vendredi 15 juin 2018

Séforah à tout prix, pages 41 à 60


L'entrée du dôme se trouvait à l'arrière de la salle. Il était nécessaire de traverser une chambre de rayonnement de radiations ionisées légères, pour éliminer les derniers résidus bactériens avant de pénétrer dans l'environnement stérilisé de Davy. Ces mesures pouvaient sembler extrêmes, et redondantes, mais elles n'étaient que la réfection de son état de santé extrêmement fragile. De plus son organisme particulier, captant les infections comme une éponge à microfibres, imposait de doubler les mesures de sécurité. 

Dalanda et Raèl passèrent par la droite, à côté de la salle de monitoring occupée par deux infirmières qui suivaient de près son état physique. Ce dernier pouvait basculer à n'importe quel moment, c'est pourquoi, le personnel médical avait les yeux rivés sur les écrans et que l'équipe d'intervention du docteur Zavatta se tenait prête à entrer à scène au besoin. Elle était entraînée à intervenir en gravité zéro, et opérer sur un patient atteint d’ostéogenèse imparfaite sévère. Et dans le cas où le problème s'avérait grave, l'équipe comportait une anesthésiste, madame Shirley, qui avait travaillée sur Davy depuis son enfance. Alors, elle arrivait, dans la plupart des cas, à le calmer le temps qu'une solution soit trouvée. Elle était aussi en charge, avec le docteur Zavatta, du développement de nouveaux anesthésiques et drogues anti-douleur vu que l'organisme du patient s'accoutumait très vite et les produits perdaient grandement de leurs effets. C'était une course intense trimestrielle et l'échec signifiait des cris de douleur permanents de Davy. Une expérience qui n'était agréable à vivre pour personne, ou presque. Et qui demandait l'intervention d'experts reconnus universellement, dispersés aux quatre coins de Pasteuria. 

Cette équipe était stationnée sur la droite, dans une large pièce creusée dans le mur. Il y avait là-bas la salle de stockage d'équipements d'opération et d’intervention ; une salle d'entraînement avec simulateurs et hologrammes qui permettait de s'entraîner sans toucher au patient. Ces machines retraçaient de la manière la plus fidèle possible la condition physique, unique, de Davy ; ainsi qu'un laboratoire de R&D où le docteur Zavatta passait le plus clair de son temps. Il avait consacré 18 ans de sa vie à ce cas et comptait bien en faire le couronnement de sa très longue carrière. 

Une fois de l'autre côté de la salle, Dalanda et Raèl attendirent devant la porte scellée que la lumière vire au vert. C'était le "go" qui indiquait que l'appareil à radiation avait été chargé et qu'il était prêt. Ils durent attendre une minute ou deux avant que la porte commandée à distance, depuis le monitoring, ne s'ouvre. Une fois à l'intérieur de la petite chambre de 15 m² : suffisamment petite pour être irradiée correctement, mais bien trop petite pour contenir toute l'équipe d'intervention composée de sept personnes en comptant madame Shirley. Ces derniers étaient obligés d'entrer en binôme en se serrant avec l'équipement embarqué. 

Une fois que la porte de la chambre à rayonnement était fermée, un bruit de machine à lavée commençait à prendre en intensité et puis, au bout de trente secondes un flash de lumière sombre balayait la pièce et c'était fini. Il ne restait plus qu'à attendre que la radiation se dissipe complètement, absorbée par les murs, et une fois ceci fait la seconde porte s'ouvrait pour laisser passer les visiteurs. De l'autre côté de la porte, Davy attendait sa mère avec impatience en tournant sur lui-même, assit en tailleur dans les airs. 
- Regarde ce que je sais faire maman - dit-il à peine eut il le temps d'apercevoir sa mère. 


- Attention mon bébé, tu vas t'emmêler les fils - s'inquiéta Dalanda en entrant dans la chambre-appartement de Davy, saisie par une sensation familière de gravité "zéro". Elle n'était pas réellement nulle, mais faible et ajustée continuellement au poids de Davy pour lui permettre de flotter sans pour autant qu'il ne se retrouve au plafond. Pour Dalanda, l'impression était similaire à cette de marcher sur la lune, alors que pour Raèl, bien plus massif, l'impression était similaire à celle de marcher sur un trampoline. 

Dalanda bondit en direction de son fils qui tournait sur lui-même en riant, aveugle au fait que ses perfusions commençaient à s'emmêler, entamant ainsi le flux correct des solutions médicales intra-veinales. Et comme on pouvait s'y attendre les dérivés de morphines ralentirent leurs courses à cause des nœuds et Davy commença à ressentir une légère douleur dans ses os, ainsi que ses reins. Ses yeux oranges commencèrent à se remplir de larme et le jeune homme se mit à pleurer.

- ça va aller, ça va aller, attend une seconde - dit Dalanda en arrêtant la rotation de son fils - Raèl file moi un coup de main !
- Ok - répondit ce dernier en ne sachant pas trop quoi penser. Il se sentait de trop, mais pour une fois que Davy ne hurlait pas en le traitant de tous les noms, il pouvait pendre de son temps pour faire plaisir à sa mère. 
- Je voulais juste te montrer ce que je savais faire - dit Davy en pleurant, il commençait à sentir ses os comme lécher par des flammes. La migraine avait également commencé ses assauts et ses yeux commençaient à piquer...
- Je sais, je sais et c'était très bien. Mais tu dois faire attention Davy, tu es un peu plus fragile que les autres enfants - répondit Dalanda en cherchant à trouver par quel moyen démêlé les fils, le cœur prit de panique en imaginant ce que Davy devait être en train de vivre. 
- Je sais ! Et j'en ai marre ! - se plaignit Davy

Raèl arriva en un bond et commença à tourner Davy, délicatement, en le poussant de l'auriculaire.
- Je sais mon bébé, mais ça ne va plus durer - répondit Dalanda en arrêtant de jouer avec les fils. Elle était tellement en panique que la solution simpliste de Raèl lui avait complètement échappé. Son implication émotionnelle l'avait complètement aveuglé à la logique - Merci - dit-elle en se sentant un peu stupide - Tu dis merci à ton frère ? 
- Mmm. Merci Raèl - lâcha Davy de manière réticente, mais quand même. 
- De rien - répondit Raèl en pensant - "Qu'est ce qui se passe ici ? Pourquoi il est si docile ? Ou c'est moi qui ait grossit le malentendu dans ma tête..." - face un tel revirement, il ne pouvait s'empêcher de remettre en cause ses souvenirs. 
- Quand est ce que je vais sortir de là ? - demanda Davy

- ... Bientôt, j'ai trouvé un moyen de faire marcher le robot. Comme ça tu seras avec nous tous le temps - répondit Dalanda. En principe, les patients en isolement avaient des avatars cybernétiques qui menaient une vie plus ou moins normale à l’extérieur, soit auprès de leurs familles, soit de manière complètement indépendante. Certains arrivaient même à trouver un compagnon ou une compagne de vie... Les technologies modernes pouvaient même transmettre le ressenti à travers la peau synthétique. Cependant, dans le cas de Davy, en raison de ses crises permanentes et de son état cérébral entamé par les drogues et la douleur, il était nécessaire de développer une technologie de lecture d'impulsions cérébrales, bien plus sensible pour capter et interpréter les ondes les plus fragiles. C'était un travail de titan que Dalanda du mettre de côté pendant des années, prises par la quête d'un remède et de son conflit galactique avec la famille Nokuza. 
- Ce n'est pas ce que je veux ! - répondit Davy
- Je sais, mais c'est un début. Le temps qu'on trouve le bon remède. Le docteur Zavatta trouvera bien quelque chose, et moi aussi
- ...
- Allez allonge toi, je vais te raconter ce que j'ai vu dernièrement - dit Eiling en prenant la main de Davy légèrement entre son pouce et l'index pour ne pas lui briser les os. Ce dernier se laissa faire, même si son visage affichait une déception infantile, il espérait une autre réponse.  Quand elle lui disait qu'il sortirait bientôt d'ici, il s'imaginait poser les pieds et sol et parcourir l'univers libre comme le vent. Et non vivre à travers une machine
- "C'est nul" - pensa Davy alors que Dalanda l'attachait dans son lit au milieu de sa chambre.

Une fois que Davy fut soigneusement attaché par ses liens en soie, suffisamment doux pour ne pas laisser des marques sur la peau, et scier les os, Eiling demanda
- Quelle histoire tu veux que je te raconte ? Celle des loups de glace ? tu aimes bien cella là non ?
- Non, je veux l'histoire du vilain petit canard - demanda Davy en bougeant du dos comme pour se gratter contre le matelas.
- Ça va ? - demanda Dalanda inquiète
- Oui, ça va - répondit le jeune homme en souriant de toutes ses dents mal formées.
- Eh bien, mon bébé, je ne connais pas cette histoire - avoua Dalanda - Tu l'as trouvée sur le Veeb ?
- No, c'est Zavatta qui me l'a racontée
- Ah ? - s'étonna Dalanda - et elle parle de quoi cette histoire tu t'en rappelle ?

- Euh, c'est l'histoire d'un petit canard - rigola Davy - Il s'appelle Aelling, et tous les autres canards le trouvaient très vilains
- Hmm - fit Dalanda, n'approuvant pas le début de cette histoire et elle n'approuvait pas non plus le nom du caneton. Mais elle prit sur elle pour ne pas monter dans les tours hystériques et trouer le docteur de balles et de reproches - Et qu'est ce qui lui arrive à ce petit canard ?
- Eh bien, comme il est différent, il est obligé de s'éloigner de sa famille et... - là Davy baissa les yeux vers la droite pour se rappeler les détails et puis il fut pris d'un "Ah !" de soulagement - Et puis, il rencontre d'autres oiseaux qui se moquent de lui parce qu’il n'est pas très joli. Et puis, et puis après il tombe sur un gentil monsieur qui le recueille dans sa ferme. Mais Aelling veut voir son papa et sa maman, même si le monsieur il est gentil. Alors il repart d'où il est venu, mais quand il se retrouve devant le lac il voit qu'il est devenu différent. Il est devenu un cygne. Un cygne c'est un oiseau tout blanc et il est vraiment très beau, je l'ai vu sur les images.
- C'est vrai qu'il est beau - répondit Dalanda pensive. Elle ne savait pas trop quoi penser de cette histoire. Elle dégageait un sentiment d'abandon de la part de sa famille et c'était blessant et surtout faux. Elle l'avait placé ici pour les infrastructures, pour la présence du personnel compétent. Ce n'est pas comme si elle aurait pu avoir tout ce matériel dans son appartement.

Dalanda regarda Raèl qui était posé dans un coin, mais ce dernier était perdu dans ses pensées et ne semblait avoir porter aucune attention au récit. Puis elle se tourna vers le laboratoire R&D, bien décidée d'avoir une conversation avec le docteur Zavatta qui s'était décrit le beau rôle dans l'histoire.
- Maman ? - fit Davy les yeux mouillés - je commence à avoir mal - ajouta-t-il ensuite en commençant à se tordre un petit peu sur le lit
- Quoi ? - "C'est bien trop tôt" - pensa Eiling en se rappelant les mots de Zavatta lui expliquant que les anti-douleurs ne marchaient plus comme avant - DOCTEUR !  - appela - t - elle en voyant les torsions de plus en plus inquiétantes de Davy et puis il y eut le cri qui lui retira tout l'air des poumons. Ce cri de douleur lui arracha les larmes, elle se senti complètement impuissante, elle se senti complètement inutile devant ce spectacle. Alors que Davy hurlait de tous ses poumons, elle ne pouvait même pas lui prendre la main de peur de la briser.

Dans les secondes qui suivirent, l'équipe d'intervention sorti avec tout le matériel nécessaire sur le dos, accompagnée de madame Shirley. La situation devenait grave et cela se voyait dans les mouvements de Davy, et ses contorsions peu naturelles malgré le fait d'être saucissonné sur le lit. Rapidement, les premiers infirmiers déboulèrent dans la pièce et commencèrent à prendre soin de Davy avec des gestes expertement maîtrisés pour le tenir à plat sur le lit, le temps que l’anesthésiste face sa piqûre. Cette dernière connaissait les veines de Davy sur le bout des doigts et s'en même prendre la peine de chercher, injecta le produit.

