  • Parfait. Regardez-le à nouveau. Il n’est que le fruit de votre imagination, alors ne paniquez pas et décrivez-le-moi.
  • Je n’avais jamais vu un singe pareil de toute ma vie, commença Jacob en forçant pour que chaque mot sorte de sa bouche. Il était assis sur sa roche comme si c’était une sorte de trône. Sa corpulence était particulièrement chétive comme s’il n’avait rien mangé depuis des semaines, mais il ne semblait pas être affaibli pour autant. J’avais l’impression terrifiante qu’il aurait pu me réduire en poussière cosmique rien qu’en m’effleurant. Sa fourrure était longue et dorée, elle brillait même dans l’obscurité de l’espace comme un soleil. Il avait comme deux avant-bras collés les uns aux autres ainsi que dix doigts à chaque main, dit Jacob en collant ses bras ensemble pour montrer au docteur qui acquiesçait de la tête sans dire un mot. Bien trop grandes pour faire sens et ses bras étaient anormalement longs et dépassaient les genoux de ses pattes bien trop longues pour un singe. Ses yeux… Ses yeux lorsqu’il m’a regardé, ses yeux étaient comme… comme des supernovas… A cet instant, Willmann se recula dans son siège et colla les doigts les uns contre les autres à l’image d’une pyramide… qui irradiaient son visage d’une lumière aveuglante...
  • Eh bien, vous avez imaginé un drôle d’animal, Monsieur Moire !
Le docteur tapota ses doigts les uns contres les autres en visualisant l'image très clairement dans son esprit.
  • Vous... Vous savez ce que ça signifie ? demanda Jacob haletant comme s’il venait de faire un marathon.
  • Pas encore, répondit Willmann en observant attentivement son patient. Mais la plupart de vos rêves dépeignent des évènements extraordinaires et fantaisistes, ce qui peut signifier un désir de changement, de voir des choses qui sortent de l’ordinaire. Vous avez peut-être besoin de voyager, qu’est-ce que vous en pensez ?       
  • C’est vrai que j’ai toujours rêvé de faire un road trip, prendre un sac à dos et partir quelque part, peu importe où, répondit Jacob encore sous le choc.
  • Je ne peux que vous conseiller de prendre les précautions nécessaires. Cependant, ne nous précipitons pas sur les conclusions, continuez votre rêve, je vous prie, Monsieur Moire, ordonna Willmann.
  • Le singe surfait sur cette sorte de vague, j’ignore comment on peut
surfer assis, sur une roche, dans l’espace, mais c’est bien ce qu’il faisait, dit Jacob confirmant à nouveau ce qu’il avait vu.

  • Ensuite ? demanda simplement Willmann.
  • Ensuite il a percuté un planétoïde.
  • Percuté un planétoïde ? demanda Willmann en répétant bêtement les mots de Jacob.
  • Oui, je me trouvais en dessous lorsque c’est arrivé. Il y avait de la vie en bas, mais pas beaucoup. J’étais au milieu de montagnes, la neige noire perlait sans arrêt, plus de la cendre que de la neige maintenant que j’y pense. Quelques créatures étranges semblaient s’en nourrir. Elles ressemblaient à des rennes, mais plus grandes et à six pattes. Leurs cornes étaient faites de roches en fusion et leur corps était recouvert de pustules qui explosaient en libérant du magma.
  • Eh bien, vous avez une sacrée imagination, Monsieur Moire !
  • Merci docteur.
  • Et donc la suite ?
  • Ces créatures n’étaient pas les seules présentes sur ses montagnes. Une meute de créatures tout aussi étranges était immobilisée plus bas. Elles étaient un mélange bizarre d’espèces différentes dont la peau était comme composée de granite bleuté : la tête était de petite taille avec deux paires d’yeux à l’avant et sur l’arrière du crâne aplati, à quelques centimètres de leurs oreilles pointues. Un nez constitué de trois fentes au milieu de leur visage effrayant, et sans bouche. Sur leur dos, il y avait des protubérances osseuses de tailles et de formes aléatoires. Plus bas, au moins une quarantaine de crocs de la taille d’un doigt ceinturaient le torse. Leurs pattes arrière ressemblaient, par leur structure, à celles de sauterelles, et pour finir, leur queue était épaisse, comme des troncs d’arbre à l’écorce de pierre. Et puis, elle arriva…
  • Elle ? demanda Willmann intrigué.
  • Dans le ciel, en dessous de la météorite qui nous fonçait dessus, il y avait une sorte d’oiseau. Tout autour était sombre, la neige, les rennes, les montagnes, les nuages... Tout était sombre avec une pointe de rougeoiement provenant du magma, mais cet oiseau était comme leur source de lumière, leur lune. Il brillait de mille lumières éclairant toutes les terres qu’il recouvrait de ses gigantesques ailes... C’était magnifique. En le regardant, pendant une fraction de seconde, j’ai eu de l’espoir.

