C’est
ainsi que se passa la soirée : dans un silence meublé de quelques mondanités qui
rendit tout ce qui pouvait être agréable complètement fade. Et aucun steack
aussi juteux ou épicé soit il, ne pouvait changer cette triste réalité.
Le
regard de Lambert senior ne faisait que tourner en rond entre son assiette et sa
famille, cherchant, cherchant... Non, il ne serait pas honnête de dire qu’il
cherchait quoi dire. C’était plutôt qu’il cherchait l’envie de dire quelque
chose qui ne gâcherait pas cette soirée. Il avait envie de vomir sa frustration
et sa peur, de l’externaliser et de l’injecter comme un venin aux autres, car il
avait l’impression d’être le seul à souffrir et ce n’était pas juste à ses yeux.
Il avait l’impression d’être le seul à vouloir faire des efforts. Les autres
étaient contents du statu quo actuel et cette insouciance était comme une claque
qui ne cessait de se répéter. Ne voyaient-ils pas ce qui était en train de se
passer ? Ne voyaient-ils pas que tout pouvait se briser ? Est-ce qu’il s’en
fichaient ?
Ses
questions ne cessaient de tourner dans son esprit et l’absence de réponses
n’aidait pas à son humeur.
Avant
d’attaquer le dessert, Martin se leva brusquement et s’éloigna en direction des
toilettes pour s’isoler, pour se calmer pour faire baisser la pression et
reprendre le contrôle de soi sans avoir l’objet de sa frustration devant les
yeux... C’est ainsi que passa la soirée : dans un silence meublé par les bruits
de fonds, par des conversations étrangères des tables à côté.
-
Ton travail avance ? - avait-il demandé.
-
Pas vraiment - avait-il eu en réponse sans explications pour lancer la
conversation.
-
«Bon...» - pensa Lambert senior avant d’avaler son dessert et appeler le garçon
pour payer l’addition avant de partir avec sa famille.
Même
s’ils n’avaient rien à se dire, ils marchaient tous à côté en donnant l’illusion
d’une unité, d’un bloc. Ashana mit même sa main autour du bras de son mari ce
qui l’étonna au plus haut point après l’ambiance lourde de la soirée. Mais ce
simple geste fut comme un mouchoir pour son cœur en pleure, même si une certaine
confusion s’installa en lui. Néanmoins pour ce soir et ce soir uniquement il
décida simplement de profiter de ce geste et de cette minuscule intimité qu’ils
n’avaient pas eus depuis très longtemps. Il avait besoin de cette bouffée d’air
pour envisager des efforts supplémentaires...
-
HEY !!
-
ÇA VA PAS NON !
-
HEY ! - entendit il des vois venant de la route sur la gauche, obligeant la
plupart des promeneurs à tourner la tête.
Kolin,
subissant la soirée jusque là où un pincement au coeur qu’il ne sut expliquer,
une poussée de curiosité qui l’obligea à prêter une attention particulière à ce
qui se passait.
Alors
qu’il tourna la tête en direction des cris et des insultes il vit quelque chose
d’incroyable passer devant ses yeux aussi vite qu’un véhicule de course roulant
à toute allure. De cette ombre, Lambert junior ne put voir que quelques détails
: il s’agissait d’une personne portant un sweat à capuche malgré le fait qu’il
ne faisait pas particulièrement froid. Cette personne portait également un
masque qu’il ne put identifier avec précision. Mais le plus important, la chose
qui le poussa à courir à la poursuite de cette ombre en abandonnant ses parents
sans une seconde d’hésitation : une paire de rollers comme celles qu’il avait
vues dans la vidéo.
-
KOLIN ! - hurla Martin surpris et choqué, mais son fils ignora son appel et
continua à courir comme s’il avait le diable au cul, poussant sans égards tous
ceux qui se trouvaient sur son chemin.