Il fallut attendre quelques secondes avant que le produit ne commence à faire son effet et que le jeune homme sombre dans le sommeil, arrêtant ses cris déchirants. 
- S'il vous plait, venez avec moi - demanda délicatement Shirley en prenant la main de Dalanda. Cette dernière se laissa guidée à l’extérieur sous le regard inquiet de Raèl qui les suivit hors de la chambre de son frère. Son cœur qui battait d'habitude sur un rythme métronomique avait des sauts irréguliers. Il se sentait bizarre, mais il n'arrivait pas à mettre la main sur la raison de son affolement cardiaque
- Je suis désolé - leur dit Zavatta qui les attendait dehors - Je pensais qu'on pourrait vous offrir plus de temps que ça mais...
- Je sais, je sais - répondit Dalanda en se redressant, revêtant son armure émotionnelle - Vous avez cartes blanches pour développer le nouveau produit. Finissez-le en un an 
- Nous faisons de notre mieux - expliqua Shirley mais Dalanda dégagea son bras en répondant
- Mieux ce n'est pas assez ! - dit-elle en laissant le docteur et son assistante derrière. 

Une fois dans l'ascenseur, elle sorti son portable et composa un numéro pré-enregistré. 
- Je veux qu'on avance notre expédition - dit-elle une fois que la personne de l'autre accepta l'appel
- Houla, quoi ? 
- Je veux qu'on avance notre expédition - répéta Eiling
- Kru rru rru, tu me rassure. J'avais cru entendre que tu voulais qu'on avance notre expédition.
- Je ne plaisante pas Cid ! - hurla Dalanda 
- Moi non plus. Il est hors de question qu'on fasse ça et ce n'est pas négociable. Une planète perdue (planète mutée par les kissadzés) n'est rien en comparé à ce qu'on a fait jusque-là...
- Je sais...
- NON TU NE SAIS PAS ! - rugit Cid - Tu réfléchis à chaud, et je peux comprendre. Mais si on doit s'aventurer sur une planète perdue, je prends la main sur les opérations, c'était notre accord. Le plus important c'est...
- ... - Dalanda mit fin à la communication. Elle savait déjà ce que Cid allait dire. La préparation était fondamentale, que le risque de mortalité sur une planète perdue sans préparation était de 99 % et que même lui n'allait rien pouvoir y faire. Mais la préparation demandait du temps, temps qui semblait lui manquer 
- Maman ? Tu vas bien ? - demanda bêtement Raèl
- Hmm ? - se tourna Eiling surprise de voir son fils. Elle avait même oublié qu'il était là - Oui je vais bien - mentit elle. 

- Vrr, vrr - le téléphone de Raèl sonna dans sa poche. Il le déploya pour voir la notification et trouva un message. 
- J'arrive, prend soin de ta mère en attendant et dites mois où vous serez. Elle risque de faire une connerie.
- "Sigh" - soupira Raèl en ne sachant pas par quel bout commencer. Il ne voyait rien d'autre à faire que de la suivre. C'était plus simple de taper sur quelqu'un, et il se surprit à désirer qu'il se passe quelque chose dans ce fichu hôpital qui lui permette d'extérioriser sa frustration.  

Le jeune homme suivait sa mère à nouveau voûtée, comme si elle venait de reprendre sa montagne invisible sur les épaules. Même ses pas étaient plus lourds, plus lents, plus... épuisés. 

Eiling revint dans le hall d'entrée, avant de se diriger vers l'un des nombreux élévateurs multi-dimensionnels (vertical, horizontal, oblique) qui connectait l'entrée C à la B du gigantesque complexe appelé : Serturnéria (Friedrich Wilhelm Adam Sertürner - morphine).  Il y avait un peu de monde devant l'ascenseur, mais ce dernier avait suffisamment de place pour accueillir au moins quinze personnes. 

Raèl suivit sa mère à l'intérieur, son poids fit plier légèrement la machine mais les stabilisateurs compensèrent presque immédiatement l'anomalie. Mais les quelques passagers regardèrent le jeune colosse mais ce dernier n'y prêta aucune attention
- Où est ce qu'on va ? - demanda Raèl
- Au bar - répondit Dalanda - j'ai besoin de me changer les idées. 
- "Maman va au bar, je fais quoi ?" - envoya Raèl un message et quelques instants plus tard il reçut la réponse
- "J'arrive dans quinze minutes, ne la laisse pas seule"
- "Ok... Papa tu crois que ça change quelque chose que je sois à côté ?" - demanda Raèl en effaçant et réécrivant le message à plusieurs reprises, incertain de la nécessité de demander. Craignant la réponse, ou plutôt la vérité. Cependant, i avait beau attendre la réponse, elle ne venait pas. Il imagina alors que son père était en route, et courant à son allure il ne pouvait ni entendre, ni répondre. 

Le voyage se passa dans un silence relatif, les personnes qui étaient avec elles parlaient de leurs problèmes personnels. Ils essayaient de murmurer pour ne pas être entendus mais l'ouïe sur développée de Raèl, malgré son apparence humaine, lui permettait de tout entendre involontairement l'histoire de leur père hospitalisé qui refusait de se faire implanter des poumons artificiels. Il arrivait, que des personnes bénéficiant d'implants cybernétiques ou bioniques perdent leur humanité, leurs souvenirs, leurs émotions. Personne ne savait vraiment pourquoi, personne ne savait comment empêcher cela, mais une fois que l'étude souvent ce problème a été soulevée plusieurs humains refusaient toute forme de transplantations si elle n'était pas organique. 

- "Se souvenir, est-ce si important que ça ?" - se demanda Raèl. La mémoire n'était pas remplie que de bonnes choses. On pouvait se rappeler des mots pénibles, des regards pénibles, des expériences pénibles, de regrets pénibles... Les souvenirs pouvaient être une source de torture infinie. Même là, dans cet ascenseur, il savait qu'il allait se rappeler de cet instant où sa mère l'ignorait complètement, son esprit étant trop occupé par Davy, et ce n'était pas plaisant. Quelque fois, avoir le choix d'oublier n'était pas si mal...

Bientôt les portes s'ouvrirent dévoilant un jardin à perte de vue. Tout l'étage était un parc parsemé de restaurants, d'aires de repos et d'animations pour permettre aux familles, ainsi qu'aux patients de se dégourdir les jambes, de passer un bon moment dans un environnement contrôlé. 

Dalanda sortit sans perdre de temps d'un pas rapide, les mains tremblantes, et se dirigea vers son restaurant préféré de Serturnéria : "Gorka". Elle commençait à se sentir submergée d'émotions, et avait du mal à penser, à réfléchir. Elle avait envie d'hurler et de tout mettre sens dessus dessous pour libérer cette colère, ce sentiment d'injuste, ce sentiment d'impuissance qui lui bouffait l'intérieur comme un ver parasite... Mais elle n'avait pas perdu l'esprit au point d'oublier... Elle ne voulait pas que Raèl la voit comme ça, en tant que mère elle avait le devoir de rester forte. 

Le Gorka était situé dans l'aile est de l'étage, c'est pourquoi Dalanda tourna à gauche à la première occasion. Sur le chemin il y avait un petit étang artificiel, contournable ou traversable sur deux tapis roulant quasi transparents, donnant l'impression de glisser sur l’étendue d'eau.

De l'autre côté de l'étang, à quelques mètres à peine se trouvait le BBCure, un restaurant à ciel ouvert qui proposait des grillades diététiques (on peut toujours rêver...). Le concept était simple, chacun louait son kit de barbecue et achetait sa viande spécialement traitée de nanomachines pour limiter les protéïnes et d'épices pour le gout. Quelques adeptes étaient d'ailleurs en pleine cuisson, entourés de proches allongés sur le gazon, prit dans des conversations légères.

Eiling continua sans s'arrêter et sans ralentir en suivant le chemin aménagé. Elle dépassa, sur la gauche, une aire de repos composée de bancs cerclant un snacking complètement autonome. Un robot équipé de plusieurs bras s'occupait de toutes les préparations 24h/24 et 7j/7.

Sur la droite il y avait une des zones de jeux aménagée pour les enfants. Il y avait de la pelouse bordée par des arbres au fond, et remplie de toboggans, de balançoires automatiques, et de parcours compliqués qui pouvaient les occupés pendant des heures. Et de l'autre côté, derrière les arbres, se trouvait Le Gorka.

Le restaurant bar était l'unique endroit de Serturnéria disposant de la licence nécessaire pour vendre de l'alcool, ou plutôt des digestifs. Il n'était donc pas étonnant d'y trouver un bon nombre de clients même à des heures tardives ou prématurées. Des proches de patients ainsi que des patients en devenir se retrouvaient ici pour digérer des nouvelles trop lourdes pour leurs épaules. Ils avaient simplement besoin d'oublier, même si pour quelques heures, même si conscient que les problèmes, dotés d'une patience illimitée, les attendrait à la sortie du bar. 

L'enseigne et simple et sobre : gorka était écrit en lettres minuscules pour ne pas crier sa présence, et pointant sur ses clients, ramassis de malheureux. Même les couleurs de l'enseigne étaient simples et sombres sans pour autant virer vers le noir. Ce n'était pas non plus un cimetierre de désespérés. 

L'intérieur était faiblement éclairé pour laisser un minimum d'anonymat aux clients, personne ne voulait être vu au plus bas de son moral... L'ambiance n'était pas à la fête. Il était rare de voir des personnes venir ici fêter les bonnes nouvelles, elles préféraient sortir en ville dans un endroit bien plus vivant et qui proposait bien plus de divertissements. 

A Gorka, on venait pour pleurer un petit peu, se plaindre de l'injustice du monde, dormir sur une table en espérant se réveiller de son cauchemar, à soupirer en éteignant le cerveau, à se rappeler des bons moments passés avec son ami ou amie perdue. C'est pourquoi on y retrouvait souvent la même scène : une personne à moitié affalée demandant comme elle allait faire pour surmonter ça, se laissant au chagrin, et une autre qui essayait de la réconforter ; soit un proche, soit un inconnu compatissant, soit un robot de soutien psychologique. Tout le monde n'avait pas le luxe d'être accompagné dans son malheur...

Eiling retraça ses pas habituels et prit place au bar. 
- Un Daïkiri bien corsé - commanda-t-elle à la barmaid, une jeune femme dans la mi vingtaine qui affichait un visage sérieux de circonstance. 
- Bien patronne - répondit cette dernière - Quelque chose à manger ? - demanda-t-elle sur un ton un petit peu inquiet en jetant un regard inquisiteur à Raèl posté juste derrière sa mère. Ce dernier secoua la tête de la négative confirmant que les nouvelles n'étaient pas bonnes
- Juste le Daïkiri - répondit Dalanda
- Et toi Raèl, je te sers quelque chose ? 
- Non, ça ira. Rien que l'odeur me donne envie de vomir - répondit le jeune homme ce qui lui valut un regard cinglant de la part de la barmaid. 
- Tu l'as entendu - commenta Dalanda en posant les mains sur la table avant de croiser les doigts très forts, pour ne pas trembler. 
- Haut et clair - répondit la barmaid - Je te sers tout de suite - dit-elle en prenant des bouteilles sur l'étagère. Elle sortit ensuite quelques fruits qu'elle commença à découper en fines lamelles avant de de les poser sur le verre à cocktail. 

Raèl quant à lui prit place juste à côté de sa mère. Il la regarda pendant quelques instants avant d'envoyer un message à son père 
- "Elle va commencer à boire"
Et là encore il n'eut aucune réponse. Alors il posa les coudes sur la table et s'occupa le regard en attendant que Cid arrive et qu'il puisse enfin prendre l'air hors de Pasteuria. Cet endroit lui donnait des hauts le cœur.

La barmaid posa le verre devant Dalanda qui tendit ses mains tremblotantes pour saisir la coupe sacrée avant de tout ingurgiter, cul sec. 
- Un autre - demanda-t-elle ensuite en sentant une douce chaleur se répandre dans son corps. Mais le changement principal était dans sa tête. Eiling avait l'impression que les verrous dans son esprit commençaient à se déverrouiller. Comme si le concierge de son cerveau venait ouvrir les portes de son appartement mental, moisit par les problèmes, pour aérer un petit peu - Un peu plus corsé - ajouta-t-elle ensuite en se passant les mains sur le visage. 
- Maman ? 
- Mmm ? 
- ... - Raèl ouvrit la bouche pour demander : "Pourquoi tu fais ça ? Est-ce que je ne te suffis pas ? Pourquoi on ne peut pas simplement être heureux ? ...". Il avait plein de questions qui lui traversait l'esprit, plein de requêtes d'éclaircissement parce qu’il ne comprenait pourquoi la situation en était là aujourd'hui. Mais tout ce qu'il put sortir c'est - Non, rien ...