  • Hmm ?
  • L’oiseau s’est jeté sur la météorite pour essayer de l’arrêter. On regardait tous, le souffle coupé, comment la pierre qui annonçait notre fin éclata en mille morceaux. Les rennes, les créatures souterraines, les prédateurs, moi-même, tous... On a tous poussé un cri de joie, une pluie de météorites était préférable à ce qui nous serait tombé dessus. Mais rapidement, les bêtes hurlèrent à nouveau alors que la cendre devint plus lourde. Sa couleur avait changé, elle était devenue blanche. Je n’ai pas tout de suite compris ce qui s’était passé jusqu’à ce que je l’entende fendre le ciel, et lever le sol dans un violent tremblement de terre. Les bêtes autour de moi commencèrent à perdre la raison. Les prédateurs se jetaient sur tout ce qu’ils pouvaient voir, même ceux de leur espèce. Ils projetaient leurs crocs rattachés par des tentacules, comme des balles et aspiraient les fluides vitaux et le magma avant de réduire les victimes en charpie. Les rennes écrabouillaient de leurs sabots et pourfendaient de leurs cornes tout ce qui se trouvait sur leur chemin... C’était comme si la peur avait obscurci leur raison et je commençais à la sentir aussi. Étrangère, elle m’enlaçait les jambes comme un serpent incorporel, et petit à petit, elle se frayait un chemin vers mon cœur. Et... Et, ses crocs mordirent... mordirent mon cœur ! Il arrive !! Il arrive !!!! hurla Jacob avant de se lever d’un bond et se jeter sur le docteur Willmann, complètement enragé.

Une réaction aussi violente était extrêmement rare lors d’une hypnose, et à voir l’expression de son visage déformé par la peur, Jacob donnait l’impression d’être complètement possédé. Les dents de Jacob s’arrêtèrent à quelques centimètres du nez de Willmann qui resta impassible. Tout s’était passé tellement vite qu’il se peut qu’il n’ait pas eu le temps de réagir. Alors pourquoi la scène donnait-elle l’impression que Jacob était figé dans les airs, mais que le docteur replaçait ses lunettes en lançant un regard noir à son patient. Et pourquoi Jacob revenait-il en arrière par bonds, comme si le temps était forcé à se rembobiner, tiré même vers l’arrière.

  • on.. eur Moi… Monsieur Moire ?!
  • Euh oui ? demanda lentement Jacob en revenant à lui.
  • Ah Monsieur Moire ! Vous m’avez fait une de ses peurs, dit le docteur sur un ton inquiet qui ne lui ressemblait pas.
  • Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda Jacob encore sonné.
  • C’est ma faute, je crois que nous avons plongé un petit trop profond et atteint votre inconscient.
  • Je ne comprends pas, répondit Jacob en essayant de se relever, mais c’était comme s’il était vidé de ses forces.
  • Restez allongé quelques minutes, ça ira mieux, dit Willmann sur un ton rassurant. Comme je vous le disais, nous avons franchi accidentellement la barrière du subconscient et avons plongé dans votre inconscient.
  • Accidentellement ? demanda Jacob en se couvrant les yeux de son bras, il avait l’impression de revenir de très loin. Vous savez lorsque vous ouvrez les yeux et que vous vous sentez faible et sur le point de vomir, avec l’esprit complètement embrûmé, incapable de comprendre où vous êtes.
  • Oui, vous étiez réticents à me divulguer les informations qui m’auraient été utiles à mieux cerner votre cas, alors j’ai dû vous aider à plonger progressivement un peu plus profondément dans votre subconscient jusqu’à atteindre le niveau de votre inconscient. Et ça s’est un peu trop bien passé, vous étiez en train d’entrer dans un état catatonique. Ne désirant pas faire pression sur votre psyché, j’ai préféré vous ramener à la réalité. Je suis sincèrement navré, je ne m’attendais pas à ce que vous soyez si influençable, dit le docteur Willmann en gardant tout son sérieux.
  • Je ne sais pas trop comment le prendre, répondit Jacob sur un ton vide, épuisé.

Le docteur regarda son patient d'un air amusé, souriant d'un coin des lèvres avant de répondre :
  • De manière positive bien évidemment. Bien, je suggère qu’on arrête là.
  • Vous avez tout ce qu’il vous faut ? - demanda jacob d'une petite voix. il était sans nul doute épuisé par tout ce qu'il venait de vivre.
  • Non, mais je ne pense pas que vous soyez en état de continuer la séance. Je ne veux surtout pas laisser mon empreinte dans votre inconscient... commença à dire le docteur Willmann, mais il fut interrompu par Jacob.
  • Docteur, j’ai envie que ça s’arrête. J’ai envie que ça s’arrête le plus tôt possible ! Regardez-moi ! Je suis réduit à un état de loque et j’en ai marre ! J’ai peur de dormir, peur de rester éveillé, peur de mettre le pied dehors, peur de croiser quelqu’un. Je n’en peux plus, je n’en peux vraiment plus... Je ne pourrai pas supporter quelque chose comme ça plus longtemps.
Willman observa silencieusement son patient qui se livrait à lui et qui demandait une aide qu’il ne pouvait pas se permettre de donner pour son propre bien.
  • Très bien, répondit Willmann en ôtant ses lunettes pour se pincer légèrement les yeux qui commençaient à picoter un petit peu.
Le pire était qu’il se rappela que le mercredi ne faisait que commencer.