Le deuxième verre Eiling le savoura en prenant son temps. Elle sentait déjà sa pensée vaciller, elle sentait déjà les inhibitions disparaître. Elle tourna la tête pour voir Raèl qui fixait une des étagères, sans vraiment voir, et elle put se permettre de sourire sans se sentir coupable. Elle voulut lui dire quelque chose d'important, quelque chose qui venait du cœur, quelque chose qui pourrait combler cette distance qui commençait à se creuser mais à cet instant la porte s'ouvrit laissant entrer une présence qui attira la majorité des regards. 

Un zoohumain toisant les deux mètres dix, hybride entre un tigre et un humain, portant un costume cravate sur mesure, fit son entrée. Dans la pénombre du bar, ses yeux brillaient d'une lueur orange intense et cachaient ses nombreuses cicatrices visibles sur le visage. Il avait deux profondes cicatrices parallèles sur le front, une autre traçait une ligne séparant son nez en deux parts quasi-égales, et une sur la gorge au niveau de la pomme d'Adam. Des blessures de guerres que la nanites parcourant son système sanguin ne pouvaient guérir. Son costume et sa fourrure cachaient d'autres marques d'une vie croisant la mort d'un peu trop près. 

Cependant, Cid n'était pas seul. Derrière lui se tenait un autre zoohumain bien plus petit de taille, appartenant à la famille des Sciuridaes. En termes plus simple, il s'agissait d'un hybride entre un humain et un écureuil, une très rare catégories chez les zoohumains qui comportaient bien plus d'éléments carnivores, qu'herbivores, et encore moins de rongeurs. Ce dernier avait le poil roux, et portait des vêtements plus décontracté : un pantalon bouffant et un shirt avec un message : "slim jeans won't fit my nuts», (les jean slim ne vont pas contenir mes noix), un humour d'écureuil que Jess O'Ryan avait complètement embrassé avec sa nouvelle condition. Ainsi qu'un cache queue qui enveloppait son appendice caudal en panache, dérangeant au quotidien. 

Cid, d'un pas lourd, s'avança vers Eiling qui se redressa sur son siège, se préparant à la conversation à venir. Marshall saisit le voisin de son amie, du pouce et de l'index, par le dos de l’habit. Le pauvre bougre en train de roupiller tranquillement sur le comptoir se retrouva soudain dans les airs avant d'être posé au sol comme une chose fragile. 
 - HEY ! - voulut il dire en comprenant à peine ce qui venait de se passer. La seule chose qui était claire était que quelqu'un cherchait les embrouilles. Néanmoins, la vue du Zhum bâti comme une montagne et clairement énervé, le fit dessoûler sur place - Excusez-moi - dit-il avant de se lever avant d'essayer de prendre la porte. Mais il fut réprimandé par la barmaid qui lui montra la direction de la salle de décuite. (Vu qu'on est quand même dans un hôpital, il est possible de se saouler mais les établissements ont le devoir de s'assurer que les consommateurs aient prit le temps d'entrer en phase descendante avant de sortir. Et à cet effet, plusieurs substances chimiques sont concoctées par un décuiteur/Sober Doc ?... Le nom de ce job peut changer ainsi que le concept. C'est une première ébauche pour l'instant). 
- Ce n'est pas à Nik de se charger de ce genre de choses ? - demanda Dalanda
- Il a pris sa journée - répondit la barmaid. 
- Au diable Nik - gronda Cid en s'accoudant au comptoir sans s'asseoir - Qu'est-ce que tu fous là avec le petit ?!
- Et où est ce que tu veux que j'aille ? - demanda Dalanda 
- ... Jess, tu peux faire un tour avec Raèl ? - demanda Cid avant d'ajouter - S'il te plaît
- Yep, bien sûr - répondit ce dernier, un petit peu étonné de l'amabilité de son patron. Il avait travaillé avec Marshall plusieurs années déjà et il pouvait compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où il a demandé un service de cette manière. C'est pourquoi O'Ryan se sentit investi d'une mission de la plus haute importance - Viens mon grand, on va respirer un bon coup dehors - dit-il en tapotant la cuisse de Raèl à défaut de son épaule qu'il avait du mal à atteindre - Je ne sais pas comment tu fais, mais moi j'étouffe un petit peu...

Le jeune homme fixa son père alors que son "oncle", non par parenté mais par parrainage, continuait à parler et Cid lui fit signe de la tête de sortir. Mais l'intensité du geste, calme, rendait la demande similaire à une requête et non à une sommation. La pilule était de ce fait plus simple à avaler. 

- Brr, il fait frisquet dit donc- fit Jess une fois à l'extérieur du resto bar. Il continua à avancer sur plusieurs mètres, avant de se poser sur le gazon occupé par des rêveurs, allongés sur l'herbe, les yeux fixés sur les lampes donnant l'illusion d'être des mini soleils. 
- Tu n'es pas obligé de me faire la conversation oncle Jess - répondit Raèl en croisant les bras et fixant le sol.
- Qu'est-ce que tu racontes garçon ? Tu crois que je me force à parler là ? - s'étonna O'Ryan - Ha ! Tu me sous-estimes grandement, crois-moi. Je discute avec toi parce que ça me fait plaisir.
- Je suis désolé...
- Arrête un peu, ce n'est rien - répondit le z'hum en changeant son expression. Jusqu'à présent il essayait de garder un visage jovial, mais il se rendit compte que ce n'était pas la bonne stratégie. La bonne humeur, hors contexte, entraînait souvent une réaction de renfermement ou d'opposition - Qu'est ce qui s'est passé là-bas ? - demanda-t-il en tout sérieux. 

- Rien de spécial...
- Arrête un peu garçon. Je connais ta mère depuis un long moment maintenant, et je peux affirmer avec certitude qu'elle n'agirait pas comme ça si rien de spécial ne c'était passé. Si tu ne veux pas en parler, je peux comprendre mais saches que je suis là si tu changes d'avis ok ? 
- Ce n'est pas que je n'ai pas envie d'en parler mais... Davy a été correct pour une fois...
- Et ce n'est pas spécial ça ? 
- Si, peut-être. C'est un comportement normal entre frère, c'est l'inverse que je trouve plutôt spécial
- Hmm, je ne suis pas sûr de comprendre mais bizarrement je pense que ça se tient. Et puis je t'avais dit qu'elle le grondait aussi. Seulement son état demande une certaine subtilité dans l'approche - expliqua Jess
- Possible...
- Ce n'est pas "possible", c'est évident - réagit O'Ryan en mettant les mains en avant comme pour montrer un truc évident qui était là sous les yeux - Ta mère vous aime tous les deux et ton père, bah il aime et c'est déjà bien Kuk kuk kuk - rigola le Z'hum et c'était étrangement mignon à regarder, peut-être à cause de l'ascendant écureuil. 
- ...

- Et ensuite ? 
- Davy a eu une crise - répondit Raèl en revoyant la scène dans son esprit, en reconstituant la frêle silhouette de son frère se torde de douleur de manière surréaliste, comme une poupée de chiffon. Et sans s'en rendre compte, Raèl posa la main sur sa poitrine et serra les doigts comme pour saisir son cœur. 
- C'était si grave que ça ? - demanda Jess en remarquant le comportement atypique de son neveu. 
- Oui, c'était grave - répondit Raèl en s'accroupissant - je ne l'avais jamais entendu crier comme ça, j'avais jamais entendu une personne hurler comme ça. Je n'imaginais même pas que c'était possible... J'ai eu mal aussi, même si je ne sais pas pourquoi. Tonton, tu crois que je suis malade aussi ? - demanda Raèl avec une pointe d'inquiétude
- Eh bein, toi alors... Hmm, est ce que tu es malade ? - se demanda Jess en croisant les bras, avant de pencher la tête sur le côté - Probablement - finit-il par répondre après quelques secondes de silence.   
- Ah ... - fit Raèl en s’imaginant dans le même état que Davy. Et cette perspective avait de quoi humidifier ses yeux. 
- Et je vais même te dire de quoi tu souffres - dit Jess en mettant la main sur l'épaule de Raèl, enfin il pouvait y arriver - Garçon, tu souffres d'humanité et je pense même être la personne qui t'ai contaminé kuk kuk kuk - expliqua Jess en riant de toutes ses dents et Raèl sourit à son tour. Cela lui faisait du bien de parler à son oncle. 
- Ouais, peut-être. 

- Bah, t'es encore jeune Raèl. Laisse les adultes faire leur job et tout va s'arranger 
- J'espère, tonton. J'espère aussi trouver ma place... - dit Raèl pensif. 
- Tu cherches une évidence. C'est l'une des choses les plus difficiles à trouver en ce monde - répondit Jess - Mais pour l'instant trouvons un petit divertissement.
- Un divertissement ? Pourquoi faire ? 
- Parce que la bonne humeur est thérapeutique et en tant que docteur je sais de quoi je parle 
- Tu es chirurgien oncle Jess, ce n'est pas pareil. 
- Sémantique, pure sémantique. Alors ça te dit ?
- Et tu proposes quoi ? 
- On peut se dégourdir les jambes, si je me rappelle bien, il y a des terrains de sport pas loin. On peut taper quelques ballons - proposa Jess et le jeune homme lui sourit en retour appréciant d'avance l'idée. 

A l'intérieur du bar, la conversation était en cours et l'ambiance était lourde d'émotion et lourde de peine.
- ... Je ne l'avais jamais vu comme ça depuis longtemps. Il criait et se débattait devant moi et je ne pouvais rien faire, je ne savais pas quoi faire... J'étais complètement terrorisée et je voulais que ça s'arrête peu importe comment, peu importe comment... - se répéta Dalanda
Cid l'écoutait attentivement avant de la prendre dans ses bras
- Je ne peux même pas imaginer la peine que toi ou Davy avez à endurer. Mais allez au suicide ce n'est pas la solution - dit-il.
Dalanda essaya de se dégager de l'étreinte du géant, insatisfaite de ce qu'elle venait d'entendre, mais c'était peine perdue. Elle avait beau pousser de toutes ses forces, elle ne pouvait que lui froisser le costume. C'était comme pousser contre une montagne. 
- Lâche moi ! - demanda Eiling énervée. 
- "Hihihi, serre là un peu plus fort plutôt" - dit la voix de Cid. 
- Non - répondit Marshall aux deux car il ne voulait ni se taire, si briser les os de son amie - Je veux que tu m'écoute - dit-il en s'adressant à Dalanda. 
- Je t'ai déjà écouté, je sais ce que tu vas dire. Et cette situation commence à être ridicule
- Je vais me coller serrer à toi jusqu'à ce que tu m'écoute Kruu rru rru 
- Je suis sérieuse !

- Moi aussi - répondit Cid en caressant les cheveux de son amie comme s'il s'agissait d'une enfant
- Arrête de me traiter comme une gamine !
- Kruu rru rru, désolé c'était plus fort que moi - répondit Cid en lâchant prise - Mais si tu veux que j'arrête de te traiter comme une gamine, il faudrait que tu arrêtes de te comporter comme une - dit Cid pour voir le visage de son interlocutrice se déformer de colère. 
- Comment oses-tu ? - s'énerva-t-elle
- Comment j'ose ? Tu crois que j'ignore ce que tu ressens ? Que je ne peux pas concevoir que ton cerveau te pousse à agir de manière complètement irrationnelle juste pour satisfaire une pulsion ?
- "Hihihi, comme si t'avais à t'en plaindre"
- Ce n'est PAS une pulsion !