  • Je vais refaire un essai avec l’hypnose, déclara le docteur Willmann.
  • Ce n’est pas dangereux ? demanda Jacob en sortant son visage de derrière son bras.
  • Vous vous sentez en mesure de vous rappeler des informations dont j’aurai besoin ? demanda Willmann inquisiteur.
  • Haa... hypnotisez-moi, soupira Jacob. Il n’avait pas trop compris cette histoire d’inconscient et le fait que quelqu’un y trifouille ne l’emballait pas beaucoup. Mais au point où il en était, il était prêt à ouvrir en grand les portes de son esprit pour que sa situation s’améliore et tant pis pour le reste.
  • Parfait ! dit Willmann. Il claqua nonchalamment des doigts et le tour fut joué. Les choses prenaient une tournure des plus inquiétantes et il se devait de tirer les choses au clair. Monsieur Moire, vous allez continuer votre histoire sans éprouver la moindre peur ! commanda le docteur avec une voix différente, lourde, puissante et qui ne tolérait aucun écart. C’était comme si la puissance d’un tremblement de terre était condensée en une voix, donnant un ordre précis et Jacob ne pouvait que s’y plier.
  • L’oiseau s’est écrasé devant moi, recommença à raconter Jacob. Son regard était... une créature si majestueuse exhumait la peur dans ses derniers instants et c’était compréhensible. Ce que le singe lui avait fait, c’était ignoble, je n’ai jamais rien vu d’aussi dégoutant et pourtant, je passe ma vie sur le V-web.
  • Je veux bien vous croire, Monsieur Moire. Vous pouvez m’épargner les détails graphiques de la mort de cet oiseau et continuer l’histoire. Je suis sûr que nous n’y trouverons pas de détails utiles.
  • Le singe était au cœur de l’explosion et tenait entre ses mains les ailes de l’oiseau qui pouvait couvraient, je ne sais pas, un pays peut être ?
  • Un pays ?
  • Peut être pas un pays, mais elles étaient immenses. Les pierres et le  
sang s’écrasaient tout autour de nous, mais le singe paraissait immaculé. Le spectacle donnait l’impression que même la nature n’osait le toucher. Les flammes l’évitaient, même les débris de pierre le contournaient. Il était le nouveau soleil de ce monde mourant qu’il percuta à la place de la météorite.

  • Il s’est substitué à la météorite ?
  • Oui, dit Jacob d’une petite voix avant d’éclater en sanglots.
  • Monsieur Moire, je vous en prie, reprenez-vous. C’est juste un rêve, dit Willmann en essayant de calmer son patient, mais la crise empirait. Silence ! ordonna calmement le docteur, et sa voix pénétra la conscience et l’âme de Jacob, la serrant d’une main de fer. La température de la pièce augmenta légèrement et tout de suite après, Jacob se calma en se serrant les mains comme un enfant effrayé qui combattait son envie de pleurer. Je suis désolé, Monsieur Moire, mais c’était la seule manière de vous calmer. Vous n’avez rien à craindre est-ce que vous me comprenez ? demanda le docteur, ce à quoi Jacob répondit oui de la tête, timidement comme un enfant qu’on venait de gronder. Dans ce cas, relaxez-vous, desserrez vos doigts, prenez quelques instants pour vous remettre, prenez une profonde inspiration et nous allons continuer. Je sais que c’est difficile, croyez-moi. Mais pour votre bien, nous devons continuer.
  • OK, OK, dit Jacob en essayant de se calmer. La lutte contre sa peur se voyait sur son visage, mais l’influence de Willmann était encore présente et, lentement, faisait pencher la balance.
  • Ça va mieux ? demanda ce dernier en constatant que Jacob était redevenu calme.

Jacob avait le visage serein, couvert de sueur, mais démuni des rictus et grimaces de douleur qu'il portait il y a de cela quelques minutes à peine.
  • Oui, répondit ce dernier.
  • Dans ce cas, poursuivez.
  • L’impact était terrifiant. C’était comme une « rose bleue » (bombe anti continentale), mais en plus brutal. J’ai, j’ai…
  • Monsieur Moire ?!
  • Ça va, je vais bien, je vais bien, répéta Jacob. J’ai cru que ma dernière heure était venue et puis ce fut l’obscurité dans un son que je ne pourrai jamais oublier. C’était comme si les portes de l’enfer s’étaient ouvertes.
  • Croyez-moi Monsieur Moire, je peux comprendre cette sensation, dit Willmann en ajustant ses lunettes. Votre rêve s’arrête là ? demanda-t-il ensuite.

  • Non.
  • Non ?
  • La poussière qui avait tout recouvert sur toute la surface de la planète, elle a été aspirée…
  • Aspirée ? Par quoi ? Le singe ?
  • Oui, oui, c’était lui, dit Jacob un peu surexcité. En un instant, il avait tout aspiré autour de lui, absolument tout. Il n’y avait ni nuages, ni poussières, ni montagnes, ni lacs, ni rien du tout sur des kilomètres et des kilomètres. Le paysage était complètement méconnaissable, c’était comme si la planète elle-même venait d’être dévorée à la cuillère.
  • Intéressant.
  • Vous trouvez ?
  • Je trouve effectivement. Mais continuez donc Monsieur Moire, à moins que le rêve s’arrête là ?
  • Non. Je ne sais pas comment, mais on s’est retrouvé au milieu d’une sorte de jungle.
  • Vous vous rappelez une forme de transition ou vous vous êtes simplement retrouvé là-bas ?
  • Je ne sais pas, je pense oui. C’était comme si le décor avait changé d’un coup, comme au théâtre, mais en plus rapide.
  • Parfait, je vois très bien. Continuez, je vous en prie, Monsieur Moire.
  • J’ai du mal à me rappeler la jungle, les arbres étaient vraiment bizarres tout comme le reste. J’ai vraiment du mal à représenter les paysages, c’est comme si je ne pouvais pas bien les voir, comme s’ils étaient différents de ce que je pourrais comprendre.