- Si s'en est une, une pulsion suicidaire ! Tu penses que rester sur place est mal, et ton cerveau t'as convaincu que tu devais agir sans prendre en compte les conséquences. Mais c'est sa fonction de justifier l'injustifiable !
- Hmpf, au moins les séances avec le docteur Willmann servent à quelque chose - répondit Dalanda en reculant le buste et croisant les bras.
- "..."
- Dalanda, j'ai déjà été sur ce genre de planète - dit Cid en constatant qu'il devait changer d'approche. Ce qu'il avait fait jusque-là n'avait fait que la mettre sur la défensive. Alors il baissa les armes en se livrant émotionnellement dans la discussion - Et je n'ai jamais eu aussi peur de toute ma vie. 
- ...
- Je le répéterai autant de fois que nécessaire jusqu'à ce que tu comprennes. Ces planètes sont la chose la plus proche de l'enfer que j'ai pu voir au cours de ma longue existence. Rien n'y fait sens et tout est dangereux : les plantes peuvent t'empoisonner ou même te carboniser ; l'eau est remplie de micro-organismes carnivores ; l'air transporte des pathogènes qui font rêver les scientifiques fous de tout l'univers connu. Et là je ne fais qu'égratigner la surface. Mais le pire c'est que la faune et la flore n'arrêtent pas d'évoluer. J'y ai survécu non à grâce à ma force, mais parce que j'ai dû faire preuve de sang-froid, j'ai dû apprendre à respecter cet environnement et à ne pas me précipiter. 
- "Hihihi, c'était vraiment flippant"
- "Dit donc, tu es devenu bavard tout à coup"
- "Hihihi ! Je m'ennuie..."
- "On va voir ça tout à l'heure"

- C'est long Cid - répondit Dalanda en décroisant les bras - Je sais que tu as raison, mais je ne peux pas simplement rester assise. J'y pense tous les jours, et je ne trouve rien...
- Tu as ce projet de robot
- Mais c n'est pas une vie de vivre à travers un avatar
- Qu'est-ce que tu racontes ? Bien sûr que si. 
- Non, ce serait comme admettre qu'il n'y a pas de solutions. Qu'il restera à jamais enfermé pour n’exister qu'à travers une machine. 
- Je ne comprends pas pourquoi ce ne serait pas temporaire. Finit ton robot, le temps que je prépare convenablement la mission et puis après il arrivera ce qu'il arrivera. Occupe toi l'esprit, annule ta retraite et reprend la tête de DD (Dynamic Dreams), ou fait un marathon télé, MAIS, le plus important ! Ne te saoul jamais devant Raèl ! - gronda Cid – Le petit ne doit pas te voir comme ça.
- ... Je voulais juste me sentir un peu mieux. 
- Je sais, mais si tu cherches la force dans ces mixtures… Dans ton état d'esprit actuel, tu n'y trouveras que la prostration et la lâcheté. Tu es bien plus forte que ça alors fait preuve de patience, et fait moi confiance - demanda Cid en posant la main sur la joue d'Eiling. 
- Ok - répondit Dalanda en essayant d'abaisser la main du géant. Ce n'était pas qu'elle n'approuvait pas le geste mais ses coussinets étaient durs, rugueux et craquelés, donnant l’impression d’avoir le visage collé contre du béton.
- Très bien - dit Cid en ôtant sa main et de l'autre il saisit le cocktail de Dalanda qu'il vida cul sec sans même sourciller, et le tout en un instant à peine perceptible par l’œil.
- Non mais oh ! Je comptais le terminer moi ce verre ! - dit-elle outrée, après que la surprise du geste et eut le temps de monter au cerveau. 
- Prend le comme une taxe pour m'avoir fait déplacer Kruu rru rru - répondit Cid en enlevant du pouce une dernière goutte figée sur ses lèvres. 
- Comme si tu étais occupé - répondit Eiling en se tournant vers le bar, boudeuse. 
- Oh ! Je porte un costume quand même ! Ce n'est pas pour rien - dit Cid en montrant ses vêtements des mains. Pour une fois qu’il avait fait un effort de présentation tout le monde semblait s’en fiche éperdument.
- Pour regarder la télé ? - se moqua Dalanda en mâchant les fruits du cocktail. 
- Kruu rru rru, non. Casty voulait me présenter ses parents 
- HAHAHAHA - explosa Eiling de rire en imaginant la scène. Cid obligé de se tenir correctement et à tenir une discussion mondaine avec des humains tout en essayant de se faire voir comme un beau parti. 

- T'as pas tort de te marrer Kruu rru rru, c'était ridicule - rigola Cid. Ce genre d’événement n'était pas pour lui. Même si le rituel était resté ancré dans les traditions malgré les millénaires, il n'en voyait pas l'intérêt. 
- Hahaha... ah seigneur, j'aurai payé pour voir ça ! - ria Dalanda jusqu'à en pleurer. 
- La prochaine fois j'y penserai 
- Ah ?... - fit Eiling en essayant de reprendre un ton plus sérieux - Tu es parti avant que ça ne finisse ? 
- Bah, elle me vrillera les oreilles à la maison mais j'ai l'habitude Kruu rru rru - répondit Cid en se grattant la nuque. 
- Je suis désolée 
- T'avais besoin de moi, je n'allais pas t’abandonner comme ça. Casty comprendra, elle est sanguine mais elle est pas déraisonnable...
- J'ai l'impression que j'ai plutôt servit d'excuse pour éviter la discussion du mariage ou je me trompe ? - demanda Eiling en regardant son ami droit dans les yeux ; 
- Pfft, ta faible estime de moi me blesse profondément - répondit le géant en détournant le regard. 
- Hmpf - sourit Dalanda - Quel merdier quand même. 
- Tu l'as dit - confirma Cid. 

- J'ai encore du mal à croire qu'elle ait choisit de muter pour être avec toi. La première fois qu'on s'est vue je doutais qu'elle ait un cœur qui battait dans la poitrine. 
- J'ai un charme irrésistible - sourit Cid de tous ses crocs. 
- Mouais c'est vrai que tu as un certain quelque chose, surtout avec ton pelage grisonnant. 
- Je vieillis comme du vin, en m’améliorant Kruu rru rru
- Si tu le dis - répondit Dalanda avec une moue perplexe qui ébrécha légèrement le félin dans son estime personnelle. 
- Ha toi alors... Tu lui en veux encore pour Meliacor ?
- Et toi non ?! - s'étonna Dalanda
- Bah, si je devais en vouloir à tous ceux qui ont essayé de me tuer je n'aurai personne comme ami Kruu rru rru... 
- "Hihihi c'est pas faux"
- " C'est clair"
- Ce n'est pas faux - confirma Dalanda en repensant aux événements de Meliacor. 
- ... Et puis elle s'est rattrapée non ?

- Mouais, je ne suis pas très convaincue... - répondit Eiling avant de demander soudainement - Pourquoi elle ? Ce n'est pas comme si c'était la seule femme dans tout l'univers connu. 
- Bah pourquoi pas ? C'est une brave fille quand tu sais comment l'ignorer Kruu rru rru
- Je n'ose même pas imaginer vos conversations. 
- On en a pas des masses, on pas trop le temps de disc...
- Je ne veux pas savoir !
- Mais c'est toi qui ...
- Je ne veux pas le savoir !
- Ok, ok, Kruu rru rru. On joue au scrabble si ça te fait plaisir. 
- Et arrête de rire à tout bout de champs, c'est énervant !
- Ca ça ne va pas être possible
- "Hihihi c'est clair". 

- Maintenant que c'est du sérieux entre vous, on va devoir avoir une discussion avec Raèl - dit Dalanda après quelques secondes de silence. 
- Pour quoi faire ? C'est mon fils et je suis né pour être son père - répondit Cid sur un ton ferme. 
- Je n'ai jamais compris cet argument, mais il finira par l'apprendre un jour. 
- J'aviserai ce jour-là. 
- Sigh, quels parents pourris...
- Mouais... Un dernier verre pour la route ? - proposa Cid
- Hmpf, va pour un dernier. 

Pendant que ses parents trinquaient à leur joyeuse incompétence, Raèl arriva aux terrains de jeux en compagnie de son oncle.
- Lequel tu préfères ? - demanda Jess en espérant que son neveu ne choisisse pas le sport le plus compliqué. Mais connaissant ce dernier, son choix allait porter sur...
- Le Rugby Parkour - répondit Raèl en se dirigeant vers le grillage cerclant le terrain
- "Et merde !" - pensa Jess, épuisé d'avance.

Le rugby Parkour était un jeu qui commençait à être populaire dans toute la galaxie et son atout principal était son exigence. Le Rygby Parkour était difficile mais spectaculaire à haut niveau. Et il demandait des qualités d'athlètes exceptionnelles et très variées.

Il existe plusieurs types de terrains divisés par niveaux. Au niveau 1, les terrains doivent être équipés d'obstacles principalement horizontaux avec un écart au sol de 4 mètres maximum. Et les règles sont celles du 1,2,3 (l'explication suivra). Au niveau 2, les obstacles peuvent être horizontaux et verticaux, mais la hauteur maximale ne doit pas dépasser 8 m, et le sol doit absolument être mou. Ici les règles peuvent être du 1,2,3 ou 1,3,2. Quant au niveau 3, la seule limite est la créativité. Les terrains peuvent devenir de véritables puzzles  mouvants poussant les athlètes au-delà de leurs derniers retranchements. Très dangereux, ce niveau n'est accessible que dans les compétitions extrêmes. 

Le terrain de Serturneria était un terrain de niveau 1 (30&15 mètres), à deux chemins. Il était muni d'un cercle central de 6.5 mètres de diamètre, de dix plaques de béton recouverte d'un parquet marron et mesurant chacune 3 mètres de long pour 2 mètres de large, et 1 mètre de hauteur. La seule contrainte était que deux personnes pouvaient tenir côte à côte. Quant aux obstacles, ce terrain ci était muni de quatre tubes métalliques suspendus au-dessus du sol à une hauteur variant entre 1 et 3 mètres, deux échelles en acier suspendue au-dessus du sol, une échelle arrondie également en acier, quatre escaliers en béton. Il n'y avait rien qu'un amateur ne puisse surmonter. 

- Attends, je vais chercher un ballon - dit Jess en allant vers une petite cabine jouxtant les terrains. Elle n'était pas très grande et contenait tous les ballons de jeu. Pour les débloquer il fallait entrer quelques données dans la console implantée dans le mur, comme le type de sport, le nombre de joueur, la durée de jeu... Le tout influençant le prix de la location. Une fois toutes les données fournies et le compte débité, une fenêtre s'ouvrit laissant échapper le ballon de rugby rond - C'est bon ! - dit Jess en se retournant, pour constater que Raèl ne l'avait pas attendu. Le jeunot était déjà sur le cercle central en train de s'étirer les membres - "Kuk kuk kuk voyez-vous ça, l'impatience de la jeunesse". 

Tranquillement, en prenant son temps, O'Ryan arriva à son tour sur le terrain et se hissa aisément sur la plateforme centrale. 
- Allez ! - fit Raèl en se mettant en position, le sourire d'un bout à l'autre du visage. Jess connaissait ce regard, malheureusement il l'a vu bien trop souvent sur le visage de Cid. Il signifiait une chose : "le chat avait envie de jouer" et en général ça finissait assez mal. 
- Du calme, du calme. Je n'ai pas joué à ce jeu depuis un bon moment. Tu peux me rappeler les règles vite fait ? - demanda Jess en tirant sur l'horloge. Il fallait transformer cette excitation en frustration s’il ne voulait pas se faire ridiculiser. 
- Sérieux tonton ? - se plaignit Raèl qui avait juste envie de jouer. 
- Bah pourquoi je mentirai ? - répondit Jess en prenant l'air étonné - Rafraîchit moi la mémoire, quoi, soit fair play. 
- Mmm - fit Raèl en adoptant une posture plus relaxe - Ok. On joue selon les règles du 1,2,3...
- C'est quoi ça déjà ? 

- Pff, chaque plaque possède un numéro 1, 2, 2bis, 3 et 3bis. On doit passer de la plaque 1 à la plaque 2 ou 2bis, puis à la plaque 3 ou 3 bis et on n'a pas le droit de revenir en arrière. On choisit un des deux chemins et on s'y tient quoi. 
- Ah ouais ok, et c'est pareil pour l'attaquant et le défenseur - demanda Jess de la manière la plus innocente possible. 
- Bah, non c'est juste pour l'attaquant. Le défenseur fait ce qu'il veut. 
- Oh ok. 
- Ensuite il est interdit de poser le pied au sol ou de le toucher de n'importe quelle manière. On se déplace sur les places et les obstacles. 
- Oui ça je m'en rappelle quand même. Mais on peut faire rebondir le ballon au sol si je me rappelle ?
- Oui, le ballon peut être rebondit au sol ou sur n'importe quelle surface au moins une fois toutes les cinq secondes sinon c'est porté. Euh quoi d'autre ? Ah oui, chaque joueur à 30 secondes pour marquer un point sinon il y a faute. 
- Hmm ok,
- C'est bon ? 
- Je pense, on verra bien en cours de jeu de toute façon. Alors laisse-moi le temps de me réhabituer et vas-y mollo au début - dit Jess en tendant le ballon pour la mise en jeu
- Ok - fit Raèl
- "Bien" - pensa Jess en remarquant que "le chat voulait s'amuser" n'était visible nulle part sur le visage de son neveu. Au moins comme ça il avait une chance de ne pas se faire rouler dessus et en plus il avait déjà préparé son excuse en cas de défaite. 
La mise en jeu était simple, chacun tenait le ballon d'une main et devait tirer le plus fort possible. En général ces derniers étaient solides et pouvaient supporter la pression exercée par les zoohumains, en moyenne quatre fois plus forts que les humains. Cependant le cas de Raèl était différent. Malgré sa forme humaine, ses doigts enveloppèrent plus de 60 % de la surface du ballon et pressèrent en douceur, cependant la pression était suffisante pour pousser l'air à l'extérieur du contenant. 
- Tout doux Raèl - rappela Jess en se mettant en position légèrement accroupie. Il n'avait aucune illusion sur le fait de remporter ce duel de force, tel père, tel fils après tout. Mais il pouvait immédiatement partir en défense. 

De son côté du terrain il y avait deux chemins qui étaient connectés au cercle central. Le premier était une plaque traversée par deux barres métalliques. Celle de droite était horizontal et se connectait à une autre plaque. Celle de gauche était montante sur un angle de 45° jusqu'à 3 mètres de haut et se connectait à une autre plaque. 

Le deuxième chemin était un escalier montant suivi par une plaque et suivie par un escalier descendant. A priori, ce chemin était bien plus simple à manœuvrer que le premier. Et connaissant un petit peu son neveu Jess savait qu'il était inenvisageable que Raèl choisisse la facilité. Cid l'avait éduqué pour qu'il embrasse la difficulté, pour qu'il soit curieux de tester ses limites et pour qu'il ait la motivation de se surpasser ou plutôt de surpasser son père.  C'est pourquoi, Jess lâcha immédiatement le ballon sans prendre la peine d'engager un combat qu'il savait perdu et, agilement, se positionna sur la plaque de droite et plus loin encore, sur la barre métallique ascendante.

Raèl, surprit observa Jess prendre position et sourit. Son oncle ne s'était pas trompé et avait deviné le chemin qu'il était prêt à prendre. Il tapa le ballon au sol une fois pour répondre à la règle des 5 secondes, puis se pencha pour adopter une position avec un centre de gravité plus bas avant de démarrer un sprint lent, suffisamment lent pour être visible à un œil nu non entraîné. Mais c'était sous-estimé son oncle. Certes, sa métamorphose n'avait pas répondu à tous ses espoirs en termes de prouesses physiques, mais il avait complètement abandonné sa carrière médicale pour se consacrer à son objectif. Raèl n'était pas le seul ayant l'ambition de surpasser Cid. 

Les milliers d'heures passées à s'entraîner, les innombrables fois où il avait risqué sa peau aux côtés de Cid et où il ne l'avait pas quitté des yeux, enviant, étudiant, mémorisant les mouvements et les attitudes... Tout le bagage appelé expérience, lui permis de pousser ses sens dans les extrêmes de ce qui était concevable. Et même si son apparence était fortement inclinée vers celle d'un écureuil, le comportement de Jess était plus celui d’un prédateur en embuscade, usant de force explosive plutôt que de force brute. 

Sur la barre métallique qu’il occupait, il y avait quatre options possibles. Passer par-dessus en sautant, passer en dessous à la manière d'un singe, ou passer sur les côtés en se tenant à la barre pour réaliser un mouvement acrobatique. Raèl pouvait user de chacune de ces options avec une facilité déconcertante. Mais s'il était bien le fils de son père, il n'y avait qu'une voie qu'il allait prendre. 

Le jeune homme arriva comme prévu et comme imaginé il commença à se pencher pour agripper la barre d'une main, puis il se laissa tomber pour s'accrocher des jambes derrière Jess. Là, l'écureuil usa la nature explosive de ses muscles pour s'accroupir et taper le ballon exposé des articulations méta phalangiennes proximales, entre les phalanges médianes et proximales. 

Le ballon fut expulsé des mains de Raèl qui ne s'attendait pas à une telle vitesse de réaction, et rebondit au sol. Là Jess se propulsa en l'air en frappa le ballon du pied en misant sur cette seule et unique chance qu'il allait avoir. La balle fila dans le camp opposé et toucha le but suspendu, marquant un point. 

- 1-0 - dit Jess en tendant la main à Raèl pour le hisser et comme il s'y attendait, le jeunot était sous le choc - Tu as donné ta langue au chat ? kuk kuk kuk - sourit Jess pas peu fier de lieu de sa prouesse. Il avait tout donné pour cette fraction de seconde et son souffle était tout irrégulier, ses muscles criaient de douleur mais il avait le moral. 
- Bien joué - répondit Raèl en se sentant trahi. Son oncle lui caché des choses intéressantes - Balle au centre - dit-il en changeant sa prise d'une main à un doigt, et hissant ses 100 et quelques kilos sans difficulté. 
- "Tssk" - pensa Jess dégoutté en sentant sa vieille jalousie lui piquer la poitrine - Kuk kuk kuk, tu ne m'as pas compris le jeune. 1-0 et le match est fini
- Quoi ? - s'étonna Raèl - On vient de commencer !!
- Peut-être, mais il faut apprendre à partir quand tu mènes la danse !
- C'est des conneries ! - hurla le jeune homme frustré. 
- Hey langage ! - répliqua Jess avec sévérité - Tout n'est pas juste dans ce monde et les choses vont souvent à l'encontre de tes envies. C'est comme ça, c'est la vie ! 
- ... 
- Mais si notre match est fini, il y en un autre qui t'attend - répondit Jess en pointant du doigt derrière le grillage où se se tenaient Cid et Dalanda - Ça te dit patron ? - cria O'Ryan en direction du duo. 
- Et comment ! - répondit Cid en enlevant sa cravate. 

Les deux géants se retrouvèrent bientôt au milieu du terrain, au milieu du ring, bandant leurs muscles, les préparant à l'effort qui allait suivre. Même l'atmosphère semblait effrayée, retenant son souffle, évitant de bouger. L'air était devenu plus lourd, plus froid aussi. 
- Eh bein, ils ne savent pas comme être relaxe dit donc - commenta Jess 
- Ca va aller ? - Demanda Dalanda inquiète par la tension palpable entre le père et e fils. 
- Mais oui, ils sont toujours comme ça - répondit Jess - T'as vu comment j'ai battu ton fils ? - dit-il ensuite tout fiers
- Non, on vient à peine d'arriver - commenta Dalanda
- T'as raté un beau spectacle alors... Par contre, il commence à faire froid non ? - demanda Jess en remarquant la peau d'Eiling être couverte de chair de poule. Il toucha ensuite le front qui avait été touché par quelque chose de frais et d'humide. 

Cid et Raèl gonflés comme des buffles au point où les vêtements durent s'élargir de quelques tailles, e relaxèrent soudainement et levèrent les yeux au plafond
- De la neige ? - s'étonne Raèl en constatent les fines particules de glace tombée de nulle part, et le phénomène commençait à s'intensifier. 
- Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?! - s'étonna Cid en frottant le pouce sur l'index touché par la neige. 
- Qu'est-ce qu'on fait papa ? - demanda Raèl 
- Hmm, bonne question - répondit Cid pensif - Ils vont surement demander une évacuation et on va obéïr aux consignes. Cet hôpital n'est pas sous ma responsabilité 
- Mais et Davy ? - demanda Raèl étonné de sa préoccupation pour son frère. 
- "Ah ue, merde..." - Ne t'inquiète pas, on gère.
En un bond, Cid traversa le terrain en passant par-dessus le grillage pour attérir à quelques pas de Jess et Dalanda qui touchaient la neige du bout des doigts, encore incrédules.
- Je n’aime pas ça. La neige me rappelle de trop mauvais souvenirs et celle-là n'a pas à être ici - fit Jess
- Bingo petit génie. On doit...
Avant que Cid ne finisse ne parler, un autre événement étrange se produit. Il y eut comme un bruit grandissant, un Brrr, un tremblement qui gagnait en intensité, une vibration qui affectait l'air lui-même. Et en levant les yeux au plafond, il était possible de le voir bouger comme une sorte de voile caressé par le vent. Et cette impression se généralisait sur les murs, le sol, même les personnes n'arrêtaient pas de bouger comme des flammes dansantes. Et puis, tout disparu d'un coup, d'un claquement de doigts tout revint dans l'ordre. 
Cid, resté figé dans son geste regarda autour de lui, assimilant ce qui venait de se passer puis partagea sa pensée
- Ok, on se barre d'ici
- 100% d'accord - répondit Jess qui était prêt à se taper le sprint de sa vie si nécessaire. En accompagnant Cid et Dalanda dans leurs expéditions il avait vu plein de trucs qui défiaient l'imagination alors il avait dû développé un certain instinct pour le danger. Et en cet instant cet instinct faisait du break dance dans sa tête. 
- On ne peut pas partir comme çà - protesta Dalanda - Je ne peux pas partir sans m'assurer que Davy va bien
- Je suis d'accord - répondit Raèl au grand étonnement de Cid. Il ne 'attendait pas entendre ce genre de chose de la bouche de son fils, à sa connaissance ils ne pouvaient même pas se sentir. 
- Euh ça va être compliqué... - commença à expliquer Cid et en cet instant, les hauts parleurs de Sertunéria passèrent un message
- A tous les visiteurs, Sertuneria doit fermer ses portes pour répondre à un problème de réseau électrique. Les patients sont priés de rejoindre leurs chambres. Merci de votre compréhension. 
- Réseau électrique ? C'est quoi ces conneries - commenta Cid
- Il fallait qu'ils trouvent une explication - répondit Jess en haussant des épaules. Rien ne pouvait expliquer ce qu'ils venaient de voir, alors pourquoi pas un incident électrique. Les gens avaient envie d'être rassurés et ils étaient prêt à croire à tout ce qui pouvait calmer leur panique. 
- Hmpf, mouais - dit Cid et puis en réécoutant le message qui passait en boucle dans plusieurs langues différente, il ouvrit grand les yeux - Je connais cette voix...
- Ah oui ? C'est qui ? - demanda Dalanda
- Anatoly Stephanko, un ancien collègue. Bon, je vais obtenir quelques informations. Jess, Raèl, ouvrez les yeux, ça pue la merde à venir - dit Cid avant de s'écarter rapidement du groupe. Il ne s'attendait pas rencontrer un ancien collègue ici. 





Diss était tranquillement assis dans un fauteuil roulant, et profitait de la vue offerte depuis la terrasse s d'un restaurant diététique de Sertuneria. Et il ne pouvait qu'être ébahi par ce parc à l'intérieur de la gigantesque bâtisse. Peut-être était-ce parce que son monde en manquait cruellement, qu'il éprouvait toujours du plaisir à être entouré d'arbre et de fleurs. Quelques fois, il nourrissait même l'idée de prendre quelques graines avec lui et de raviver l'âme de son monde, mais aucune forêt n'allait, ne pouvait survivre aux démons. Avant de repenser à retrouver ce qui avait été perdu, il allait d'abord falloir éliminer cette vermine. Et rien que l'idée de reprendre les armes lui fit serrer la main un peu trop fort, et la tasse contenant son jus de carotte explosa en mille morceaux
- Monsieur Prior, vous allez bien ? - demanda l'aide-soignant qui l'accompagnait

- Euh oui, juste un spasme - répondit Diss en reprenant son rôle de Ruen Prior. Un auto-entrepreneur, ancien vétéran de guerre, et adepte de la modification corporelle. Son histoire était simple : durant le conflit de Septio il avait été gravement blessé à la jambe et avait dû être amputé. Ce conflit avait connu les munitions "paquet cadeau". Les balles étaient creuses et pouvaient comporter de l'acide, ou une toxine létale... Elles étaient particulièrement efficaces et pouvaient causer de sérieux dégâts rien qu'avec une éraflure, au point où les professionnels de la guerre durent se réunir pour réguler leur utilisation. Dire qu'un outil de guerre avait failli être à l'origine d'une paix durable... 
Après avoir reçu sa jambe bionique Prior a été atteint d'u trouble psychologique assez rare appelé "Iron man syndrome" où la personne devenait accro à la modification corporelle et ne pouvait s'empêcher de transformer son corps malgré les dangers. C'était l'explication qu'il avait trouvée pour expliquer son corps complètement mécanique, et avec sa technologie il pouvait adapter l'apparence de ses prothèses à quelque chose de plus conventionnel. 