Le docteur Willmann avait son idée sur le sens des paroles de son patient, mais il désirait avoir l'explication de ce dernier avec ses propres mots. Raison pour laquelle il lui demanda :
  • Qu’est-ce que vous voulez dire par là, Monsieur Moire ?
  • C’est vraiment difficile docteur, mais j’avais l’impression étrange que ce que je voyais était différent de ce qui était devant moi.
  • Comme si votre cerveau comblait les lacunes avec des formes que vous connaissez ?
  • Peut-être docteur, je ne peux pas l’affirmer avec certitude. J’avais juste l’impression que ce que je voyais était différent en réalité.
  • En réalité ? demanda Willmann en faisant glisser ses lunettes sur son nez.
  • Je ne sais pas comment m’exprimer autrement docteur, s’excusa Jacob.

  • Je comprends Monsieur Moire, j’essaye simplement de visualiser. J’ai besoin de composer l’image la plus claire possible. Quand on opère des esprits, l’erreur n’est pas permise. Poursuivez s’il vous plait.
  • Le singe était en train de faire quelque chose, il cueillait des fruits… Oui c’est bien ça. Il cueillait des fruits gigantesques, j’étais un nain en comparaison, mais il les tenait comme des petits ballons entre ses doigts. C’est là que j’ai compris à quel point il était grand. Étrange non ?
  • Pour un rêve ? Non Monsieur Moire, c’est loin d’être étrange. Ensuite ?
  • Quelque chose s’est passé, quelque chose l’a attaqué.
  • Eh bien, cela est fort inattendu. Je n’aurai jamais imaginé que quelqu’un d’autre ait l’idée de s’attaquer à une créature pareille. Enfin, quelqu’un ou quelque chose, dit Willmann avec un sourire aux lèvres, mais un regard particulièrement froid.
  • Je ne m’y attendais pas non plus. Pas après ce qui est arrivé à l’oiseau arc-en-ciel. Mais je n’ai pas eu le temps de voir grand-chose, le singe s’était juste retourné et puis… Et puis, j’ai vu la planète craquer en deux, comme, comme, comme une pierre qu’on aurait cassée en deux, ou une pomme, dit Jacob qui avait eu du mal à trouver un comparatif.
  • Une pomme ?
  • Je ne sais pas pourquoi j’ai pensé à la pomme, mais ça peut être n’importe quel objet.
  • Je comprends Monsieur Moire, je comprends. Où étiez-vous quand la « pomme » a été fendue ?
  • À l’écart, quelque part dans l’espace.
  • Et le singe ?
  • Je ne sais pas, la vision s’arrête là.

Le docteur Willmann afficha une moue désapprobatrice en entendant le mot vision, il fallait qu'il enlève cette idée de la tête de son patient le plus tôt possible.
  • Le rêve Monsieur Moire, vous devez le comprendre et l’admettre dans votre esprit, dit Willmann en se tapotant le crâne du doigt, qu’il ne s’agit que d’un rêve et rien de plus.
  • Mais c’est tellement réaliste que je ne sais plus. Un rêve ne fait pas ressentir les choses docteur, pas comme je les ai senties.
  • Dites-moi Monsieur Moire, avez-vous eu froid dans l’espace ?
  • Non, répondit Jacob après un moment de réflexion. Enfin si, un peu, mais ce n’était pas le zéro absolu.
  • Parfait, et quand vous avez vu ensuite la planète se détruire, que s’est-il passé ? Je parle bien évidemment des conséquences d’un tel phénomène, comme une explosion, une pluie d’astéroïdes qui virerait au vert, pourquoi pas… dit Willman en souriant puis ajouta sur un ton plus sérieux. Ou autre chose comme votre mort ?
  • Non, non, il n’y a rien eu de ça. Je me rappelle juste m’être retrouvé dans mon lit.  
  • Eh bien, Monsieur Moire, vous voyez bien. Vous avez simplement fait un rêve et aussi vraisemblable qu’il ait pu paraître, il n’en reste pas moins un rêve. La preuve ? Vous êtes là devant moi et non réduit à l’état de particules élémentaires.
  • C’est vrai. Personne n’aurait pu survivre sur ces planètes, constata de lui-même Jacob.
  • Vous voyez bien Monsieur Moire. Votre « vision » s’est arrêtée parce que c’était tout simplement un rêve comme je n’arrête pas de vous le dire.
  • C’était quand même tellement réel ?! murmura Jacob en s’interrogeant sur ce qu’il avait vu.       
  • Monsieur Moire que symbolise le singe ? dit Willmann en essayant une approche différente.
  • Je ne sais pas vraiment… je ne sais pas du tout docteur.
Willmann claqua des doigts et Jacob émergea de son état semi-conscient, avec quelques bribes de souvenirs, mais sans plus.