- Un spasme ? Un bug vous voulez dire ? - demanda le jeune homme du nom de Donald Turk. 
- Euh oui un bug, je crois que j'ai du mal à m'y faire encore - expliqua Diss en se mordant intérieurement la langue. 
- Je comprends, c'est plus courant qu'on ne le croit - le rassura l'aide-soignant en se poussant pour laisser place au serveur qui était venu nettoyer la table et ramasser les bouts de tasse -Vous voulez une autre boisson ? - demanda Turk 
- Oui, merci - répondit Diss en constatant à quel point quelques numéros sur un compte pouvaient faire la différence dans cet univers. C'était un concept qu'il ne comprenait pas, pour lui les plus forts protèg... devaient protéger les plus faibles. Avant de vendre son âme au diable en s'associant avec Monsieur, il croyait encore à ce concept, mais oui c'était avant que toutes les fondations de ses croyances ne soient détruites par Anubis - "Peut être que c'est eux qui ont raison" - se demanda-t-il en se calant confortablement sur sa chaise roulante. Le plan avançait sans trop de problèmes, ce qui était quelque peu décevant. Après s'être autant préparé c'était navrant de constater que les Phanoms avait laissé le loup entrer dans la bergerie aussi facilement - "Tant pis pour eux" - sourit Diss qui voyait déjà la mission se passer en douceur. Puis, là, quelque chose d'humide et de froid vint lui toucher le front. Et il n'était pas le seul à avoir senti cette étrangeté. Le serveur arrêta sa besogne et en compagnie des autres clients leva la tête au plafond pour constater une neige qui se matérialisait de nulle part - Friedricht ? - murmura Diss étonné. Avant de se rappeler les événements du manoir Dudley, et la construction de glace qui avait volé en éclat. Quelque chose ici, cet œil dont parlait Friedrich avait dû s’intéresser d’un peu trop prêt à sa présence et Friedrich avait u être obligé d’agir. C’était la seule explication qui lui venait en tête, ce qui voulait dire que le temps était compté.

- "Merde, c'est trop tôt" - pensa Diss en revoyant mentalement son plan. Il n'avait aucun moyen non compromettant de joindre les autres membres de son équipe. Ces derniers se déplaçaient en éléments isolés, infiltrant Serturneria chacun de son côté. Vu le manque de temps, et le manque d'équipements Diss avait choisi des mercenaires spécialisés dans l'infiltration et disposant d'un parcours médical. Amina Touret, ancienne membre des "Gravigas", un groupe de mercenaires opérant à la périphérie de la CEDEP dans les régions limitrophes de l’UDEO (L'Union des Empires d'Orion). Elle a 10 ans d'expériences en tant que toubib de terrain avant de se réorienter vers le mercenariat privé qu'elle pratique depuis 7 ans avec succès. Émeric Lefèvre, un ex militaire des forces spéciales de Sullya spécialisé dans le contournement des lignes ennemies et diplôme de l'université d'Arhmbourg en chirurgie oculaire. Zhang Fang, un assassin de profession spécialisé dans la confection d'armes camouflées. C'était le seul membre de l'équipe ne disposant d'aucune connaissance en pratique médicale, mais cela ne signifiait pas qu'il ne connaissait pas l'anatomie humaine sur le bout des doigts, et de plus ce qui lui était demandé était de sécurisés l'ascenseur descendant dans les entrailles de Serturnéria et de trouvé les éléments nécessaires à la fabrication d'une bombe. Vu le nombre de produits chimiques dans l’hôpital, la tâche n'était pas particulièrement difficile pour qui savait regarder.

Le problème était que, selon l'horloge atomique de Diss, le rendez-vous avec Amina et Emeric devait avoir lieu à 23h, soit dans une heure. Et les événements qui étaient en train de se passer allaient réveiller la ruche des Phanoms jusque-là laxistes. Sans parler des gardes du corps de Séforah qui seront sur le qui-vive plus que jamais. L’opération avait de fortes chances de finir en bain de sang, et ce ne sont pas les quelques couteaux aux lames recouvertes de mono-filament qui allaient leurs ouvrir une porte de sortie vers la liberté, de plus avec Séforah sur le dos.
- "Merde, est ce que je dois déjà utiliser Quätal ?" - se demanda Diss en procédant à une simulation mentale. Il pouvait ingérer le produit, doper ses capacités, se saisir de Séforah en un clin d’œil, passer par le mur et après ? La jeune fille n'allait pas survivre à la pression des G d'une course supersonique. Le vent allait lui arracher la peau et lui percer le cerveau en passant par les oreilles, et ce dans le meilleur des cas. Elle allait être un boulet de taille qui allait le ralentir considérablement, laissant aux Phanoms le temps de réagir. Ce plan allait pour une option F ou G mais certainement pas pour une option B.

Pendant que Diss était perdu dans ses pensées, l'atmosphère environnante commença à vaciller et un bruit de tremblement, un BRRR qui semblait dénaturer la réalité elle-même. Ameno, saisit les bras de son fauteuil, ses doigts métalliques percèrent le plastique et l'homme fut pris de panique. Cette impression, cette lourdeur, cette présence, cette chose, cet œil...
- "ANUBIS ?!!!!" - hurla intérieurement l'ancien guerrier en essayant de se faire aussi petit qu'une souris, au point d'en oublier de respirer. 

Comme un animal traqué, Diss laissa son instinct de peur lui échapper et surgir hors de son être. Il regarda autour de lui pour voir si des figures familières vêtues de leurs capes Ishikaliennes brodées d'or et d'argent, ne venaient pas d’apparaître. Et plus important si leur maître, l'être au masque de chacal n'avait pas fait irruption dans cette réalité à la recherche de son bien précieux. 
Et cette terreur primaire, primale, donna envie à Ameno de tout jeter aux oubliettes, le plan, Séforah, Monsieur... il avait une mission plus importante, il devait survivre pour terminer son projet même si ce monde devait être mis à feu et à sang ! 

Puis, le BRRR du tremblement et les perles de neige disparurent sans laisser de trace remettant la réalité sur ses fondations. Tout comme les autres clients du restaurant, Diss prit du temps à se remettre de ses émotions. Il prit du temps à se remettre à respirer. Et il prit du temps à comprendre que ses craintes n'avaient pas lieu d'être.
- Ha...ha...Haha...Hahahaha - ria le guerrier nerveusement, en se passant une main sur le visage - "Ridicule... Je suis ridicule" - se dit il en se sentant complètement vidé, épuisé par la peur. 
- Monsieur Prior, monsieur Prior, monsieur Prior ?! - entendit il l'appel de l'aide-soignant au bout de la troisième fois.
- Hmm ?
- Monsieur Prior, vous allez bien ?

- J'avoue que je ne sais pas trop - avoua Diss juste avant d'entendre un message général demandant aux visiteurs de quitter les lieux et aux patients de retourner dans leurs chambres, prétextant un problème électrique. Cela n'avait aucun sens, et pourtant tout le monde obéissait sans rechigner. Est-ce que les habitants de ce monde étaient tous aussi dociles que des agneaux, où il y avait autre chose qui pacifiait leurs volontés ? - Vous avez une idée de ce qu'il se passe ? - demanda Diss sans l'espoir d'avoir de réponse, mais simplement pour tenir une conversation dans l'esprit de son personnage
- Je suis désolé monsieur Prior, mais je n'en ai absolument aucune idée - répondit Turk en poussant la chaise roulante - L’hôpital est assez tranquille en général. La seule fois où il y a eu un événement notable c'était il y a cinq ans, pour vous dire.
- Qu'est ce qui s'est passé ? - demanda Diss curieux
- Il y a eu une fuite d'un hallucinogène expérimental. L'histoire était dans tous les journaux de l'univers connu, vous ne l’avez pas lue ?

- Ah oui, c'est vrai ! Je m'en rappelle. J'ai lu que Louisville a été affecté par une crise de démence généralisée. Ça a dut être très dangereux - répondit Diss en faignant l'inquiétude
- Mais non, c'était une exagération des médias. L'hallucinogène était développé pour la rêvo-thérapie, son seul effet est de mettre en état de transe en plus la personne doit être déjà endormie pour que l'hallucinogène fonctionne. Il n'y a rien à Pasteuria qui peut présenter un danger - répondit fièrement Turk en se voulant rassurant.
- Tant mieux - répondit Diss en jouant le rassuré. Le sujet n'avait pas trop d'intérêt à ses yeux, outre le fait de sympathiser avec son accompagnateur qui continuait à la pousser en direction des chambres, à côté de la foule de visiteurs qui allaient dans la direction opposée. Et là, le guerrier retint à nouveau son souffle en voyant un visage qui ne lui était pas inconnu.  Il avait vu dans la foule un zoohumain tigre approcher à grands pas - "Est ce que c'est lui ?" - se demanda Diss. Il n'était pas rare de voir des z'hums de cette espèce, alors en temps normal il n'y aurait pas prêté attention. De plus la différence d'âge avec la photo rendait l'identification difficile. Mais l'information contenue dans l’œuf d'Alice trottait dans son esprit - "C'est lui !" - confirma de lui-même Diss en dévisageant le géant qui irradiait de vitalité et de puissance, et ce dernier lui rendit un regard sauvage brûlant 'agressivité, qui poussa le guerrier à détourner les yeux - "Qu'est ce qu'il fou ici ?" -  se demanda-t-il en notant une complication possible de plus, et de taille. Trop de choses se passaient autour du colis, trop d'enchevêtrements inattendus, trop d’occurrence et de complexité, bien trop pour que ce soit naturel. C'était comme s'il était à nouveau prisonnier dans la toile de Lokhala, le dieu sournois et il n'y avait rien de pire que cette sensation. 
Diss se tourna pour jeter un dernier regard au géant bâti comme une armoire à armoire à glace, tout en se demandant si cette abomination de la nature allait être une menace ou était-ce une opportunité de recrutement, ou était-ce autre chose encore ? Quel rôle cet animal allait il jouer ? La coïncidence était bien trop frappante. A la base le plan devait être simple, Ilya devait capturer une jeune femme pauvre et seule et la livrer au commanditaire. Mais durant son opération il est interrompu par un z'hum inconnu compliquant les choses d'avantages. Ensuite elle bénéficie d'une protection rapprochée, il y a cet "œil", et maintenant ce type... Il y avait bien trop de complications pour rien, et cet enchevêtrement d’événements était une réelle improbabilité. C'était comme si l'univers lui-même voulait la préserver, mais pourquoi ? 

- "Absurde !" - pensa Diss en essayant de se raisonner. Il accusait encore la panique et la confusion, et son cerveau avait du mal à maintenir son sens analytique. 
- Vous avez vu une connaissance ? - demanda Turk 
- Non - répondit Diss tout en pensant - "Ferme ta gueule !" - il avait besoin de silence pour réfléchir à différentes possibilités. N'ayant aucun moyen de joindre ses agents, il ne pouvait que leur faire confiance par défaut d'options. Ils devaient être à l'heure à l'étage de Séforah pour procéder à l'extraction en douceur. Maintenant, Diss devait prioriser l'éventualité où la chute de neige soudaine à l'intérieur de l'immeuble complique leur infiltration. Si les Phanoms étaient un minimum compétent alors ils allaient doublés les mesures de sécurités. Ce qui voulait dire plus de patrouilles, la présence d'outils de détections plus agressifs comme : l'analyse biométrique des caméras (forme du visage, taille, poids, particularités physiques intra-organiques, etc.…), la géolocalisation des badges et autres technologies dont Diss n'avait aucune idée. Mais toute cette technologie n'était que cela : technologie et Diss avait son propre lot d'options pour se fondre dans la masse de données numériques. Ce qu'il craignait le plus n'était pas le raisonnement d'une IV mais l’œil humain entraîné du superviseur. Tout ce raffut paranormal allait certainement mobiliser l'équipe de crise qui allait scruter toutes les anomalies numériques ou non. Et si cet Anatoly n'était pas un abruti, alors sa supervision de l’état d’urgence en temps réel allait rentre toute usurpation d'identité pratiquement impossible... 