  • C’est déjà fini docteur ? demanda-t-il.
Malgré son envie, le docteur devait accélérer sa séance avec Jacob, après tout c'était une visite d'urgence et il avait d'autres entretiens programmés.
  • Je crains que le temps soit presque écoulé, dit Willmann en faisant apparaître l’heure sur son holo-montre. Alors je vais vous dire ce que je pense pour clôturer cette séance. Déjà, je vous rassure, vous n’êtes pas fou.
  • Ah bon ? Vous le pensez vraiment ?
  • Bien sûr, Monsieur Moire. Une partie de votre confusion vient du fait que vous pensez avoir des visions, voir des choses, mais ce ne sont que des rêves, certes imaginatifs, mais des rêves néanmoins. Par exemple, le singe dont vous avez rêvé. En rassemblant les pièces du puzzle, il apparaît qu’il symbolise l’inattendu, l’imprévu.
  • Je ne suis pas sûr de comprendre. Je ne vois pas en quoi il peut symboliser quoi que ce soit autre que la folie.

  • Un regard désintéressé est souvent nécessaire pour mieux voir les choses, surtout s’il s’agit du regard d’un professionnel. Vous voyez, Monsieur Moire, ce n’est pas tant votre singe le problème, même si je dois l’avouer, il est extrêmement intrigant. Vous avez un ensemble de problèmes que vous avez habillé d’un manteau de singe. Pourquoi ? À cause de la notion de singe qu’on a dans notre société et qui a pris place dans la conscience collective. Vous connaissez le concept de conscience collective ? demanda Willmann en retirant ses lunettes pour observer les verres pendant quelques instants.
  • Oui j’en ai déjà entendu parler. D’ailleurs, j’ai investi dans une petite entreprise qui bosse sur le sujet.
  • Ah bon ? demanda Willmann en remettant ses lunettes en place. Je connais peut-être ce projet, je suis consultant sur un bon nombre de travaux dans le domaine.
  • Ça m’étonnerait docteur, c’est vraiment une petite boîte que j’ai connue par hasard. Ils n’ont pas les moyens de s’offrir vos services, enfin sans vouloir vous....
  • Je comprends Monsieur Moire, ne vous en faites pas. Mais mes choix ne sont que rarement motivés par l’appât du gain, alors à l’avenir, j’apprécierai que ce sous-entendu ne soit plus répété, dit Willmann en regardant Jacob droit dans les yeux.

Au cours des quelques années de suivi par le docteur, jacob ne l'avait jamais vu énervé, ou frustré, ou agacé. Il était toujours chaleureux malgré sa distanciation professionnelle, et le masque neutre qu'il portait la plupart du temps avec un sourire de temps en temps. Mais jusque là il ne savait même pas que Willmann pouvait être énervé et pour si peu.  
  • Euh oui, désolé docteur, s’excusa Moire en détournant instantanément le regard.Il était réellement confus et angoissé par la colère pulsant dans les yeux du charmant docteur, tel un paradoxe. Et le pire était le fait qu'il avait l’impression d'être sur le point brûler vif en un instant, comme dans le mythe d'une combustion spontanée. De la sueur commença même à perler sur son front mais ce ne devait être que dans sa tête. Après tout, une situation inconfortable avait les mêmes symptômes comme l'augmentation de température corporelle entraînant une transpiration: sudation émotionnelle.
  • Parfait, dit Willmann en retrouvant son calme. Revenons à votre cas. Je parlais de conscience collective et de l’idée du singe, résuma le docteur. Il avait une explication de prévue assimilait la conscience collective à un océan et la conscience individuelle à une goutte d’eau. Que la conscience individuelle compose la conscience collective, mais par là même participe à quelque chose de plus grand qui a sa propre existence et ses propres règles comme un océan avec ses courants et ses marrées. Et que ces deux formes de conscience sont en relation symbiotique, mais l’envie d’expliquer tout ça n’y était plus. Ce n’était pas réellement nécessaire alors il pouvait s’en passer - La manière dont on les dépeint et dont on les a observés depuis l’antiquité y a ancré une image dont il est difficile de se détacher : ils sont joueurs et imprévisibles. Est-ce que vous me suivez jusque-là ?
  • Je pense que oui docteur, dit Jacob en s’interrogeant sur ce qu’il venait d’entendre. C’est vrai que je n’avais jamais pensé à ça.
  • C’est normal Monsieur Moire. Parfait, je continue donc. Les évènements que vous m’avez décrits jusque-là montrent clairement un besoin de se ressourcer. Je m’explique, ajouta-t-il en remarquant le regard quelque peu confus de Jacob. Si on accepte ce postulat selon lequel le singe représente ce besoin inconscient que vous avez de connaître des nouvelles choses, de voguer vers l’inconnu, ce fait est davantage renforcé par ce que vous m’avez raconté tout à l’heure. Le fait que le singe ait tout aspiré autour de lui par exemple. Vous vous souvenez de ce détail, Monsieur Moire ?
  • Non, ça ne me dit rien docteur.
  • Vous pourrez revoir la séance par vous-même au besoin. Le fait que le singe ait aspiré l’environnement, si je peux le dire comme ça, est très important. Pourquoi ? Parce qu’il met en avant le fait que votre désir de nouvelles choses, de briser le quotidien, devient si intense dans votre subconscient qu’il parasite tous les aspects de votre vie, qu’il les aspire en prenant toute la place dans votre esprit. Et le seul moyen que votre esprit ait trouvé pour réaliser ce besoin, et c’est bel et bien un BESOIN, dit Willmann en mettant l’accent sur ce mot, est de vous obliger à vous évader. D’où le sommeil et les réveils perturbés que vous avez ces derniers temps. Votre esprit vous oblige à changer d’horizon au travers de vos rêves étranges.

Le docteur Willmann observa son patient qui ne pouvait cacher son incrédulité. Ce n'était pas qu'il ne le croyait pas, mais plutôt que Jacob avait du mal à comprendre ce que le docteur essayait de lui expliquer. Raison pour laquelle il décida de tirer sur une autre corde, plus concrète.    
  • Vous m’avez vous-même dit que vous aimeriez faire un road trip non ? Demanda Willmann
  • J’ai dit ça ? demanda Jacob sceptique.
  • Oui, vous me l’avez dit. Ce n’est pas quelque chose que vous désirez tout au fond de vous ? demanda Willmann en s’avançant légèrement sur son fauteuil et en regardant Jacob droit dans les yeux.
  • Si, c’est vrai. J’y ai toujours pensé comme ça, mais je ne peux pas, je ne peux pas tout laisser tomber ! répliqua nerveusement Jacob.
  • Et pourquoi donc, Monsieur Moire ?
  • Comment ça ? J’ai un travail, un appartement, et… et même des
factures, des personnes qui dépendent de moi. Je ne peux pas tout laisser tomber pour aller je ne sais où.

  • Je le comprends bien, Monsieur Moire, croyez-moi je le comprends très bien. Mais vous avez des congés pour ça non ?
  • Oui, d’habitude j’en prends en septembre, mais bon, vu que je reste quand même chez moi, je préfère travailler de toutes les façons. Et puis, en une semaine, j’aurai juste le temps d’explorer mon quartier.  
  • Et c’est déjà une bonne chose. Monsieur Moire, vous devez comprendre que ce n’est pas parce que le problème est dans votre tête qu’il n’est pas grave, bien au contraire. Vous le savez très bien. À l’image d’une maladie qui demanderait de prendre des comprimés, il en est de même pour vous. Seulement, à la place de produits chimio-mécaniques vous avez besoin d’un grand bol d’air frais et de nature.
  • Je ne sais vraiment pas docteur, ce n’est pas si fa…
  • Facile ? Bien sûr que non Monsieur Moire, c’est très loin d’être facile. Réaliser ses rêves demande du courage, beaucoup de courage. Mais je vous rassure, je suis là pour vous aider. Continuons l’analyse si vous le voulez bien. L’incident d’après, avec le singe qui a été distrait de sa cueillette et ce qui s’est produit par la suite. En y réfléchissant un petit peu, je peux énoncer également une hypothèse. Elle est précoce, ça, je suis le premier à l’admettre, mais cela peut être une piste intéressante, je pense.

Jacob regarda le docteur avec des yeux ravivé et pétillants d'espoir.
  • Ah bon ? Je vous écoute docteur.
  • Parfait ! L’élément qui m’a le plus marqué dans cette partie du récit est celui de cause à effet. La distraction du singe, puis l’explosion, c’est bien ça ?
  • Je crois, répondit Jacob pensif, essayant de se rappeler de cette partie. Oui je crois que c’est quelque chose du genre.
  • Parfait. Donc on a le singe qui a été distrait de son activité, la cueillette apparemment, puis la planète qui est coupée en deux ou fendue. Un peu disproportionné si vous voulez mon avis, mais qui dénote bien le danger que vous pouvez représenter si…
  • QUOI ? Moi ? Comment ça ?? demanda Jacob complètement confus.
  • … Si la situation est laissée telle quelle, Monsieur Moire. Si la situation est laissée telle quelle, je vous rassure. Cette partie symbolise l’agressivité que vous pouvez générer si votre objectif n’est pas atteint. Et cet objectif est de briser votre quotidien, de vous réaliser autrement que maintenant au risque de représenter un danger, pour vous et ceux qui vous entourent.
  • Je ne sais pas quoi dire docteur, je perds donc la tête ? demanda Jacob paniqué.     
  • Ah le temps est écoulé, Monsieur Moire, répondit Willmann en s’avançant dans son fauteuil. J’en suis désolé, mais je vous rassure encore une fois, vous ne souffrez pas de folie, mais d’une volonté indomptable d’aventure.
  • Vous le pensez vraiment docteur ? demanda Jacob avec espoir.
  • Bien sûr, Monsieur Moire, je le pense vraiment. Mais je suis également certain que vous n’êtes pas prêt à le faire, alors ne vous forcez pas pour l’instant. Si je fais bien mon boulot, alors tout viendra naturellement, dit Willmann en se levant suivi par Jacob.
  • Merci docteur, dit Jacob en serrant la main du docteur puis il se dirigea vers la porte en sa compagnie.
  • Ah oui, Monsieur Moire, avant que Madame Flintstone ne vous donne un nouveau rendez-vous, j’aimerai vous proposer quelque chose.
  • Ah oui ? Quoi donc ? demanda Jacob intrigué et quelque peu nerveux.
  • J’aimerai que vous soyez le sujet de mon étude sur le sommeil paradoxal. Vos rêves sont particulièrement passionnants à étudier.