- Je sais ce que vous pensez - dit Turk en se penchant à l'oreille de Diss, usant d'un ton satisfait
- Quoi donc ?! - demanda Diss surpris, retenant l'envie de percer le crâne de son interlocuteur des doigts
- Ce z'hum était bien trop imposant. Je pense qu'il utilise des super stéroïdes - souffla l'aide-soignant
- Possible - répondit Diss en s'empêchant de grincer des dents face à ce faux stress inutile. Et puis, il eut une idée - Euh, Turk, est ce qu'on peut faire un tour au sixième étage ? - demanda Diss en faignant une inquiétude
- Euh, pourquoi ? Ce n'est pas votre étage - s'étonna Turk 
- J'ai... Je ne sais pas combien de temps on sera cloisonné dans nos chambres. Mais j'aime bien la vue depuis la fenêtre du couloir
- Euh... bah, oui pourquoi pas - répondit Turk confus - Mais on ne pourra pas rester très longtemps, je dois vous ramener dans votre chambre
- Oh, ce serai parfait. J'ai juste besoin d'une minute ou deux - avoua Diss. S'il y avait un risque qu'il se retrouve tout seul, il y avait des éléments qu'il allait devoir vérifier par lui-même.     
Pour monter du quatrième au sixième, Turk et Diss prirent un des nombreux ascenseurs présents. Ils étaient disposés à proximité d'escaliers tous les deux cent mètres environs. Durant, l'évacuation, Ameno pu constater que ses craintes commençaient à se manifester. Les phanoms en armure et en civil, armés, avaient comme jailli des murs et patrouillaient comme s’ils cherchaient quelque chose ou plutôt quelqu'un. Ils se tenaient à distance des visiteurs et des patients mais suffisamment prêt pour récolter des données personnelles et pouvoir intervenir avant que le suspect ne puisse s'échapper.  
- "Merde !" - pensa Diss en se disant qu'un de ses éléments avait peut-être merdé. Quant à savoir lequel... Le choix d'opérer en éléments indépendants et sans disposer de moyens de communications était pour éviter le risque d'être piraté et identifié. Bien sûr Diss avait une IA extérieure à ce monde pour essayer de contourner cette éventualité, mais le problème était justement de ne pas laisser de traces d'une technologie condamnée et scellée. Il n'y avait plus d'IA dans ce monde depuis près de trois cent ans, mais des IV démunies de leur potentiel d'apprentissage. Si jamais la présence d'une IA était détectée, et il était pertinent de croire que la sécurité de Pasteuria pouvait arriver à cette conclusion après une analyse détaillée des données. Si jamais, une IA était identifiée comme existante, alors l'incident allait prendre des proportions politiques. Cela allait devenir une question de sécurité galactique et là, les complications allaient pleuvoir de tout l'univers connu. 

Ce fait était frustrant, Diss disposait d'outils extrêmement avancés mais il lui était très difficile de les utiliser. C'était comme être armés de fusils d'assauts pour lutter contre des moustiques. L'exercice n'était pas particulièrement intelligent. Le guerrier était piégé par les circonstances et plus le temps passait, plus les événements s’enchaînaient et plus il sentait des mains invisibles se rapprocher de son cou. 

L'ascenseur arriva au sixième, Diss répondait machinalement aux questions de Turk, ne prêtant aucune attention à l'aide-soignant. Le guerrier se préparait mentalement pour le risque qu'il était sur le point de prendre et qui pouvait transformer cette opération en véritable enfer. 

L'étage était composé d'un long couloir de deux mètres et demi de large, d'une propreté immaculée. La hauteur du plafond était de près de quatre mètres. Le couloir était peint de couleur psycho relaxantes et décoré de fleurs et de plantes quelques fois accrochées sur les murs. Mais ce n'était pas ces détails inutiles qui attiraient l'attention de Diss. Premièrement, il y avait des Phanoms présents à l'étage mais suffisamment dispersés pour ne pas gêner le travail des quelques gardes de corps privés qui protégeaient les chambres de leurs clients. Les soldats de Pasteuria étaient là en soutient dans ce cas de figure, mais leur présence signifiait que Diss allait devoir prendre leur réaction également en compte. Les gardes du corps privés des autres clients n'allaient pas bouger tant que leur contrat n'était pas menacé et ce quoiqu'il advienne. 

 - Vous pouvez me pousser par-là ? - demanda Diss en pointant vers le fond du couloir où se trouvait une large baie vitrée. 
- Euh oui bien sûr, mais nous n'allons pas rester très longtemps - répondit Turk en poussant le siège roulant assisté (pour faciliter le déplacement, étant donné que les cyborgs pèsent plus lourd que les humains).  

300 mètres. Diss regardait droit devant mais sa vision périphérique captait déjà les éléments concernant la chambre 528N et les deux hommes qui gardaient la porte

250 mètres. Diss remarqua que les regards des professionnels de la sécurité se posaient sur lui et la raison était simple. Son corps mécanique était en lui-même une arme et le regard entraîné de certains agents de sécurité n'avait aucun mal à identifier ce détail. C'est pourquoi, il était simplement naturel pour eux de garder ce danger potentiel à l’œil tout en étant prêt à intervenir.

200 mètres. Diss commença à analyser les voix possibles. Dans son dos à 80 mètres se tenaient des Phanoms. Il leur fallait entre vingt et trente secondes pour réagir et arriver devant la chambre. Un temps largement suffisant pour agir, mais pas pour s'échapper avec le colis, tout seul du moins. A 220 mètres devant, non loin de la baie vitrée se tenait également un autre groupe de Phanoms bloquant également cet accès. Ou du moins, compliquant la fuite. 
- "Ok..." - pensa Diss qui commençait à se sentir nerveux. 

150 mètres. Les deux gardes du corps n'avaient pas encore réagi et aucun signe de l’Élément X, du troisième en renfort. En principe il était à l'intérieur de la chambre ou particulièrement bien caché. 

100 mètres. Cette distance était critique. En règle générale, 100 mètres représentaient la distance de sécurité nécessaire à un temps de réaction impeccable. 100 mètres c'était la distance parfaite pour un tir, c'était également la distance que certaines personnes pouvaient franchir sous les 5 secondes. Et ce temps était le strict minimum pour que l'information monte à un cerveau non préparé et que le corps entame un geste mais c'était tout. Autrement dit, dans un périmètre de 100 mètres, on était dans le domaine de la mort. Et, une fois que Diss pénétra à l'intérieur de ce périmètre, même si le visage des gardes du corps de Séforah restèrent de marbre, leur langage corporel montrait qu'ils s'étaient mis sur le qui-vive. 
- "Ce sont des pros..." - analysa Diss dégoutté, mais non vaincu 

90 mètres. Diss pouvait bondir de son fauteuil roulant et atteindre sa cible en deux secondes, avant que cette dernière n'ait le temps de percevoir l'information, de l'analyser et de réagir. Mais uniquement si l'élément de surprise était présent. En moyenne, dans cette condition de non préparation, l'être humain prenait deux secondes pour que le cerveau donne l'ordre aux muscles de bouger. Si on rajoute, la surprise et la panique, ce temps pouvait bondir à quatre secondes. Mais là encore, ce n'était qu'une moyenne et ces hommes qui se tenaient devant la chambre 528N n'étaient pas dans la moyenne.

80 mètres. Diss procéda à une première simulation en prenant le plan le plus basique. Il couvre les 80 mètres en un peu moins de deux secondes et plante son bras métallique dans le cœur de sa victime. Cependant, comme en réponse à cete pensée, le guerrier remarqua que la personne visée avait légèrement basculée son centre de gravité sur un pied d'appui. Un geste qui passerait complètement aperçu pour un œil non entraîné, mais pour Diss, le geste signifiait que sa cible s’apprêtait à faire un plongeon en avant. C'est la réponse idéale face à une personne qui vous court dessus. Rouler et sol tout en dégainant son arme. L'agresseur était alors porté par son propre momentum (élan), et ne pouvait immédiatement changer de position, le laissant ouvert à plusieurs tirs. 
- "Hmmpf" - fit Diss en observant le mercenaire plus en détail. Il s'agissait d'un homme mesurant 1m 88, mince mais sec, le visage en diamant avec un menton pointu, les yeux profondément ancrés dans les orbites. Il portait une veste coupe-vent noir ouverte, un pantalon à quatre poches noires et des chaussures coquées noires. 

75 mètres. Diss continua sa simulation en incluant la réponse du mercenaire. Son corps pouvait tanker des balles de petit calibre. Les projectiles allaient simplement rebondir contre sa peau, ce qui lui laissait l'opportunité d'attaquer le deuxième garde du corps à quelques pas. Et là encore, comme en réponse à cette possibilité, le même mercenaire se pencha doucement vers son collègue et lui murmura quelque chose à l'épaule. Ensuite il tourna la tête vers les Phanoms et reprit sa position, avec le centre de gravité toujours basculé sur son pied droit pour rouler sur le côté en cas de besoin. Le deuxième mercenaire suivit l'exemple de manière moins fluide, mais il était quand même prêt en cas de besoin.

50 mètres. Diss adapta sa simulation. Il était au milieu de la zone de danger et pouvait couvrir cette distance en un clin d’œil. C'est pourquoi son partenaire de jeu tourna la tête et fixa le cyborg en fauteuil roulant sans cligner des yeux tout en le suivant du regard. Cependant Diss était persuadé de pouvoir l'atteindre avant que la motricité de son adversaire ne s'enclenche. A cette distance, son adversaire n'avait que deux endroits où il pouvait rouler en essayant de se mettre en sécurité, et la réponse à cette parade était simple. Limiter son engagement. 

La roulade était effective s'il se donnait à fond dans la course et que l'énergie générée par son élan était supérieure à ce que ses fibres musculaires peuvent encaisser. Les paramètres réels étaient bien plus nombreux, mais pour faire simple Diss devait simplement éviter de se faire emporter par sa propre course. Alors il pouvait altérer sa trajectoire à volonté et parer à la roulade de plusieurs manières différentes comme un coup de pied dans le dos, propulsant le mercenaire dans le mur. Quant au deuxième, il n'avait pas l'air de très bien comprendre ce que faisait son collègue en levant la manche gauche de son coupe-vent, dévoilant un bras bionique. Il était extrêmement rare de voir un militaire ou un paramilitaire encore "entier". Les prothèses n'étaient pas uniquement dues aux mutilations sur le champ de bataille, elles étaient également volontaires pour être compétitif sur le marché de la violence.
- "Qu'est ce que tu essayes de me dire ?" - pensa Diss intrigué alors que Turk continuait à le pousser en avant de plus en plus vers ce qui pouvait être le point d'ignition.


Johan Swanson commençait à sentir une pression considérable, même s'il n'était poussé que par son professionnalisme. La pression qu'il se mettait sur le dos était sa décision, mais il ne pouvait faire autrement que de tourner les pires scénarios dans son esprit, c'était un réflexe qu'il avait développé depuis ses huit ans et qu'il avait développé sciemment après la découverte que ce trait de caractère était partagé avec l'arshmarshall Soumaré, un héros de l'humanité et son héros personnel.
Ce réflexe était le seul moyen que Johan ait trouvé pour éviter les problèmes, pour éviter de se faire taper par les plus grands, de se faire dépouiller du peu qu'il avait car il n'avait personne pour le protéger. Ni père, ni mère, ni frère, ni sœur, ni amis... Il était inconcevable qu'une telle chose puisse être possible dans une ville de près de 100 millions d'habitants mais en réalité, pour Johan, ce n'était que 100 millions de plus d'avoir des ennuis. Il était orphelin, pas très grand, et démuni d'intelligence sociale, alors les coups pleuvaient souvent sur sa tête. Les personnes qui l'ont sauvé étaient Soumaré, à travers ses récits, et la personne juste à côté de lui : son mentor Nomad Ramsey.
Ce travail n'était simplement une question de professionnalisme, mais également un moyen de répondre aux attentes de Nomad qui n’existaient que dans son esprit. C'est pourquoi il ne pouvait s'empêcher, à la vue de la neige et de tout le reste qui suivi, son baromètre de paranoïa avait complètement exploser et le plus dur était de ne pas l'extérioriser. C'est pourquoi, à la vue du cyborg en fauteuil roulent, Johan eut l'impression que ses cheveux s'étaient hérissés sur son crâne. Ses nerfs à vifs hurlaient
- "DANGER ! DANGER ! DANGER !"

Alors il ne pouvait que se préparer à l'avance en se demandant
- "Si jamais c'est un ennemi, comment je le contre ?"
De sa vue périphérique, il ne pouvait identifier les détails de l'agresseur potentiel. Est ce qu'il était complètement modifié ou en partie ? Etant dans cette incertitude, Johan choisit de prendre le pire scénario en imaginant que l'ensemble du corps de cet individu avait été modifié ce qui le rendait particulièrement dangereux. D'un geste à peine perceptible, il plaça la main sous le coupe-vent, prêt de son arme de désorientation. Les seules personnes pouvant porter des armes létales à Pasteuria étaient les Phanoms, et là-dessus la sécurité était intransigeante. A cet effet, Johan avait un bâton électro magnétique qui pouvait choquer les humains et court-circuiter certaines fonctions vitales chez une machine, mais bon ils étaient à l'hôpital.  L'agresseur avait toute ses chances de survivre.

Lorsque l'inconnu entra dans le périmètre des 100 mètres, Johan était en stress. Il était dans le métier depuis plus de vingt ans et il avait vu des assassinats se faire à 100 mètres avec des prothèses de grade militaire. Il avait vu un très vieux film ou un assassin voulait tuer un en roi, et pour cela il devait trouver un moyen de s'approcher à 15 pas. A cette distance il était sûr d'agir avant que quiconque puisse réagir. Aujourd'hui cette distance était passée de ces quinze pas, à 100 mètres dans le meilleur des cas. Et vu que Johan était sur le chemin de l'agresseur potentiel, il savait qu'il allait être ciblé en premier, après tout c'était la raison pour laquelle il avait choisi cette position.

100 mètres. Johan imagina cette hypothèse : Et si jamais ce type se levait de son fauteuil et lui fonçait dessus ? Comment est-ce qu'il pourrait répondre à ce problème ? Se pencher ? Non, il serait complètement déstabilisé sur ses appuis et son centre de gravité. Reculer était juste suicidaire.
- "Rouler sur le côté" - se dit il ensuite. De la sorte, il sortirait du champ visuel de son adversaire imaginaire et pourrait se repositionner à distance avec son arme en main - "Ok, bien" - pensa Johan en prenant appui sur son pied droit, prêt à le propulser comme un ressort.

Cependant, il y avait un autre problème. S’il se sortait de là, alors c'est Nomad qui allait certainement prendre c'est pourquoi il se pencha pour lui dire
- Hey, tu peux prendre le travail un petit peu au sérieux ?
- Tu stress trop junior - répondit ce dernier mais il savait que le jeunot n'allait pas le lâcher, c'est pourquoi il soupira en adoptant une position adéquate. Contrairement à ce que Johan pensait, Nomad faisait le même exercice. Après tout la pomme ne tombe pas très loin de l'arbre. Cependant, son expérience lui disait que rien n'allait se passer et que ce n'était pas la peine de se fatiguer pour rien.

Johan quant à lui fut satisfait, et il reprit sa position. Cependant il ne se détendit pas pour autant, le fait que la distance ne faisait que se raccourcir était une source d'intense tension qu'il ne laissait pas paraître sur son visage ou dans son langage corporel. C'était une question de paraître, d'image, et de professionnalisme. La "Legyenore" jouait à l'échelle galactique et ses agents étaient l'image de son excellence, excellence qui était chère à Johan. Excellence qu'il ne cessait de poursuivre pour faire honneur à Nomad.

A 50 mètres de distance. Le mercenaire tourna la tête pour observer son adversaire imaginaire et ne pas le quitter des yeux. Un geste complètement naturel, cependant... Dans le type d'affrontement qui pourrait avoir lieu, une vision floue offerte par la vue périphérique était plus adaptée. Paradoxalement, non, pas si paradoxalement que ça... En ayant un objet en pleine vue, le cerveau gérait l'ensembles des informations alors que dans le deuxième cas, le cerveau comblait le vide par l'expérience et cela lui demandait moins d'effort, le rendant moins réactif. L'attitude de Johan voulait dire deux choses : soit c'était un amateur dans ce type d'affrontements, soit il avait les réflexes sur développés. Un geste débordant de confiance, néanmoins le geste qui suivi rendait le message un peu plus fou poussant Diss à se poser une question.
- "Qu'est-ce que tu essayes de me dire ? Que tu as peur de moi en me menaçant de ton bras bionique ou que tu es certain de pouvoir me mettre au tapis ?".


35 mètres. Le rythme cardiaque, jusque-là régulier, de Johan trahit son inquiétude. Comme une fausse note d'une pianiste durant une représentation, elle témoignait d'un manque de concentration et d'un niveau de stress élevé : Diss avait sa réponse. Dans cet échange de si, et d'hypothèses, d'une lutte imaginaire de possibilités, son adversaire avait peur. Malheureusement le guerrier avait peu de moyens de rentabiliser cette information. Pas avec toute le sécurité présente. 

25 mètres. Bou boup, bou bou boup. Le rythme cardiaque de Johan commençait à échapper à son contrôle ce qui lui valut un regard flegmatique de Nomad. Son protégé, contrairement à lui, avait le sang chaud. Malgré la discipline qu'il lui avait inculquée, Johan était un passionné. Il était passionné par son travail, passionné par ses responsabilités, passionné par le prestige, et malheureusement, passionné par la fille allongée dans le lit derrière eux. Mais, et cela Nomad à prit soin de développer, de vriller dans sa conscience... Mais, cette passion ne diminuait en aucun cas sur le professionnalisme de Johan, au contraire. Il avait préparé son protégé à faire taire ses sentiments pour le business et même s'il a mal, même si son cœur saigne de douleur, même si ses yeux pleurent de peine, il avait inculqué à Johan la notion de mission. C'est pourquoi Nomad n'était que flegmatique, et non inquiet. Même là Johan faisait preuve de zèle, mais un zèle saint pour le boulot. Cependant Nomad décida de jeta un coup d’œil à la personne qui stressait autant son petit, et effectivement il y avait de quoi se faire du souci. Son regard expert scanna Diss de la tête au pied et rien de ce qu'il vit ne lui plus, ni physiquement, ni en termes d'attitude. Il était le mec dans le bar qui allait commencer la merde. 

15 mètres. Autant dire, la distance d'une main tendue. Diss était dans le périmètre de la seconde et il avait même embrassé l'envie de se lever de son fauteuil pour entrer immédiatement en action. Malheureusement, il avait attiré beaucoup trop d'attention à son goût. Un peu comme un serpent dans un poulailler. 

10 mètres, 5 mètres, 3 mètres, 6 mètres... Le fauteuil roulant continua sa route sans que son occupant ne crée d'incident, entamant un nouveau cycle de pression avec les gardes du corps du patient suivant. Diss ne vit pas le troisième homme sortir de la chambre de Séforah: grand, mesurant plus d'un mètre 90, la silhouette aussi sèche que Johan mais aux muscles forgés par des centaines de milliers d'heures d'efforts intenses, les cheveux noirs de jais tombant sur les épaules. 
- Qui c'est ? - demanda Noam en fixant Diss grandement caché par Turk. 
- Aucune idée, un cyborg. Mais je le sens mal boss - répondit Johan 
- Nomad, ton opinion - demanda Noam 
- Ça schlingue - répondit Nomad 
- Je vois... Même si cet hôpital est reconnu comme un sanctuaire, j'imagine qu'il existe encore des imbéciles qui ont du mal à comprendre. Nomad, contact le QG, qu'ils trouvent toutes les informations possibles sur ce type. Johan, garde les yeux bien ouverts...
- Qu'est ce qu'il y a Noam ? - entendirent ils la voix de Séforah 
- On va peut-être devoir vous déplacer plus tôt que prévu madame - répondit Noam en reprenant place auprès de Séforah 
- Oh !... - dit cette dernière déçue - J'avais espoir de le revoir avant de disparaître - dit la jeune femme en serrant son drap
- Qui ? - demanda le chef des mercenaires
- Personne - répondit Séforah en faignant un sourire et plaçant une main sur le ventre - Personne d'important...

Diss continua son chemin, l'esprit préoccupé. Il ignora les attitudes du personnel de sécurité qui se préparait physiquement et mentalement à une altercation, mais de manière polie, sans laisser paraître la crainte du transhumain. Diss avait lu qu'il y a très longtemps de ça, ce genre de comportements était courant parmi les humains de ce monde et pouvait toucher un aspect aussi basique que la couleur de la pigmentation ou la difformité corporelle. Ces humains devaient vivre dans une réelle utopie pour gaspiller ainsi leur énergie à créer des problèmes qui n'en étaient pas. Leur monde devait être un véritable paradis pour qu'ils n'aient aucune crainte d'en faire un enfer. 
Cependant, à la défense des mercenaires et des Phanoms, leur comportement n'était pas dénué de raisons car Diss présentait bel et bien un danger. Il ne savait simplement pas comment il allait manifester ce fait. Toutes ses simulations finissaient par un conflit armé et il n'y avait rien de plus normal avec si peu de temps de préparation. Mais ce n'était pas ce qu'il voulait, ce n'est pas ce qu'il cherchait. Non seulement suite aux consignes irréalistes de Monsieur mais également parce qu’il préférait que son existence ne fasse pas trop de vagues. 

Turk était silencieux. Même s'il ne comprenait pas ce qui se passait il pouvait sentir la pression dans l'air. Partout où il regardait, les visages étaient graves, et les vrillaient de part de part. Il se sentait comme une souris entourée de chats endormis et qui pouvaient se réveiller et le dévorer au moindre bruit. Il ne comprenait pas pourquoi il se sentait si opprimé, après tout il ne faisait que son boulot et n'avait rien à se reprocher. Il comprenait que cette attitude n'était pas dirigée contre lui mais, pour autant il ne pouvait s'empêcher de trembler de peur. Il poussa son patient, Prior, jusqu'à la large série de vitres au fond du couloir et c'est seulement là qu'il se senti dans la capacité de reprendre son souffle. 
- Vous allez bien ? - demanda Diss en voyant le teint pâle de son aide-soignant.
- Oh oui, je vais bien, je vais bien - répondit Turk en regardant sa montre pour voir l'heure mais également pour constater qu'il avait plein de messages qu'il n'avait pas vu - Ah merde...
- Un souci ? - demanda à nouveau Diss en feignant un intérêt tout en observant Turk de la tête au pied, tout en prenant le temps de s'attarder sur chaque détail de sa physionomie. 
- Je vais devoir vous laisser dans vote chambre, j'ai malheureusement d'autres patients qui m'atten... Qu'est-ce que vous faites ? - demanda Turk en remarquant le comportement étrange de Prior. 
- Oh pardonnez-moi, je remarquais juste que vous êtes plus athlétique que je ne le pensais. Vous faites beaucoup de sport je pari ? - dit Diss avec le sourire le plus charmant qu'il a pu entraîner. 
- Euh, oui, j'avoue que je pratique quelques activités sportives à mes heures - répondit Turk en bombant inconsciemment le torse - Vous savez ce n'est pas facile de travailler dans cet hôpital si on n'est pas en top condition physique. 
- Vous m'en direz tant - répondit Diss impressionné 
- Ah ? Il neige encore - remarqua Turk les minuscules cristaux de glace qui tombaient à l'extérieur
- Je me demande ce qu'il se passe - demanda sincèrement Diss, de manière rhétorique. 

- Je suis aussi perdu que vous. Je me demande encore s'il n'y a pas un hallucinogène qui a fuité.
- A vous entendre, cet hôpital est plus une droguerie* qu'un hôpital - commenta Ameno
- Ha ! Peut être effectivement que j'ai pu vous donner cette impression mais ce n'est pas le cas. Comme je vous l'ai dit, il n'y a rien de dangereux ou d’addictif dans les produits qu'on développe ici - expliqua Turk 
- Oh, je vous crois - répondit Diss en regardant par la vitre. Il leva les yeux vers le ciel pour constater que les nuages sombres avaient cachés les étoiles et que des éclairs y jouaient à cache-cache - "Merde, Frierdricht, tu m'as salopé le boulot !" - fulmina intérieurement le guerrier. Si seulement cette tempête surnaturelle n'avait pas eu lieu, les gardes seraient plus relaxes. Mais il se rattrapa sur l'idée que si Friedricht avait dû intervenir c'était qu'il y avait un problème de taille. C'était sa condition après tout. C'était à lui de se démerder maintenant qu'il avait accepté la responsabilité de cette mission et à cet effet, il avait une petite idée. Pas la plus brillante, mais ce n'était pas comme s'il avait l'embarras du choix - Avant de monter dans ma chambre, j'aimerai passer aux toilettes si cela ne vous dérange pas - demanda Diss. 
- Oh, oui bien sur - répondit Turk en commençant à pousser la chaise roulante sur la droite. Le jeune homme avait un étrange pressentiment, comme une sorte d'angoisse qu'il sentait germer en lui. Mais il essaya de n'y prêter aucune attention, il ne comprenait d'où cela pouvait venir, il n'avait aucune idée de ce que cela voulait signifier, tout ce que ce sentiment lui disait était qu'il avait besoin de prendre un ou deux antidépresseurs de plus...



Blabla de l’auteur

Hello à vous chers lecteurs. Je vous souhaite une excellente journée et un super week end à venir. Prenez le temps de souffler, une étude affirme que le manque de repos augmente de 20 % les risques de tomber gravement malade. Et ce surtout durant les Week end XD

Merci de me lire ! Vous êtes formidables !! Tchuss et à demain peut-être !!! Si vous avez des questions, des suggestions, etc… n’hésitez pas à laisser un commentaire ou à m’écrire ici : unepageparjor@hotmail.Com !!!!




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