Jacob roula les yeux aux plafonds, réfléchissant à la proposition du docteur. Cependant il ne voyait pas ce qui allait être différent alors il répondit:
  • Euh, je ne sais pas trop docteur vu que je viens vous consulter de toute façon, non ?
  • Non pas vraiment Monsieur Moire, une étude est bien plus poussée qu’une consultation. Je vous enverrai tous les détails pour que vous puissiez avoir toutes les informations nécessaires et y réfléchir à tête reposée, cela vous va ?
  • Hmm je regarderai ça docteur, mais j’avoue que je ne sais pas trop.
  • Parfait, prenez tout le temps qu’il vous faudra pour y réfléchir, mais cette étude vous sera également bénéfique. Elle me permettrait de diagnostiquer bien plus efficacement les problèmes que vous avez, mais je vous enverrai tout en fin de journée.
  • OK docteur, je vais lire votre projet.
  • Parfait. Au fait, comment vous sentez-vous ? demanda Willmann, ce  
qui lui valut un regard un peu surpris de Jacob qui voulait dire quelque chose comme « à votre avis », mais lentement, son regard et son visage affichèrent une véritable surprise.
  • Je vais bien, je crois, dit-il incertain de ce qu’il ressentait. Je me sens bien docteur, je me sens bien ! Je pète le feu ! affirma-t-il avec tonus et sourire aux lèvres. Son teint pâle n’avait pas encore complètement disparu, mais il virait vers une couleur déjà plus naturelle.
  • Parfait. Bonne journée Monsieur Moire et rassurez-vous, tout ira pour le mieux, dit Willmann avec un sourire des plus chaleureux et en serrant la main une dernière fois à Jacob qui sortit par la suite pour se diriger vers le secrétariat où l’attendait la sérieuse Madame Flintstone.

Elle était une zératoushtrienne, plus machine qu’humaine, mais uniquement en apparence. Ils étaient considérés comme des fanatiques et des sectaires, mais pour Willmann, cela n’avait aucune importance. Il avait un regard particulier sur la religion. Une précision cependant, il serait absurde de considéré les zératoushtriens comme des cyborgs ou des robots. Ils sont à la bio-mécaniques ce que Mozart était à la musique et le secret de leur “métallisation” était caché avec ferveur. Crée des humains dans toute leur complexité avec des capacités de machines futuristes était une capacité que beaucoup de personnes désiraient posséder, bien sur vous l’aurez compris, le libre arbitre en moins.   

Henry Willmann referma la porte, coupant automatiquement l’enregistrement, puis s’assit derrière son bureau. Il plaça ses mains au-dessus de la table noire comme pour taper au clavier et immédiatement, ce dernier apparut comme s’il avait toujours été là. Le docteur commença alors à mettre à jour la fiche de Jacob en y incluant les détails de leur séance.
Arrivé à la partie du singe, Willmann ouvrit un des tiroirs pour sortir un paquet de cigarettes qu’il jeta devant lui sur la table. Il n’avait pas l’air dans son assiette, il avait l’air d’une personne à qui on venait d’apprendre qu’elle souffrait d’une maladie incurable.
Il tira une cigarette du paquet et la statuette de Kvasir tourna sa tête en bois.

Le docteur n'eut pas besoin de voir la statue pour savoir qu'une conversation allait être nécessaire. Il s'était passé beaucoup de choses inquiétantes en l'espace de cette demi-heure.
  • Ne t’en fais pas, lui dit Willmann en allumant sa clope. Il fit apparaître une petite plume enflammée qui disparut tout de suite après avoir été utilisée. Cette explication suffira pour l’instant, même s’il revoit la séance, il n’y a rien de discréditant. De plus, il est parti avec un problème en moins, il se sentira revigoré pendant deux mois au moins...
La statue tourna la tête complètement sur 180 degrés dans un bruit de frottement de bois, puis leva un de ses sourcils, ou du moins ce qui était représenté par un sourcil.
  • Il restera le temps qu’il faut, répondit Willmann à la question qu'il était le seul à entendre… Les effets du rembobinage ont touché l’extérieur ? Je n’y ai pas prêté attention, manque de pratique, j’imagine...
A cette question Kvasir tourna son corps dans la direction de sa tête pour se toucher la barbe dans des gestes irréguliers et secs avant de lever les yeux pour regarder son ami.
  • Parfait, j’ai eu peur que l’isolation ne résiste pas... C’était l’occasion ou jamais de tester…. Non, si je lui avais mis une claque pour le calmer, j’aurai pu effacer tout ce quartier de la carte, j’étais un peu frustré, répondit Willmann en expirant de petites maisons avant de soupirer en se grattant le nez... Non, ce n’est pas urgent. On a quelques années avant que ce foutu simien ne débarque, répondit il avec de l'incertitude dans sa voix, ce qui ne lui ressemblait pas… Oui, j’espère qu’on sera prêt aussi, au pire, j’essayerai de le retenir le temps qu’il faudra…
  • La statue exprima sa surprise en faisant de gros yeux ce qui fit tomber les yeux en bois des orbites. Il les ramassa aussitôt par terre pour les remettre en place, puis exprima son inquiétude de la manière la plus corporelle qu'il pouvait
  • Non Kvasir, mon vieil ami, ce n’est pas une question de vengeance, je l’ai abandonnée il y a bien longtemps de ça, dit il en tirant un bon coup sur la cigarette et expirant des petits singes de fumée. Je n'ai pas dans l'idée de me suicider pas contre lui du moins. Shemech Le Tyran de Dan, murmura-t-il un des noms, en regardant les petits singes disparaître.

Le tyran n'était pas un titre donné à la légère, mais un titre prit de force. En fait personne ne pouvait le contester.
Il y a de cela très longtemps, il se riait une histoire sur un petit singe qui se voulait guerrier. Oh oui, cette histoire amenait toujours le fou rire du clan. Comment un singe pouvait espérer faire quoi que ce soit dans leur écosystème où les superprédateurs dominaient la mer, la lune et la terre. Puis il se racontait l'histoire d'un singe qui voulait défier les dieux de ce monde, pour une raison inconnue, peut être folie ou peut être ignorance. Ensuite il se murmurait l'histoire d'un singe rongé par la folie qui attaquait tout ce qui se trouvait sur son chemin, et ceux qui avaient survécus parlaient d'un monstre défiguré. Puis ensuite il n'y eut personne pour raconter quoi que ce soit...

Ce monde était peuplé d'animaux aussi étranges les uns que les autres qui se chassaient, s’aimaient, mourraient et naissaient. Des centaines de milliards d’individus couvraient les nuages, les eaux, les forêts… Mais en quelques jours, de ces centaines de milliards de créatures, il n’en resta plus qu’une trônant sur une montagne de cadavres. Familles, clans, espèces, tous s’étaient entre-tués dans une sorte de frénésie inexpliquée et d’une sauvagerie sans précédent, comme dans l’histoire de Jacob.

Seul Shemech avait survécu alors que son espèce était loin d’être favorite dans cette lutte pour la survie. Il y avait des super prédateurs à l’apex de toutes les espèces, et pourtant, c’était le petit singe qui survécut. Après cela, il était devenu quelque chose de complètement différent. Il est impossible d’imaginer les horreurs qui se sont produites sur cette terre ou la raison d’une telle folie, mais partout où les yeux se posaient, il n’y avait que le symbole de la destruction et de la mort. Les océans étaient rougis par le sang et les boyaux, les feuillages avaient changé de couleurs, nourris par le sang aux pieds des arbres et des corps empalés sur les branches. Il y avait de véritables montagnes de cadavres s’élevant loin au-dessus du sol...C'est là que le tyran de dan vit le jour et que les dieux s'extasièrent !!
  • Quoi qu’il en soit, continue à développer Monsieur Moire, il nous sera utile dans le futur, demanda Willmann en émergeant de ses souvenirs.

Son attention fut capturée par le visage de Madame Flintstone, comme gravé dans la pierre, car le métal était caché par un simili de peau, qui venait d’apparaître.
  • Vous fumez, Monsieur Willmann ? demanda la dame de fer.
  • Ce n’est rien, Madame Flintstone, une petite envie, répondit le docteur. Laissez-moi deviner, Monsieur Marshall ne viendra pas ? demanda-t-il avec une pointe de déception.
  • C’est exact, je vous passe son message.
  • « Ouais doc, je prépare un petit voyage de euh, professionnel, une sorte de convention quoi et je serai absent pendant un bon moment, mais ce sera en bord de mer alors ça m’aidera pour me calmer pas vrai ? Ma secrétaire…
  • Je ne suis pas TA secrétaire, cria une voix féminine.
  • Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ? demanda l’homme à la voix grave et un roulement des R, profondément choqué.
  • Je suis la sous directrice petit malin et passe tes foutus appels hors de mon bureau !
  • Tu me brises le cœur Amanda. Euh oui doc, ma secrétaire vous rappellera alors bonne journée et tout ça, tout ça.
  • Je vais te crever les yeux ! hurla Amanda.
  • Kruu krru krru, ria étrangement l'homme en mettant l'accent sur les r, plus que d'ordinaire. Il faut déjà que tu puisses les atteindre. Mais tu peux me gratter le dos…
  • Je vois, dit Willmann après avoir écouté le message.
  • Vous voulez que je le mette sur la liste noire ? demanda Madame Flintstone.
  • Non, ce ne sera pas possible. On a un contrat avec sa compagnie, préparez-lui un nouveau rendez-vous dès que possible.
  • Très bien docteur, c’est vous qui voyez, dit Madame Flinstone avant de disparaître de l’écran.
  • Ce serait dommage de perdre ce pion aussi, dit Willmann avant de terminer sa cigarette, ce à quoi la statuette acquiesça légèrement avant de reprendre sa forme initiale. Willmann avait plus d'une heure devant lui, du temps qu’il pensait utiliser pour se détendre et il n’y avait rien de plus drastique pour se détendre que des vidéos de chatons, enfin à part un coup de matraque derrière la tête ou un flacon de somnifères. Cependant son vieux sang de chasseur bouillait silencieusement à l’idée de savoir que le singe était à nouveau libre et en route pour leur sanctuaire.

A suivre…




Blabla de l’auteur

Bonjour à vous qui me découvrez maintenant. Je vous souhaite la bienvenue et j'espère que vous avez ou êtes en train de passer une bonne journée.

Il se peut que vous aillez beaucoup de questions sur l’histoire, j’apporte quelques explications (entre autre…) au fil des pages que je publie chaque jour, avant de faire la compilation. Ici je n’apporterai pas de développements sur le texte, ce serait trop long et redondant.

C’est ma position actuelle du moins, il se peut qu’elle change en fonction de vos retours. Le but est quand même de vous rendre la lecture agréable et mon écriture intéressante. Donc je vais réfléchir à quelque chose, quitte à inclure des liens pour des parties intéressantes ou je parle de tel sujet. Ce serait cool, sauf que je ne sais pas le faire :) Pas encore, donc je mettrai tout çà à jour quand je trouverai.

Voilà j’espère que vous avez apprécié l’histoire, et si vous désirez continuer l’aventure, je vous dit à demain pour une nouvelle aventure.

Je vous souhaite une excellente journée/soirée et à demain !! Tchuss !!!


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